Fire in the hole !
Casque, gilet pare-balles, maquillage noir sur le visage pour se camoufler. La guerre a commencé. Tous aux abris.
Et si les noms des communautés nous indiquaient ce qu’elles ne sont pas ? Et si, comme la République Démocratique du Congo qui est tout sauf une démocratie, le monde du libre était tout sauf libre ?
Je rampe à travers les billets qui explosent à deux pas de moi. Il y a bien-sûr ceux qui visent l’ennemi, les anti-microsoft ou les anti-Apple. Je les vois lancer leurs grenades, elles explosent au loin. Ouf, je ne suis pas touché. Mais il y en a qui ne tirent pas au loin, mais entre nous.
Je ne comprends pas. Y a-t-il une guerre civile ou chacun taperait sur son voisin pour la seule raison qu’il ne porte pas le bon logo sur son t-shirt ?
Je me cache derrière un mur et entends des explosions proches. Le monde du libre ne laisse pas la liberté à chacun d’utiliser ce qu’il veut. Nom de Dieu, c’est donc ça. Le commandement du libriste serait donc « Tu dois utiliser un logiciel libre… qui me plait ».
Je vois un sniper sur un toit. Ce soldat-là est formé à tirer sur tout ce qui bouge un peu trop. Un logiciel a du succès ? Descendu. Une distribution est majoritaire ? Abattue. Rien ne doit sortir du lot. Le nivellement par le bas. Les services de renseignements l’aideront à trouver la faille: les rumeurs à très long terme (« Un jour Mark Shuttleworth rendra Ubuntu totalement propriétaire ! », c’est un génie quand j’y pense. Arriver à rendre une distribution GNU/Linux propriétaire, c’est quand même pas rien !), les trolls velus (« Toute façon, cette distribution, c’est un clickodrome, c’est pour les n00b ») et j’en passe et des meilleurs.
Mon Dieu, cette guerre est sans fin. Elle se nourrit des succès actuels et à venir. Lors de la sortie d’Ubuntu, cette distribution a été saluée unanimement et tout le monde se plaisait à citer son bug #1. Mais elle a pris trop d’importance, ce n’est pas bon pour les autres. Un peu comme si on ne parlait plus que de Lancelot du Lac en occultant tous les autres grands chevaliers. À coup sûr, on voudrait l’éliminer d’un bon coup de couteau dans le dos.
De derrière mon mur, j’entends une radio au loin qui crie à tue-tête ce qui ressemble fort à de la propagande: « Ubuntu a des armes de destructions massives ! Avec la grâce de Richard Stallman, nous allons régler ce problème. »
Je ne sais plus contre qui me battre et s’il faut que je me batte. Je croyais que notre ennemi commun était la privation des libertés (dont les logiciels propriétaires) or les gens se battent entre eux parce qu’ils ne supportent pas l’idée que les autres n’utilisent pas les mêmes logiciels et ne partagent pas exactement les mêmes idées.
Ce n’était pas l’idée de la liberté, du monde libre et du monde des logiciels libres que je m’en faisais.
Que faire? Attendre derrière mon mur que tout s’arrête ?.. si un jour ça s’arrête… Ou capituler et abandonner une distribution qui me plait, qui me convient juste parce que des groupes de plus en plus virulents s’en plaignent ? Pourquoi veut-on me forcer à quitter une distribution (de préférence pour la leur) alors que je ne force personne à utiliser la mienne ?
C’est décidé, je continue à ramper afin d’éviter les balles perdues et les grenades qui sifflent à mes oreilles… mais je lance cette bouteille à la mer, ce drapeau blanc de paix et de réconciliation. Peut-être trouvera-t-il un écho chez certaines personnes ? Peut-être arrivera-t-on à stopper cette guerre interne pour se consacrer sur ce qui ne va vraiment pas ? Peut-être arrivera-t-on à faire comprendre à ceux qui l’ignorent encore que les logiciels propriétaires ne sont pas bons pour leur libertés sans pour autant imposer le point d’entrée dans le monde du libre ?