Quand les utilisateurs de logiciels libres refusent de mettre la main à la poche
L’objet de cet article est de nous interroger à nouveau sur les travers de la gratuité et de son association aux logiciels libres, mais par un exemple concret. C’est l’histoire d’Olivier et de son plugin Wats qui vous est ici comptée :
J’ai commencé il y a un an le développement d’un plugin wordpress pour transformer celui-ci en système de support technique avec gestion des tickets. En un an, j’ai livré plus de 50 versions et des centaines de correctifs et nouvelles fonctionnalités. En échange, je n’ai reçu que très peu de donations. Régulièrement, des gens demandent de nouvelles fonctions, promettent parfois des dons en retour, mais ne donnent rien au final.
WordPress 3.0 est sorti il y a peu. Je n’avais pas pris le temps de tester et modifier WATS pour fonctionner avec cette nouvelle version et de nombreux utilisateurs ont mis à jour leur wordpress sans faire attention à la compatibilité. Ils viennent maintenant me réclamer une version compatible au plus vite et bien entendu ne veulent toujours pas faire de dons.
J’ai eu une idée un peu originale : livrer la nouvelle version lorsque j’aurai reçu 500€ de dons. Il y a plus de 250 sites qui utilisent le plugin dont des entreprises. 500€ de dons, ce n’est donc pas grand-chose au regard des centaines d’heures passées jusqu’à présent pour développer le plugin.
J’ai suggéré à ceux qui me pressuraient pour livrer une version compatible avec wordpress 3.0 de faire des dons. Je m’engageais à envoyer la nouvelle version à tous les utilisateurs faisant un don d’au moins 10€ . J’ai eu quelques dons. Une grosse dizaine en un peu plus de deux mois.
Ce qui a joué en ma faveur et forcé certains à donner, c’est que la version disponible sur wordpress.org n’était pas compatible avec wordpress 3.0 à cause de gros changements dans le core de WP. Du coup, ceux qui voulaient une version compatible ont dû faire un geste. En retour, je leur fournissais une version mise à jour (sachant qu’entre temps, j’avais aussi ajouté quelques fonctionnalités sympas).
Quels enseignements tirer de cette histoire ?
Tout d’abord que beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres ignorent qu’ils ont à faire à des amateurs ou des personnes dont le support et le développement ne sont pas le métier principal. Ce sont souvent des passionnés.
Dans le cas présent, parmi les utilisateurs, nous avions à faire à des entreprises. Que représente 500€ pour une entreprise quand on sait que certains consultants spécialisés se facturent plus de 800€HT la journée. Tarif que bien des entreprises paient sans sourciller.
Evidemment, toutes les entreprises ne roulent pas sur l’or et certaines sont contraintes pour joindre les deux bouts d’utiliser des logiciels qu’elles ne paient pas. On notera au passage qu’il s’agit bien souvent de logiciels non libres.
C’est là toute la difficulté : faire payer ceux qui le peuvent. C’est possible, mais au prix d’un contrôle qui peut-être difficile à mettre en oeuvre. C’est un peu la quadrature du cercle qui peut laisser penser certains qu’il ne faut alors rien faire et que la gratuité doit donc s’imposer.
Pourtant, il n’y a pas de fatalité. En France, les statuts comme ceux des associations sont facilement accessibles. Placer un logiciel libre dans le cadre d’une association peut procurer bien des avantages. Ce statut offre des déductions fiscales pour les donateurs. Une démarche qui demande cependant à faire reconnaître par l’administration fiscale l’association comme d’intérêt général. Difficile aussi pour le développeur de tirer des revenus de cette association. Idéalement celle-ci doit être portée par la communauté des utilisateurs qui pourrait alors “payer” le développeur (extérieur à l’association) pour réaliser des évolutions.
Une idée que je jette comme cela sans avoir trop étudié les tenants et aboutissants. Je me base sur le modèle des AMAP qui soutiennent des producteurs locaux par les achats des membres de l’association. On pourrait appeler cela des AMIL : Association de Maintient de l’Informatique Libre. Un contrat entre des utilisateurs et le ou les créateurs d’un logiciel libre. Mais j’invente peut-être le fil à couper le beurre !
Dommage aussi que des entreprises comme WordPress ne fassent rien pour ces milliers de développeurs. Nous passons tous par sa plate-forme et nous ne sommes même pas sollicités avant de télécharger un plugin pour faire un don. A charge pour le développeur d’introduire un bouton de don (Paypal toujours…) dans l’interface d’administration.
Je sais le sujet délicat et je vous demanderais de ne pas porter de jugement ad hominem à l’encontre d’Olivier. Il s’agit ici de s’interroger sur des pratiques et de discuter ensemble des solutions.
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 12/09/2010. | Lien direct vers cet article
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