Prenez de bonnes résolutions

Quoi de mieux que ce début d’année pour parler de résolution ? De résolution en graphisme par exemple. Que vous utilisiez un ordinateur, un smartphone (une sorte d’ordinateur miniature qui peut également téléphoner) ou que vous manipuliez des images, vous avez probablement lu, entendu voire utilisé ce terme. Mais savez-vous ce qu’il recouvre exactement et l’utilisez-vous à bon escient ? Rien n’est moins sûr.

Unités de mesure

Dans le monde numérique nous utilisons le pixel comme unité, pour les images matricielles (les photos par exemple, par opposition aux images vectorielles constituées de courbes et autres formes géométriques) comme pour les écrans. Le mot pixel est la contraction de picture element et constitue l’élément de base d’une image matricielle et de l’affichage sur écran (ou via vidéo-projecteur).

Si je vous dis que mon écran affiche 1920 pixels de large par 1080 pixels de haut, cela vous parle certainement. Vous pourriez même me répondre que je dispose d’une résolution de 1920×1080 (vu que ce terme est utilisé par les divers environnements de bureau, tous systèmes confondus, pour désigner la capacité d’affichage de votre écran). Et bien vous faites une erreur de vocabulaire (ainsi que tous les concepteurs d’environnement de bureau, tous systèmes confondus).

Ici, KDE Plasma utilise à tort le terme de résolution à la place de définition.

Dans le monde réel nous mesurons les distances en centimètres ou en millimètres (selon que vous êtes charpentier ou menuisier), voire en pouces.

Note : le pouce est une unité de mesure utilisée notamment au Royaume-Uni et vaut exactement 2,54 cm. Pouce se dit inch en anglais et son abréviation est in.

Pourquoi vous parler de centimètres, de millimètres alors que j’ai commencé par vous parlez de mon écran ?

Densité

Parce que la résolution est une densité, le rapport entre les dimensions numériques et les dimensions réelles, et c’est tout (c’est déjà pas mal et loin d’être maîtrisé par tous les graphistes). Par convention la résolution s’exprime en points par pouce (ben oui, c’est pour cela que je vous ai évoqué cette unité que vous n’avez sans doute pas l’habitude d’utiliser) et revêt une importance en impression.

Notez que l’on peut calculer la résolution d’un écran. L’écran est un objet physique que je peux mesurer en millimètres. L’écran m’affiche des pixels dont je connais la quantité précise. Ne reste plus qu’à calculer le rapport entre les deux (on trouve alors une résolution exprimée en pixels par pouce, ou par millimètres). Vous pouvez faire les calculs si cela vous amuse. L’intérêt me parait très limité.

Donc, on pourrait considérer que la résolution n’a d’intérêt que pour l’impression (c’est mon avis).

La résolution s’exprime donc en points par pouce, ou dots per inch abrégé en DPI.

— Ah oui tiens, on m’a déjà demandé des images en 300 DPI !

Mythes et légendes

Ah, les fameuses images en 300 DPI…

Petit rappel, la résolution est une densité (au cas où vous ayez oublié depuis le paragraphe précédent).

Pour faire une analogie, je vais aller voir ma boulangère et lui demander 30g/cm de pain, quelle tête fera-t-elle ? Ben oui, puisqu’on me demande des images avec comme contrainte une densité, je peux faire pareil pour du pain non ?

Demander des images en 300 DPI ne veut rien dire, il manque une information. Imaginez que j’envoie des images de 10 pixels de côté mais à 300 DPI. Imaginez imprimer une telle image à 300 DPI. Cela fera un joli carré de 0,0013 mm.

Donc, quand on vous demande une image en 300 DPI, pensez à demander les dimensions d’impression. Ou les dimensions en pixels, histoire que votre image ait assez de pixels pour une impression correcte.

Définition

On commence à aborder la notion de quantité. J’évoquais à l’instant le fait qu’une image doit avoir assez de pixels pour une impression correcte. Cette quantité de pixels se calcule aisément à partir des dimensions en pixels. On parle alors de définition. Ainsi, par exemple, une image peut avoir une définition de 4000×3000 pixels (ce qui nous fait un total de 12 millions de pixels).

Je parlais précédemment de mon écran qui a donc une définition de 1920×1080. Définition assez classique qui porte le nom de « Full HD ». À votre avis, que signifie la lettre D dans ce sigle ?

Donc, la définition désigne le couple de dimensions ou la quantité de pixels alors que la résolution permet de choisir combien de points d’encre on doit imprimer sur la longueur d’un pouce (en hauteur également). Et aussi de calculer la finesse de votre écran.

Pixel ou point ?

Avant de poursuivre, précisons que lorsque vous imprimez une image (seule ou dans un document), chaque pixel de celle-ci se transforme en un point d’encre sur le papier. C’est un peu raccourci, mais on peut considérer qu’un pixel numérique équivaut à un point d’encre sur le papier.

Comment savoir si mon image est assez grande ?

En calculant les dimensions d’impression à partir de la définition en pixels et de la résolution souhaitée.

Non, je déconne, les logiciels de graphisme font cela très bien à votre place, pas besoin de vous faire des nœuds au cerveau.

Mais pour vous faire comprendre le fonctionnement de la résolution (et vous éviter des déconvenues à l’impression du genre « zut, c’est tout pixélisé ! »), voici un petit calcul.

J’ai une image de 900×600 pixels. Je l’imprime à 300 DPI. Combien mesure-t-elle sur le papier, en pouces (je vous évite ainsi la conversion vers les millimètres, surtout que ce n’est pas le but de la démonstration) ?

tic tac tic tac…

3×2 in.

Et oui, j’ai 900 pixels de large, j’imprime 300 points par pouce, donc, j’obtiens 3 pouces. Idem sur la hauteur.

Deuxième calcul, j’imprime la même image à 150 DPI (pourquoi 150 ? généralement parce que c’est moins cher à imprimer). Donc, 150 DPI pour une image de 900×600 pixels.

tic tac tic tac…

6×4 in.

En effet, si je diminue la densité par deux, cela augmente les dimensions d’impression par deux (sachant que les dimensions numériques ne changent pas).

— Oui, mais je ne veux pas que mon image s’étale sur le papier, je veux maîtriser la zone dans laquelle elle est imprimée.

Tout à fait, et ce calcul n’était là que pour vous faire comprendre l’interconnexion entre dimensions numériques, dimensions d’impression et résolution. Lorsque vous concevez une maquette pour un document papier, vous définissez des cadres aux dimensions précises (en millimètres). Le jeu est ensuite d’insérer des images qui, une fois recadrées, auront la bonne résolution, la contrainte que vous avez définie (ou que l’imprimeur vous a demandée)

Un logiciel de mise en page comme Scribus vous calcule automatiquement la résolution réelle de chacune de vos images. Cette résolution diffère généralement de celle inscrite dans l’image. Donc enregistrer une image avec une résolution de 300 DPI ne sert à rien (sauf dans le cas d’une mise en page automatique, mais nous parlerons de Pandoc, LaTeX ou XML une autre fois, ou pas).

Dans Scribus, en ajustant une image dans son cadre, vous modifiez la résolution. Le résultat est la résolution réelle de l’image mise en page. C’est cette résolution qui doit être égale ou supérieure à celle demandée.

Le sacro-saint 300 DPI

Pourquoi tout le monde demande des images à 300 DPI ? Même quand ce n’est pas nécessaire ?

Et donc, le corollaire, quand a-t-on besoin d’images à 300 DPI ? De quelle résolution ai-je réellement besoin pour mon impression ? C’est le genre de question que l’on devrait se poser avant de commencer une mise en page, parce que l’on omet souvent la notion de distance entre les yeux et le support imprimé. Vous n’avez pas besoin de la même finesse d’impression selon que votre document sera lu à 25 cm ou à un mètre de distance.

Distance du supportRésolution maximale perceptible par un œil humain moyen, en points par pouce (dpi)
6,3 cm1 200 dpi
12,7 cm600 dpi
20 cm380 dpi
25,3 cm300 dpi
30 cm253 dpi
50 cm152 dpi
76 cm100 dpi
1 m76 dpi
1,50 m50 dpi
2 m38 dpi
3 m25 dpi
5 m15 dpi
10 m7,6 dpi
20 m3,8 dpi

Ce tableau issu de la page Wikipédia « Résolution spatiale des images matricielles » vous donne les ordres de grandeur.

Ainsi vous constatez que la résolution de 300 DPI est nécessaire pour un document lu à 25,3 cm, soit, grosso modo, un document que vous tenez à la main (pensez à bien définir les marges pour poser vos doigts). Dans le cas d’une affiche lue à environ un mètre la résolution nécessaire n’est plus que de 76 DPI. Et non, pas besoin de charger la mule en pixels pour une affiche, cela ne sert à rien.

À partir de ces précieuses informations je vous propose un dernier petit calcul. Vous mettez en page un flyer format A5 à 300 DPI. Vous voulez également réaliser une affiche au format A3 avec le même contenu. Êtes-vous obligé de réaliser deux maquettes distinctes ?

Non. Les dimensions d’impression se choisissent au moment de l’impression. Si je fournis le PDF de mon flyer A5 à mon imprimeur (ou reprographe) et lui demande de me l’imprimer en A3, il saura le faire. Mais, quelle incidence sur la résolution ?

Sachant que passer de A5 à A3 revient à doubler les dimensions et que la quantité de pixels (futurs points d’encre) est figée dans le PDF, cela revient à diviser la densité par deux. Donc, ma résolution passe à 150 DPI. Je pourrai même regarder mon affiche à 50 cm de distance sans perte de qualité !

Mythes et légendes, la suite

Un petit dernier pour la route.

Pour alléger le poids d’une image pour le Web, je dois diminuer sa résolution à 72 DPI, vrai ou faux ?

Faux évidemment. Si vous pensez le contraire je vous conseille de relire cet article. Par bonheur dans mes formations je remarque que ce mythe est de moins en moins répandu. Il est bien rare aujourd’hui de rencontrer une personne qui croît à cette légende.

Peut-être parce que 72 DPI était la résolution des écrans cathodiques du siècle dernier, allez savoir…

Si vous voulez vraiment alléger une image pour le Web, diminuez ses dimensions. À titre indicatif, une image destinée à servir de bandeau, donc affichée en pleine largeur, devrait avoir une largeur située entre 1000 et 1200 pixels.

Contrairement au papier vous ne maîtrisez pas le support final d’affichage de votre image. Elle pourra aussi bien être affichée sur un téléphone que sur un écran 4K. Donc pensez légèreté d’abord, les visiteurs qui n’ont pas encore la fibre vous remercieront (ou ne pesteront pas).

Quand diminuer la résolution diminue le poids

Ou comment se contredire dans le même article ? Pas tout à fait, tout dépend du point de vue, ou de la finalité de votre travail (et donc du logiciel que vous utilisez).

Dans le paragraphe précédent j’évoquais l’allègement d’une image, destinée à être affichée sur écran. Cette image est manipulée dans GIMP (ou autre logiciel de traitement d’images, je n’ai rien contre Krita), la finalité est de produire une image dont le logiciel ignore dans quel contexte elle va être utilisée ensuite (ne me répondez pas qu’elle va restée enfouie dans votre disque dur jusqu’au prochain crash !). Son unité de référence est le pixel. Ainsi, lorsque vous diminuez la résolution dans GIMP, cela augmente les dimensions d’impression (la définition en pixels reste constante, si les trois unités changeaient on ne s’y retrouverait plus !). Ce qui n’a aucune incidence sur le poids qui, lui, dépend de la quantité de pixels.

En revanche, si vous utilisez un logiciel de mise en page comme Scribus (ah zut, j’ai pas d’autre exemple…), la finalité est de produire un document imprimé avec des dimensions fixes en millimètres. Le millimètre est l’unité de référence pour Scribus. Si je diminue la résolution c’est bel et bien la quantité de pixels qui diminue : la densité baisse mais les dimensions d’impression sont fixées, il faut donc supprimer des pixels pour satisfaire la baisse de résolution (et probablement consommer moins d’encre à l’impression).

C’est ce que l’on pratique lors de l’export dans Scribus pour produire d’une part un PDF CMJN haute résolution pour l’impression (avec traits de coupe et tous les repères d’impression qui réjouiront votre imprimeur), et d’autre part une version allégée en RVB basse résolution pour un affichage sur écran voire un envoi par courriel (pensez à Framadrop pour vos envois de gros fichiers, arrêtez de nourrir WeTransfer !)

Donc, tout dépend de l’unité de référence sachant que le calcul est un produit en croix et lorsque l’on change une valeur, une autre doit s’ajuster et la dernière reste fixe.

Conclusion

Cet article relate la partie la plus ardue de l’introduction théorique que j’anime lors de mes formations en graphisme. J’ai bien conscience que cela peut remettre en cause des certitudes ancrées depuis longtemps. Mais cela pointe la nécessité de maîtriser ces aspects lorsque l’on produit des œuvres graphiques. Un jour peut-être ferai-je un parallèle avec la vidéo pour pointer l’ineptie de la course à la définition (quel intérêt d’avoir une télévision 4K ? 8K ?) par rapport à la baisse de notre vue, accélérée par notre forte exposition à ces mêmes écrans.

Image mise en avant de cet article par Zewan — Image Wikimedia retraitée par GIMP, CC BY-SA 3.0,

Vus : 66
Publié par Dimitri Robert : 50