Ubuntu face à son succès : que deviennent les valeurs du libre ?
Ces derniers temps j'ai été marqué par trois billets qui parlent de GNU/Linux. Les deux premiers sont en fait liés puisque c'est le billet de Frederic Bezies et la réponse de Cyrille Borne. J'en parlerais dans un autre billet.
Le troisième billet, celui qui m'intéresse ici, est le billet de Korben intitulé Les applications Windows sous Ubuntu c'est pour bientôt ?. Ce billet nous parle du sondage mis en place par Canonical pour savoir quelles sont les applications dont les utilisateurs d'ubuntu ont le plus envie. Je vais passer sur ce sondage que je trouve totalement ridicule du fait des choix proposés (spotify, skype, world of warcraft, picasa et steam, soit 45 % des propositions, tournent déjà sur ubuntu), mais je voudrais revenir sur les commentaires.
GNU/Linux grand public = changement de mentalité ?
J'ai l'impression, mais ça peut venir de ma plus grande implication dans le monde du libre, que ces derniers temps ubuntu a fait une poussée de popularité et devient un peu un objet de mode, toutes proportions gardées, nous sommes bien loin d'atteindre un phénomène de la pomme.
On peut se réjouir de cette nouvelle notoriété qui montre bien qu'ubuntu est en train d'atteindre un de ses objectifs. Il devient possible de mettre GNU/Linux entre -presque- toutes les mains. Mais l'afflue de nouveaux utilisateurs a aussi une nouvelle répercussion. Je pense que les commentaires de ce billet montrent bien ce changement et ses raisons.
Ces nouveaux utilisateurs arrivent à mon avis sur ce système d'exploitation mal préparés. Ils ne viennent pas pour ce que peut symboliser le logiciel libre, bien au-delà du simple côté informatique. Ils viennent parce que c'est gratuit. Le plus symptomatique est bien l'argument de photoshop. « Je voudrais bien utiliser linux, mais il n'y a pas photoshop ». C'est assez désolant parce que cet argument vient de personnes qui n'ont le plus souvent pas la licence de ce logiciel. Ils supposent que si Photoshop sort un jour sur GNU/Linux ce sera un logiciel gratuit, totalement libre. En fait ces nouveaux arrivants ne font pas la différence entre le libre, l'open source et le gratuit. Ils cherchent simplement à obtenir un système d'exploitation comme windows, sans ses inconvénients et en gratuit pour arrêter de pirater.
GNU/Linux n'est pas windows
Sauf que le but de GNU/Linux n'est pas de faire un windows gratuit. C'est une véritable alternative avec une philosophie bien différente. Pour moi c'est cette philosophie qui fait la richesse de GNU/Linux, pas sa gratuité ou sa ressemblance avec les autres systèmes d'exploitation.
La communauté d'ubuntu s'en retrouve ainsi encore plus chamboulée. Nous ne sommes plus dans un système participatif, mais dans un système de consommation. On arrive avec son problème, on demande une réponse et on part sans essayer d'apporter a notre tour quelque chose à la communauté.
Je ne suis pas vieux dans le monde du libre et on va surement me répondre, si quelqu'un lit ce que j'écris, que mes propos sont un peu exagérés, mais je pense que la question se pose. Avons-nous intérêt a accueillir ces nouveaux utilisateurs ? Est-ce que GNU/Linux gagne à être connu et à se développer auprès du grand public ?
Pour moi la réponse est clairement non. Du moins dans l'état actuel des choses. Il y a d'abord un travail à faire sur la mentalité des gens. Il faut changer les raisons qui font venir les utilisateurs vers GNU/Linux. Sinon nous allons faire glisser ce système vers le privateur au lieu d'attirer au libre.
J'espère qu'un jour tout le monde pourra utiliser des logiciels libres, mais j'espère qu'on utilisera ces logiciels libres pour de bonnes raisons, que les valeurs qui font la force de ces logiciels seront respectées. À ce moment-là, se développer et accueillir des GNU/Linuxiens sera bénéfique.
Finalement je voudrais reprendre quelques morceaux de commentaires de modagoose du billet de Korben.
« Personnellement, je n’impose à personne de passer à Linux, globalement je m’en fous. Par contre, je réagis quand je lis les commentaires de gens qui n’utilisent pas cet Os et qui demandent à ce qu’il soit comme Windows.
Utilisez Linux dans votre vie quotidienne, faîtes des choses avec, que ce soit de la productivité ou de la créativité, contribuez à son amélioration et comprenez pourquoi il est important que le logiciel libre soit un choix possible. »
« Comme je dis toujours : « Personne ne vous oblige. »
Le logiciel libre ce n’est pas qu’un Os alternatif, c’est aussi une philosophie. On devrait passer sous Linux parce qu’on en a compris les enjeux, sinon pourquoi le faire ?
On a le sentiment que vous voudriez bien être sous Linux mais que vous n’y arrivez pas, alors plutôt que de vous adapter ou de vous dire que c’est pas plus grave que ça, vous regrettez que Linux ne corresponde pas à vos attentes.
[…]
Donc soit vous utilisez Linux et alors vous avez le droit de contribuer via les forums, les communautés du logiciel libre et les remontées de bugs, soit vous n’utilisez pas Linux, parce que ça ne correspond pas à vos attentes, parce que vous ne voyez pas l’intérêt du logiciel libre, parce que vous ne voulez pas apprendre autre chose, et dans ce cas personne ne vous le repprochera, mais de grâce, lâchez-nous les baskets avec vos « regrets ». »
« Qu’est-ce qu’on en a à secouer que ça ramène plus le grand public si au final, de la philosophie du logiciel libre il ne reste plus rien ? »
Je vous invite à lire l'ensemble de ce qu'a écrit modagoose, je trouve ça vraiment intéressant.