Le clash Oracle/LibreOffice ou le danger des forks politiques

Ceux qui suivaient mon ancien blog savent connaissent peut être l’aversion que je peux avoir envers les forks. Nombreux sont ceux qui considère le fork comme une pratique légitime, faisant parti de l’écosystème du logiciel libre et pour certains la pratique du fork n’est pas une chose grave. Une des raisons à cela est que chacun se fait sa propre petite définition du fork. Même un site très populaire vulgarise le terme : « Fork me on Github » peut-on lire sur de nombreux projets. Répétez après moi; une branche: bien, un fork: pas bien.
La seule définition valide est celle d’Eric S. Raymond exposée dans le Jargon File . Ce n’est pas négociable, les autres définition sont en parti ou totalement fausses.

Si j’en viens a écrire ce billet aujourd’hui, ce n’est pas bien dur a deviner par rapport a l’actualité récente, je veux bien sur parler du fork LibreOffice! Le projet a déjà fait couler beaucoup de pixels et après avoir reçu le soutient de nombreuses sociétés (dont IBM, Canonical, …), le principal intéressé, Oracle, refuse de s’intégrer au projet, refuse de donner le nom OpenOffice mais par contre propose aux développeurs employés d’Oracle qui travaillent sur LibreOffice de prendre la porte. Bien sur dans l’histoire, Oracle joue le rôle du grand méchant. Quoi de plus normal d’ailleurs, c’est toujours la multi-nationale le méchant, n’est ce pas? Pourtant en y pensant bien, toute cette vision des choses est très manichéenne, la gentille communauté contre la méchante corporation, ce n’est pas un peu trop simple?

Quand on y réfléchi quel mal avait fait jusqu’à présent Oracle a OpenOffice? Aucun a ma connaissance… Alors c’est soit disant pour s’émanciper, pour ne plus être dépendant d’une société qui tiendrait les rennes et qui briderai le développement du logiciel. Au dernières nouvelles le projet se portait plutôt bien, avec une nouvelle interface (Renaissance) en cours de développement. Ah oui, je sais! Il parait qu’Oracle est l’ennemi juré de l’OpenSource et qu’il veux rendre tous les projets de Sun fermés et commerciaux, enfin il parait seulement, parce que je me rappelle quand même d’avoir visité cette page en 2007 ou 2008, et elle était déjà bien remplie. Et je dois me faire vieux, ma mémoire doit me jouer des tours car j’ai clairement le souvenir d’un employé de chez Oracle disant « we love OpenSource » dans une vidéo LinuxCon ou autre conférence du même type. Ah mais attends, ils ont déjà commencé le massacre, ils ont arrêté de financer OpenSolaris, c’est bien la preuve qu’ils en veulent aux projets Open Source, non ? Oui, ou bien parce que tout le monde utilise Linux ou BSD aujourd’hui … vous connaissez personnellement un utilisateur d’OpenSolaris ? Moi non …
Ou alors il y a l’histoire de Java et de Google, qui est totalement risible au passage. Chers lecteurs, sachez que c’est ce que les multinationales font pour gagner malhonnêtement mais légalement encore plus d’argent : se foutre sur la gueule a grands coups de brevets. C’est un peu leur passe temps, comme il y en a qui vont troller sur DLFP ou d’autre qui font du tennis. C’est quelque chose qu’on ne peut pas comprendre, nous, humains. Toujours est il que j’utilise majoritairement des logiciels ex-Sun / Oracle : OpenOffice, VirtualBox, MySQL, Java (pour jouer a Minecraft),Netbeans (beaucoup moins maintenant, depuis que j’utilise vim). Je ne me suis jamais senti menacé par l’acquisition de Sun par Oracle, jamais.

Ce qui est plus dangereux a mon avis, c’est la réaction actuelle de la « communauté » et leur prise de position soit disant défensive envers Oracle. Les projets qui sont conçus pour nous protéger du grand méchant loup me font beaucoup plus douter sur l’avenir des logiciels concernés que si aucune mesure de ce type n’avais été prise. Qu’on soit bien clair, ces forks, LibreOffice mais aussi MariaDB, Drizzle et SkySQL (juste trois forks, vous êtes sur que c’est suffisant?), ces forks la sont tout sauf défensif étant donné qu’aucune attaque n’a eu lieu. Ces forks sont purement et simplement offensifs, du genre je prends mon gant et je le claque bien fort a la figure d’Oracle. Quoi de plus normal après cela qu’Oracle n’ai plus très envie d’être sympa et indique aux développeurs d’OpenOffice la direction pour prendre la sortie la plus proche a partir du moment ou ils ont montré un peu trop d’intérêt a LibreOffice. Je n’apprécie pas particulièrement Oracle, je ne les déteste pas non plus. Mon point de vue sur Oracle est neutre tout comme mon point de vue sur Sun était neutre: ce sont des sociétés et je ne peux pas éprouver de sentiments envers une société. Ce que j’apprécie en revanche, ce sont les projets libres supportés financièrement parce qu’il faut bien reconnaître qu’un projet 100% communautaire, ça ne décolle jamais vraiment sauf cas particuliers comme Debian qui dispose d’une réelle organisation interne.
Oracle a justement le rôle de financer les développements de plusieurs projets Open Source et jusqu’à présent il s’y est tenu, sauf pour OpenSolaris que personne n’utilise. En forkant, non seulement les développeurs ont montré leur aversion envers Oracle mais ils ont aussi fait sentir qu’ils étaient trop biens pour recevoir de l’argent de la part d’Oracle. « Non merci, on ne veux pas de votre argent sale, rendez le a Google, nous on va faire notre truc à coté sans subventions. »

Le pire c’est qu’au final, ce n’est pas la crédibilité d’Oracle ou des forks communautaires qui est en jeu, c’est la crédibilité du modèle de développement OpenSource. Un modèle OpenSource n’oblige pas ses utilisateurs a avoir confiance dans la société ou dans les individus qui développent les applications. L’OpenSource permet a quiconque de garder un contrôle total sur tout logiciel, et si un jour quelque chose de réellement grave se produit, alors oui, un fork sera légitime. Tant qu’aucune attaque, qu’aucun mauvais comportement n’est constaté, autant rester ‘amis’ avec ceux qui financent le projet, faire le contraire c’est cracher sur de l’argent qui n’est jamais de trop dans notre écosystème. En forkant un projet qui aux dernières nouvelles se porte bien on montre uniquement deux choses: 1) qu’on souhaite insulter publiquement une société qui apporte des fonds au développement logiciels et 2) qu’on a pas confiance dans le modèle de développement OpenSource.

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Publié par Mathieu Comandon : 31