Logiciels libres et plateforme d’exécution fermée
La nouvelle avait fait couler de l’encre numérique , VLC a été retiré de l’Apple AppStore suite à la demande d’un des principaux contributeurs et par voie de conséquence au fait qu’Apple ne voulait surement pas se compliquer la vie pour une application. J’avoue que mon premier sentiment fut de ressentir cet évènement comme une fatalité : il arrivait ce qui devait arriver.
A l’image de Cyrille, j’avoue ne jamais avoir bien compris l’intérêt de proposer VLC pour une plateforme comme l’iPhone. Je plaiderais néanmoins en faveur des développeurs pour la bonne intention, mais l’enfer en est pavé malheureusement.
Je ne me lancerais pas dans une étude sur la possibilité juridique de la présence d’un logiciel libre sur la plateforme mobile d’Apple. Il semblerait que l’incompatibilité soit établie lorsque les contributeurs n’ont pas cédé leurs droits au dépositaire du projet dans le cadre d’un accord de licence du contributeur. Je resterais donc plutôt sur le terrain de l’esprit du logiciel libre.
J’avais eu l’occasion de m’en expliquer lors d’un débat au sein des membres de l’équipe de modération du Planet-Libre à propos de la publication d’un article de Nicolargo sur l’application mise à disposition pour accéder à son blog depuis un iPhone.
Si le logiciel publié est sous licence libre, cela garantit en effet que l’on puisse consulter le code source, le modifier, le diffuser. Mais l’exécutable lui a besoin d’être publié sur l’AppStore d’Apple qui peut l’accepter ou le refuser selon son bon vouloir. L’utilisateur est donc pieds et poings liés à Apple pour le choix des programmes qu’il exécute.
Si cet utilisateur souhaite exécuter une version modifiée de ce programme, il a bien la possibilité de modifier les sources, mais il lui faudra soumettre son application modifiée à l’AppStore pour l’exécuter. Je passe aussi sur le fait qu’il n’est pas possible de donner une application iPhone directement à quelqu’un. Cette personne doit à nouveau passer par la case AppStore. On ne peut donc pas dans l’absolu distribuer un logiciel sur cette plateforme.
Une forme de limite déjà mise en oeuvre d’une façon un peu similaire dans ce que l’on a appelé la Tivoisation : la création d’un système qui inclut des logiciels libres, mais utilise le matériel électronique pour interdire aux utilisateurs d’y exécuter des versions modifiées (source Wikipédia).
Certes l’objectif d’Apple n’est pas d’utiliser des logiciels libres pour alimenter son AppStore, mais le système mis en place atteint un objectif similaire : contrôler ce que l’utilisateur peut exécuter ou pas sur son terminal mobile.
Dans la discussion est revenu le débat des logiciels libres sur Windows. Certains s’y opposent, d’autres pensent que c’est un mal nécessaire pour faire connaître les logiciels libres et étendre leur utilisation. Si Firefox n’avait fonctionné que sous GNU/Linux où en serions-nous aujourd’hui ?
Il semble donc raisonnable d’accepter une dose de pragmatisme concernant Windows. D’autant plus que sur cette plateforme (et sur MacOSX aussi d’ailleurs) j’ai la possibilité d’exécuter librement, une version que j’aurais moi-même modifiée de ce programme. Je peux donner ce programme à mon voisin sans avoir à passer par Microsoft. Sur l’iPhone c’est impossible.
Cloud computing et plateforme fermée
Ce qui nous amène de fils en aiguille à la dernière attaque de Richard Stallman traduite sur le Framablog contre le cloud computing ou informatique dans les nuages. Si les logiciels parfois utilisés sur les services web sont des logiciels libres, il n’en demeure pas moins que l’on se retrouve souvent dans la situation ou l’utilisateur est face à une plateforme d’exécution fermée dont il n’a pas les clés. On peut citer :
- Les mises à jour sont souvent automatiques et imposées;
- Je ne peux pas modifier le code du logiciel que j’utilise;
- Il n’est pas possible de transférer le logiciel et sa configuration sur une autre plateforme d’exécution;
- Je n’ai pas la possibilité de vérifier que le code du logiciel qui est mis à disposition est bien la même que celui du logiciel libre sur lequel il se base.
La plateforme d’exécution reste donc une des pierres angulaires permettant de garantir les libertés des utilisateurs.
Crédit image Certains droits réservés par carlosluz
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 24/01/2011. | Lien direct vers cet article
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