Paroles de libristes: présentation du Cahier de Chtinux pour les élections régionales 2010, avec Philippe Pary

1. Pour la rédaction de ce cahier vous avez mobilisé plusieurs membres de votre association mais également des adhérents d’autres associations: comment s’est effectué cette synergie ? Quels ont été les différents profils et apports des participants ?

   Philippe Pary: Chtinux a toujours agit tardivement lors des campagnes électorales. Nos résultats en terme de signatures d’élus pour le pacte du logiciel Libre étaient malgré tout bonnes : 11 députés nationaux signataires, 3 députés européens et l’élu en charge des NTIC à la mairie de Lille.

   Cependant, nous sommes frustrés. Pour deux raisons :
   — Il est assez rare que nous gardions contact avec les signataires. Hormis l’élu en charge des NTIC à la ville de Lille, qui nous a intégré à son groupe de réflexion, nous n’avons aucun échange avec les signataires.
   — Nous faisons souvent signer le pacte du logiciel Libre à des élus déjà convaincus. Le pacte du logiciel Libre est un engagement moral à soutenir le Libre. Il n’inclut aucune mesure concrète.

   Pour les régionales 2010, nous avons commencé à en parler dès septembre, avec une première réunion d’organisation en octobre. Réunion inutile d’ailleurs, rien n’a été fait comme ça avait été décidé.

   Le document est principalement de ma main. Alexandre Storoz s’est chargé des parties Informatique interne et patrimoine. Karl, un ancien membre du CA de Chtinux, a revu le texte introductif pour le rendre plus clair. Quand le document est devenu présentable, j’ai transmis ses versions successives sur la liste de diffusion de Chtinux. Certains Chtinuxiens ont été consultés, d’autres sont intervenus :
   — Myckeul (d’Oxyradio) et Karl (chef de l’orchestre univesitaire de
   Lille) sur l’art Libre.
   — Pierre (un mappeur) pour OpenStreetMap,
   — Gérard (président de Béthune Libre) pour l’éducation
   — Jérome (de FdN) nous a aidé sur le très haut débit,
   — Stéphane (de l’association virage énergie) nous a conseillé la
   structure du document
   On peut remercier les relecteurs dont les suggestions et corrections sont présents dans le document final : Dominique, Priscilla et Cédric. Au total ce sont 11 personnes qui ont leur part de travail dans le document.

2. Dans le cahier vous précisez d’emblée qu’il existe une grande force associative du libre en NPC, et quelle celle-ci pourrait donc être mise à contribution (par le biais en premier lieu justement de la rédaction de ce cahier). Est-ce parce qu’il existerait actuellement un fossé entre ce qui est mis en oeuvre par la Région (en matière de libre) et entre les besoins et demandes que formulent le public au quotidien ?

   Philippe Pary: La région n’a aucune politique en faveur du logiciel Libre. Cependant, on sent une réelle volonté de faire face aux enjeux soulevés par les NTIC. Mon sentiment est que peu de réflexion est mené sur l’informatique, traitée comme un problème de voirie : on décide d’ouvrir des cyber-centres comme on ouvre une ligne TER. Un des buts du cahier est de faire prendre conscience des enjeux « cachés » des NTIC et auquel le Libre tente d’apporter des réponses.

3. Parmis les propositions on peut citer: « Proposer des formats ouverts, faciliter l’accès aux données du conseil régional, consacrer 20% du budget consacré aux artistes pour l’art Libre, soutenir la traduction en picard de logiciels, distribuer des bureaux mobiles libres aux étudiants, soutenir l’établissement d’une cartographie libre et d’un wiki de territoire (…) » Avez-vous une estimation chiffrée que ces investissements pourraient engendrer en terme de coût? Et en terme de « retour sur investissement », quels bénéfices voyez-vous pour le NPC ?

   Philippe Pary: La très grande majorité des propositions ont un cout nul.

   La Région dispose d’un service cartographique et nous proposons que ses données soient libérées. Le coût financier réel d’une telle décision est quasiment nul. De même, les 20% pour l’art Libre que nous suggérons ne changent viennent pas augmenter le budget artistique : ils orientent juste différemment une partie de la somme dépensée.

   La seule proposition ayant un coût pouvant réellement prêter à réflexion est le déploiement de la fibre optique. Nous nous sommes basés sur une estimation pessimiste de 800€ en moyenne par ligne à raccorder sur un million de lignes. En réalité, la somme devrait plutôt tenir de moins de 500€ sur 500 000 lignes.

   Nos propositions sont rarement formulée dans un but premier de rentabilité. Nos propositions tournent autour de la nécessité pour les fonds publics à servir au plus grand nombre possible, à réduire les fractures numériques ou encore à l’accès aux données publiques.

   Nous sommes conscients (Stallman lui-même l’admet volontiers) que notre combat est moins important que l’urgence écologique, l’emploi ou encore la bonne gestion financière.

   Mais ce n’est pas parce que le droit de vote est moins vital que l’accès à l’eau potable que nous devons fermer les yeux sur les dictatures dans les pays pauvre, non ?

4. Toutes ces propositions sont-elles facilement réalisables selon vous ?

   Philippe Pary: Non, clairement pas. Certains obstacles juridiques pourraient exister sur la question des financements des lycées ou d’appels à projets.

   Le financement de la fibre, même dans un cadre de partenariat public-privé ou de groupement d’intérêt économique, fera peur en période de crise.

   Les milieux artistiques auront surement une réaction de peur face à l’apparition d’un financement massif d’un nouveau mode de diffusion des œuvre.

   Le fond cartographique régional pourrait s’effrayer de la révolution OpenStreetMap et craindre, à tord, que des armées de bénévoles ne cause la suppression de postes.

   La liste est longue, les obstacles ne manquent pas et je suis persuadé que les lobbys opposés à nos propositions ne manqueront pas de se faire entendre.

   Cependant, nous sommes convaincu de la pertinence de nos propositions et nous les défendrons. Nous espérons réussir à convaincre les candidats qui, une fois élus appliqueront ces mesures.

5. Quel accueil receuillez-vous pour l’instant sur ces propositions ?

   Philippe Pary: Jusqu’à présent, un très bon accueil. Pour une bête raison : le document circule surtout chez les proches de l’association et les milieux libristes.

   Pour les premiers concernés, les politiques, nous avons eu la chance de participer à une réunion avec Jean-François Carron, probable tête de liste europe écologie dans la région. Nous avons été ravis de voir que ce dernier était sur la même longueur d’onde que nous. Plusieurs militants verts nous ont fait savoir leur accord sur l’intégralité du cahier.

   À priori le mouvement démocrate prendra lui aussi en compte une grande partie de nos propositions. Le parti socialiste s’est montré enthousiaste au téléphone et nous allons prochainement nous rencontrer.

   Je n’ai toujours pas pu avoir de « responsable » de l’UMP, du Parti de Gauche ou du Parti Communiste, malgré mes tentatives. Je dois encore joindre le NPA, Lutte Ouvrière, le Front National et le Nouveau Centre. J’espère n’oublier personne, sinon il suffit de me contacter

Un grand merci à Philippe Pary pour sa disponibilité

À très bientôt