Le modèle économique du libre n’est-il qu’une chimère?
Suite à mon article sur les 10 raisons de choisir Linux…ou pas, on m’a reproché le point “Linux est gratuit (du moins majoritairement)”. En effet, il balaie les efforts que font nombre de libristes pour justifier que libre ne signifie pas gratuit et surtout il enterre ceux fait pour encourager les dons pour soutenir les projets libres. Je profite donc de cette occasion pour exprimer mon sentiment au sujet du modèle économique du logiciel Libre.
Commençons pas le commencement, bien que je ne sois en rien un expert en la matière, plus j’y réfléchis et plus je constate la précarité du modèle économique du libre. Je m’explique. Si de grands groupes open-sources comme Mozilla sont capables de bien vivre et ont un bilan financier solide, soyons honnête, la majorité des petits acteurs du libre n’en tirent qu’un seul bénéfice : la gloire (ahah je me gausse!!). Pourtant, je les entends les fréquents arguments du modèle économique de l’open source…
Free is not free… but we are not stupides
Bien sûr, je ne suis pas un économiste mais je gère mon budget, et garde un œil (un peu candide) sur les marchés financiers et je réfléchis quant à la façon d’utiliser mon argent le plus judicieusement possible. Il me semble évident que si je peux gratuitement accéder aux sources d’un logiciel, je serais idiot de l’acheter. Ou niais? Alors moi, le slogan free is not free me fait doucement rire…
Je ne pense pas que les gens soient plus mauvais que moi en terme de gestion de budget, ou stupides. Alors, j’élimine cet argument sans m’étendre.
Donnez, donnez, donnez, donnez moiiiiiiiiii!
L’informatique libre repose sur un modèle communautaire, un modèle d’échange. Pour beaucoup, le moyen de faire vivre l’informatique est donc le don. Vous aimez un projet, alors vous le soutenez par un don qui fera vivre l’association qui le porte.
Malheureusement, le français ne donne pas. Du moins, il ne donne que lorsqu’une ONG lui soutire une larme à grand coup de poster illustrant un pauvre petit bout famélique nord africain qui va se faire battre par ses parents avant de sauter sur une mine. Ou à la limite, s’il se dit qu’en donnant 1€, il permet à la croix rouge de continuer à voir Adriana montrer ses lolos à la télé… C’est dommage.
Concrètement, seules les grosses associations parviennent à tirer leur épingle du jeu et encore, souvent difficilement. L’excellent(e?) Framasoft souffre d’un manque de fond et fait un appel aux dons, à l’image des fréquents appels de Wikipedia. Alors, les petites…
Et si ces galères ne suffisait pas, on retrouve les misères des licences encore!
TimCruz est un vieux chnock qui dit aussi du mal des licences open source
S’il ne suffisait pas qu’il existe un nombre assommant (c’est le terme) de licences, j’en ai fait les frais lors de la publication de Ardilla, celles-ci cassent souvent dans l’œuf toutes possibilités de création d’un projet avec financement se basant sur les sources d’un autre projet. Alors si elles protègent le projet initial, c’est très bien, mais je croyais que la force de l’open source était que le partage des sources favorisait les nouveaux projets?
Et la licence Creative Commons alors? Si déjà l’affaire Florent Gallaire semble donner un vilain coup à la crédibilité de la licence, celle-ci est aussi un poids pour bien des usages. Je vais prendre mon cas, celui d’un bloggeur non influent pour qui donc les dons ne tombent pas du ciel (j’ai viré le bouton don de GDF après 8 mois de pure folie financière et un bénéfice de 0€) et devant qui les boites de comm’ ne rampent pas pour bénéficier de l’effet de pub. Alors pour payer le coût de mon hébergement et les frais que provoquent mon site (frais d’envoi des produits testés ou offerts aux lecteurs, etc.), j’ai réfléchi à l’opportunité publicité. Mais il m’arrive de parler de projets open source sous licence creative common by-nc-sa. Soucieux de respecter les accords de licence, j’ai interrogé les petits gars de Creative Commons France sur la pub. J’ai obtenu cette démoralisante réponse :
“La notion de NC n’est pas tranchée de manière définitive et nous ne sommes pas habilités à donner des conseils juridiques. Si vous considérez que l’utilisation est commerciale, et la publicité fait partie des cas fréquents, vous pouvez contacter le site concerné et demander le retrait.”
Même si vous ne vendez pas le produit sous licence NC et ne faites pas commerce directement grâce à celui-ci mais que vous financez votre site par de la publicité, vous êtes dans votre tort. Au final, si j’opte pour de la publicité, je renonce à faire la promotion de production sous licence NC. Qui est le réel perdant? Moi ou celui qui aurait pu gagner un peu en visibilité grâce à mon modeste article? Et encore, j’ai eu l’honnêteté de me renseigner… J’en connais des blogs qui passent outre et le font tout de même!
Le salaire obtenu par un projet open source sera directement lié à l’originalité du projet en question
On m’a fait remarquer que si je veux qu’un projet soit porteur, il doit être original, unique et révolutionner le logiciel, comme VLC ou Firefox l’ont fait. Outre la prétention hors du commun de cette réflexion, j’assume : je ne suis pas un génie. Je suis un informaticien qui désire pouvoir vivre de ses compétences et pouvoir gagner un poil plus en soutenant une politique informatique qu’il aime. Pour ce faire, je serai sous peu auto-entrepreneur. Si je désire créer une petit solution logicielle qui ne révolutionnera pas l’informatique – mais pourra répondre à un besoin – et le commercialiser, honnêtement, suis-je un sale type?
Je n’ai pas le temps, les ressources et les compétences de faire plus! Oui, des boites percent dans le libre; des boites d’ingénieries très souvent. Je n’ai pas la chance d’être un ingénieur et de proposer une usine à gaz sous Linux aux entreprises. Il me reste la possibilité de proposer des services aux personnes, TPE et PME. Mais pour beaucoup de solutions, si le choix de Linux et de l’open source devient pour moi moins intéressant que le logiciel propriétaire, n’est ce pas une faille évidente dans la politique open source?
La communauté est et reste la solution à un modèle économique viable pour l’open source
Face à ces interrogations, on m’a rappelé qu’une valeur de l’open source est de proposer un modèle pour lequel tout ne se limite pas au fric! Le libre peut rapprocher les gens et créer des relations qui n’existent pas honnêtement quand son seul objectif est de faire son bénéfice sur le dos de son prochain. Actuellement, je le crains, le modèle économique lié au libre ne marche pas.
Je veux toutefois, pour ma part, continuer à y croire pour ce qu’il peut apporter sur le court, long et moyen terme. Si les gens commencent massivement à s’intéresser au modèle open-source, il ne sera plus quantité négligeable et sera plus viable financièrement. Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, j’en doute souvent mais malgré tout, je veux en être! Jean d’Ormesson disait lors d’une Interview qu’il se sent souvent plus proche de ses opposants que de ceux qui partagent ces choix et opinions. Je le comprends : autant je support le libre, autant j’ai plus de facilité à en dépeindre les failles. Maintenant, mon article n’a vraiment pas vocation à nourrir le troll mais il est porteur d’une question à laquelle j’espère vraiment vite trouver une réponse : le modèle économique du libre n’est-il qu’une chimère? Ou a-t-il en fait une dimension qui m’a totalement échappée?
Enfin, j’en profite pour le rappeler, Framasoft a besoin de vous!
Vous n’avez tout de même pas envie que l’on crée un poster d’un petit gnu famélique qui après avoir mangé un brin d’herbe contaminé par le gnu-fou va se faire charcuter à l’abattoir, pour vous décider à faire un don?