Debian : des sensations pures

Ciel bleu sans nuage

Parce qu'il y a logiciel libre et logiciel libre, je vais vous parler aujourd'hui particulièrement du projet Debian qui conçoit un système d'exploitation libre de manière ouverte, communautaire et démocratique, indépendamment de toute entreprise commerciale (chaque mot compte).

Zoom sur le projet Debian

Quoi ?

– un système d'exploitation libre, ou, pour être précis : un système d'exploitation composé exclusivement de logiciels libres (voir la définition des logiciels libres selon Debian). Bien sûr l'utilisateur a toujours la possibilité d'installer des logiciels ou des pilotes non-libres, mais cela résulte alors de son choix personnel : le système Debian est exempt de logiciels non-libres par défaut.

Comment ?

– de manière ouverte : tout est public (même les dysfonctionnements éventuels du projet sont abordés publiquement).

– de manière communautaire : environ 1.000 développeurs volontaires à travers la planète forment le socle du projet. Chacun fait ses propres choix dans son domaine technique sans pouvoir être contraint (celui qui fait décide).

– de manière démocratique : toutes les décisions importantes sont débattues puis soumises au vote des développeurs conformément à la Constitution du projet. Pas de dictateur bienveillant ici, ni d'oligarchie.

– indépendamment de toute entreprise commerciale : Debian ne dépend pas d'une ou plusieurs compagnies en particulier. Les décisions ne sont pas imposées par les personnes fournissant des capitaux, l'infrastructure ou employant des développeurs.

Dans quel but ?

– dans l'intérêt exclusif des utilisateurs, conformément au contrat social Debian.

Debian, plus qu'un logiciel libre

Certains utilisateurs n'hésitent pas à se retrancher derrière la licence d'un logiciel pour tenter de se convaincre eux-mêmes que tous les logiciels libres se valent en termes de liberté. Après tout et par définition, ils confèrent tous, à égalité, les 4 libertés caractéristiques (celles d'utiliser le logiciel, de l'étudier, de le modifier selon ses besoins, de le partager).

Cette approche statique des choses n'offre qu'une vision tronquée d'un projet donné : l'utilisateur aura tout intérêt à s'assurer non seulement du caractère libre de la licence du logiciel mais aussi du caractère ouvert de son développement et de la direction du projet.

Par exemple, qu'un logiciel libre soit développé exclusivement en interne par une société commerciale devrait vous conduire à vous poser cette question : ce logiciel présente t-il les mêmes garanties que son équivalent (le cas échéant) développé de manière ouverte et communautaire sous la houlette d'une entité à but non lucratif ? Les projets prendront-ils les mêmes directions ? Les priorités sont-elles les mêmes ?

À tout moment du développement d'un logiciel, des décisions doivent être prises. Peut-être n'est-il pas superflu de se demander dans l'intérêt de qui sont prises ces décisions.

L'actualité regorge d'exemples dans lesquels le mode de gouvernance du projet n'est pas neutre pour ses utilisateurs, bien qu'il s'agisse à chaque fois de logiciels libres :

  • Pensez-vous vraiment que les deux navigateurs Web libres que sont Chromium (développé par Google, une entreprise qui tire ses revenus de l'exploitation commerciale des informations personnelles qu'elle collecte silencieusement de ses utilisateurs) et Firefox (développé par Mozilla, une fondation à but non lucratif agissant conformément à son Manifeste) offrent les mêmes garanties en termes de respect de la vie privée ? (à ce sujet, je vous renvoie à ce précédent billet : Quelle est la différence entre un navigateur libre ?)
  • OpenSolaris, initié par Sun et repris en main par Oracle (suite au rachat du premier par le second) qui a décidé d'en privatiser le développement, ne divulguant plus qu'à l'occasion des versions « finies », tient-il toutes les promesses attendues d'un logiciel libre ? (Lire l'article correspondant sur OSnews. Sur cette problématique, on pourra lire aussi sur le Framablog : Méfions-nous du Fauxpen Source ! et Paint.NET : du fauxpen source au vrai propriétaire)
  • Même question s'agissant d'Android, pour lequel Google décide dorénavant de divulguer prioritairement les nouvelles versions à tel ou tel partenaire commercial (lire l'article correspondant sur OSnews).
  • LibreOffice, le fork d'OpenOffice, ne doit son existence qu'à la frustration occasionnée par le mode de développement insuffisamment ouvert de ce dernier et par l'influence trop forte exercée par Sun/Oracle sur le projet (lire le résumé des péripéties du projet).

Bien sûr, toutes les entreprises ne sont pas à mettre dans le même panier.

Certaines – comme Red Hat que l'on retrouve derrière le projet Fedora – font aujourd'hui un travail remarquable au service du Libre pour lequel on peut leur être reconnaissant, et même éprouver une réelle admiration. Mais comment être certain que, à un moment ou un autre, les décisions prises par ces entreprises ne finiront pas par diverger des intérêts des utilisateurs ? Ou que ces entreprises, aujourd'hui amies du Libre, ne seront pas un jour rachetées au risque de devenir alors moins amicales (citons au hasard le cas de Sun récemment racheté par Oracle) ?

C'est pourquoi il est utile de soutenir les projets non seulement libres mais aussi indépendants de tous intérêts commerciaux, ceux dont les choix ne sont pas guidés par le profit.

À cet égard, lorsque l'on regarde le palmarès des distributions GNU/Linux les plus populaires, Debian fait figure d'exception : il s'agit de la seule à ne pas être, d'une façon ou d'une autre, détenue ou supportée par une entreprise.

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