Ubuntu 10.04 histoire de la fabrication d’une version

Ubuntu, la distribution GNU/Linux reine posséderait à elle seule 40% des 1 à 3% de part de marché des systèmes d’exploitation GNU/Linux des ordinateurs de bureau. La progression du nombre d’utilisateurs d’Ubuntu serait de plus de 50% depuis 2008. Si l’on met ces chiffres en parallèle avec la très faible augmentation des parts de marchés de GNU/Linux, cela pourrait signifier que (presque) tous les nouveaux utilisateurs débutent par Ubuntu.

Cet article est donc dédié à tous ces nouveaux venus dans le monde des logiciels libres. J’espère que les spécialistes ne m’en voudront pas des approximations qui pourraient apparaître dans cet article. D’une part, je ne souhaite pas trop rentrer dans les détails techniques que je ne maîtrise pas forcément et il s’agit aussi pour moi de comprendre un peu plus en détail comme tout cela fonctionne. Vos commentaires seront les bienvenus.

Pour commencer, le développement et la sortie des versions d’Ubuntu est basé sur des cycles de six mois. La prochaine version LTS (Long Time Support) est annoncée pour le 29 avril soit dans une poignée de jours comme l’indique ce compteur :

Les LTS sortent tout les deux ans et sont des versions particulières dont la durée de maintenance sera plus importante que les versions dites intermédiaires. Ainsi, la version dite desktop (ou pour les PC de bureau) sera maintenue durant 3 ans. Les versions serveur bénéficieront d’une maintenance de 5 ans.

Debian à la base d’Ubuntu 10.04

C’est un point important surtout pour moi qui suit un fan de Debian. En effet, Ubuntu est réalisé à partir des sources de Debian. Cela signifie que les équipes de développement d’Ubuntu vont faire ce que l’on appelle un export (une copie en fait) des sources de Debian. Cette copie va leur servir de base pour élaborer la nouvelle version d’Ubuntu.

Pour être précis, c’est une copie de la version appelée testing de Debian. Cette version ou branche comme l’appellent les développeurs contient les programmes de la future version dite « stable ». Seuls les paquets suffisamment matures peuvent y rentrer.

Une version au demeurant utilisable pour peu que l’on ne craigne pas de mettre de temps en temps les mains dans le cambouis. J’utilise personnellement une Debian reposant sur les dépôts de cette branche aussi appelée Squeeze. D’une certaine manière, cela me permet de disposer d’Ubuntu avant Ubuntu ;-) !

Comment cela se passe-t-il ?

Pour Lucid Lynx tout commence donc en novembre 2009 avec un « Developer Summit ». Il s’agit d’une réunion où sont définies les grandes orientations de la version à venir. C’est un moment important qui permet à la communauté d’influer sur le contenu de la prochaine version. On se souvient des débats autour de l’annonce de  la suppression de GIMP de l’installation par défaut de cette version.

Début décembre intervient la phase dite de Feature Definition Freeze. A cette date toutes les fonctionnalités (ou programmes pour simplifier) candidates à cette version doivent être identifiées afin de permettre la détection de celles nécessitant d’avancer la date limite de mise à disposition, car présentant des risques. Il s’agit en fait de bien borner le contenu de la version pour ne pas avoir de surprise au niveau du planning. Cette phase est suivie de peu par la sortie de l’Alpha 1. Nous sommes le 10 décembre 2009.

Les développeurs continuent leur travail puis aboutissent à l’Alpha 2 environ un mois plus tard. Le noyau Linux est intégré en version 2.6.32 ainsi que le bureau KDE dans sa version 4.4 RC1. Il faut noter qu’à la sortie de chacune de ces versions les programmes, bibliothèques de code et tout ce qui fait partie de la distribution est mis à jour. Une grande partie de ces mises à jour provient comme je l’indiquais plus haut d’un synchronisation automatique avec la branche testing de Debian. Nous sommes le 14 janvier 2010.

Fin janvier 2010 est la dernière limite pour ceux que l’on appelle les partenaires OEM (Original Equipment Manufacturer) s’ils souhaitent intégrer des applications dans la distribution. Il s’agit des fabricants de matériels.

Le 21 février 2010 est une date importante. Jusqu’à présent les sources de la branche testing de Debian sont importées automatiquement. Ces sources n’ont pas encore été adaptés pour Ubuntu. Passé cette date, les sources ne seront plus importés qu’au cas par cas sur demande explicite d’un développeur. Débute alors une longue série de « Freeze ». En français, je dirais que l’on commence à « figer » le contenu de la version.

Ce sont ensuite les fonctionnalités que l’on va figer. il s’agit désormais de stabiliser la version, de la rendre exempte de bug. Nous sommes le 28 février 2010. La semaine suivante sort l’Alpha 3.

Le joli mois de mars verra la sortie de la Beta 1 après une suite de freeze concernant :

  • L’interface qui continue de faire couler pas mal d’encre numérique avec un look façon Mac OSX. Figer l’interface permet aux personnes chargées de documenter la distribution de commencer leur travail. On comprend donc l’importance de cette phase pour eux.
  • Les sources du noyau,
  • Les sources de la Beta 1.

Tout ceci nous permet d’aboutir à la Beta 1 le 18 mars dernier. On y découvre le changement de moteur de recherche par défaut de Firefox qui devient Yahoo ainsi que Ubuntu One Music Store.

Nous voici donc début avril dans la dernière ligne droite avant la sortie de la version finale. Il reste encore pas mal de choses à faire. La documentation a été figée fin mars afin de permettre aux traducteurs de se mettre à travailler. Les sources sont à nouveau figés pour la sortie de la Beta 2, avant-dernière version avant la version finale. Elle sort le 8 avril avec le retour de Google comme moteur de recherche par défaut de Firefox.

Nous sommes le 16 avril lorsque j’écris ces lignes. La date du Final freeze est passée. Désormais seul les corrections de sécurité, les bugs critiques sont intégrés à la version. Toutes les traductions ont été intégrées en vue de la sortie de la Release Candidate le 22 avril.

Cette version est en principe quasiment identique à la version finale. Les changements en vue de la version finale ne seront autorisés que pour des bugs extrêmement pénalisants. Ce long parcourt va donc prendre fin le 29 avril avec la sortie de la version finale.

Ce n’est pourtant pas la fin, car la version continuera de connaître de nombreuses mises à jour destinées à apporter des corrections aux logiciels constituant la distribution. Cependant, ils ne connaîtront pas de mise à jour majeure. Firefox par exemple restera dans sa version initiale aux corrections de sécurité près bien sûr.

Ceci reste vrai tant que vous utilisez les dépôts d’installation standard de la distribution. Vous pouvez à tout moment installer ou compiler une version plus récente d’un logiciel.

Le formidable travail d’une communauté

Cette conclusion pourrait être écrite pour toutes les distributions GNU/Linux. On voit en effet que la réalisation d’une distribution est un long processus, résultat du travail de milliers de fourmis. Travail parfois rémunéré, mais aussi très souvent bénévole. Le sens du mot contribution est ici parfaitement matérialisé.

Les méthodes de travail ne sont pas les mêmes pour toutes les distributions GNU/Linux. Ce que nous avons vu ici est la méthode Ubuntu. Une méthode pilotée par des dates de sortie et un calendrier précis. D’autres distributions font le choix de ne sortir que quand elles sont prêtes comme c’est le cas pour Debian ou d’autres distributions.

Notons aussi l’existence, de nombreuses distributions basées sur le principe des rolling release. Il n’y a pas de versions a proprement parler. Les mises à jour se font de façon continue sans suivre de cycle particulier.

Mais les logiques sont souvent différentes. Ubuntu est une distribution portée par une société commerciale Canonical qui a donc besoin de dates pour caler une communication auprès de ces clients les entreprises.

Saluons donc encore une fois le travail réalisé par tou(te)s les contributeurs(trices).

[Source : LucidReleaseSchedule - Ubuntu Wiki]


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 16/04/2010. | Lien direct vers cet article

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