N'appartenez plus à vos logiciels

On oppose toujours le logiciel libre au logiciel dit "propriétaire". Si on détourne l'expression, on se demande de quoi ce logiciel peut il bien être le propriétaire ? La notion de propriété fait référence soit au caractère propre et spécifique d'une chose, soit au droit de possession ou à une chose possédée. On ne peut pas affirmer que ce sont les fonctionnalités de ce logiciel qui le rendent propriétaire. Il n'y a rien qui ressemble plus à un lecteur de courrier électronique propriétaire qu'un lecteur de courrier électronique libre. On trouve dans ces logiciels nombre de propriétés et fonctionnalités communes.

Ce terme doit donc, sans aucun doute, faire référence au droit de possession. Si on tourne l'expression d'une certaine manière, on peut se dire : Je suis propriétaire de mon logiciel. Une lecture, même rapide, d'un contrat de licence utilisateur final nous apprendra bien vite le contraire : Au mieux se voit on octroyer un droit d'usage personnel. Voilà qui est très éloigné du droit de propriété.

Il faut donc lire l'expression telle qu'elle est écrite : C'est le logiciel qui est propriétaire. Si on fait un parallèle avec un bien matériel, une chose dont on est propriétaire perd tout droit, même d'existence, dès lors qu'elle devient la propriété d'un individu ou d'un organisme identifié. Je peux si je le souhaite détruire le lecteur multimédia flambant neuf dont je viens de faire l'acquisition à prix d'or. C'est mon droit puisque j'en suis le propriétaire.

Le logiciel propriétaire possèderait donc quelque chose et aurait des droits sur cette chose. De quoi peut il donc bien s'agir ? Un logiciel, c'est généralement fait pour être installé sur un ordinateur. Le logiciel propriétaire pourrait il détenir des droits sur mon ordinateur ? Sans doute :

  • Les ordinateurs tatoués ne permettent pas, sans sueur (et encore), l'installation d'autres logiciels que ceux que le fabriquant aura bien voulu autoriser. Adieu la liberté.
  • Des logiciels tels que Skype se permettent de farfouiller allègrement dans vos historiques de navigation pour y chercher on ne sait quoi. Adieu l'intimité.
  • Des protocoles tels que MSN n'ont aucun scrupule à envoyer toutes vos conversations directement chez Microsoft. Adieu la vie privée.

Cette propriété là est déjà inadmissible. Mais ne peut on aller plus loin dans l'analyse ? Le logiciel propriétaire ne possèderait il pas également son utilisateur ? C'est a priori antinomique : La propriété ne s'entend que vis à vis d'un bien matériel ou immatériel et non d'une personne. A défaut de posséder son utilisateur, le logiciel propriétaire en possède en tout cas les données, à grand coup de formats fermés, non documentés, à peine compatilisables par rétro-engineering. Même dans ce dernier cas, le possédé n'aura de cesse de vanter les mérites de son propriétaire de logiciel, puisque son document s'ouvre parfaitement dans ce même logiciel, alors qu'il apparaît nettement diminué une fois ouvert dans un logiciel (libre cette fois) qui aura eu le mérite de tenter de comprendre la structure de ce même fichier (Par divination exclusivement). Au passage, ce logiciel libre souffre alors de tous les maux : "Même pas capable d'ouvrir par défaut un simple document aussi basique qu'un mp3".

Et au delà des données, qui représentent tout ou partie de notre vie numérique, voire de notre vie tout court, l'utilisateur lui-même ne devient il pas la propriété du logiciel propriétaire ? Ce serait tout à fait incongru, alors même que ce qui intéresse un utilisateur n'est pas le logiciel lui-même, mais bien ce qu'il peut en faire, c'est à dire manipuler des données. Encore faut il que seul l'utilisateur soit au commande, ce qui est très loin d'être le cas lorsqu'on utilise du logiciel propriétaire.

PS : Vous aurez peut-être remarqué que ce blog a retrouvé ses couleurs, après avoir broyé du noir pendant quelques semaines. Non pas que je ne soutiens plus la démarche de la Quadrature, bien au contraire. Je suis cependant dégouté de voir à quel point le gouvernement français est sourd et aveugle. L'heure est donc à l'action, en l'occurrence Écrire. Les billets mis hors ligne vont progressivement retrouver leur place.

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Publié par Poupoul2 : 56