Le cas Fadhila Brahimi : de la nécessaire définition des formats ouverts et des services libres

Je viens de lire un billet de Fadhila Brahimi où elle relate sa malheureuse aventure avec le service d’hébergement de blog Blogspirit. Pour faire court, elle souhaitait quitter ce service pour utiliser une nouvelle plateforme de blogging (wordpress en l’occurrence).

Vient le moment fatidique où elle a du se voir poser le problème de transférer son contenu (articles et commentaires) et là c’est le « drame ». Elle dispose bien dans la version « pro » de ce service d’une fonction d’export. Mais ce qu’elle récupère est un gros tas de fichier HTML qui ne peut pas être directement importé dans Wordpress. Deux mois de relance du support de BlogSpirit n’aboutissent à rien.

Il faut donc à Fadhila user du poids de son réseau (jetez un coup d’œil rien qu’à son compte twitter) pour faire bouger les lignes et ça marche, voici la réponse du patron de Blogspirit et sa position par rapport à ce problème « d’export » :

L’ export que nous proposons par défaut en offre Pro est une sauvegarde locale. Lorsque nous avons mis en place cette fonctionnalité, il y a plus de 2 ans, nous répondions à un besoin utilisateur de pouvoir sauvegarder leur blog sur leur disque dur à la suite d’incidents de plateformes qui pouvaient leur laisser penser que leur blog n’était pas correctement hébergé et pourrait disparaître.

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L’export complet du blog est bien un export ou une sauvegarde dans le sens ou nous donnons la possibilité à nos utilisateurs de conserver l’entièreté de leur blog (notes, commentaires, images, documents, albums photos, …) à la différence d’un flux qui n’exporte « que » les notes et les commentaires.

Voici un petit résumé d’une histoire qui si elle semble susciter pas mal de bruit n’en demeure pas moins affreusement banale. Ce qu’elle vient de vivre, elle n’est certainement pas la première et encore moins la dernière à l’avoir vécu ou à le vivre. Je dirais même que c’est le quotidien de l’internaute : le verrouillage de ces données.

Un verrouillage pour lequel les prestataires de services ont toujours une réponse sur les aspects légaux. Dans le cas présent, les données sont remises dans leur intégrité à son propriétaire. A charge pour lui de faire ce qu’il faut pour les rendre compatible avec la futur plateforme d’hébergement.

Certes ce n’est pas un problème spécifique aux services web. Blogspirit ne fait probablement pas mieux que les autres et se défend en arguant de « l’état de l’art ». Le problème commence en effet dés le logiciel. Ce dernier dispose en général de fonctionnalités d’export dans des formats plus ou moins exotiques. Si l’on considère l’univers des plateformes de blogging  il existe peu de formats ouverts et standards. Wordpress par exemple propose une panoplie de fonctions d’import toute aussi spécifiques les unes que les autres et liées au format employé par la plateforme source.

Bien sur il faut être informaticien pour savoir cela. Lorsque l’on y connaît rien en techniques informatiques et que l’on souhaite ouvrir un blog et à moins d’avoir un bon ami qui vous installe et configure un logiciel de blogging, il ne reste qu’une seule solution : utiliser un service en ligne.

En soit l’utilisation de services en ligne n’est pas à blâmer. Le danger réside dans les données que vous allez lui confier et à leur importance. Dans le cas de Fadhila Brahimi, c’est ni plus ni moins qu’un de ses outils de travail et  des centaines d’heures (depuis 2005) passées à en écrire le contenu qui se retrouvent ainsi menacer de disparaître ou en tout cas de lui coûter fort cher à récupérer.

Il y a là un parallèle évident que l’on peut faire avec le monde de l’entreprise et le développement des offres en mode Saas (Software As A Service). Bien souvent les entreprises ne voient dans ces services que l’occasion de diminuer un coût et oublient dans l’évaluation de prendre en compte le « coût de sortie ». C’est dans ce piège que vous attirent bien souvent certains fournisseurs de service en ligne. Les quitter coûte trop cher alors on reste…

Ici l’histoire semble bien se finir grâce à l’intervention de @fetard (ils sont vraiment trop sympa les lyonnais ;-) ) qui lui a développé un script pour importer ces données. Chance que probablement beaucoup d’autres n’auront pas eue et qui auront du faire une croix sur leurs données. D’ailleurs il serait peut-être bien qu’il rende ce script « public » cela pourrait intéresser d’autres personnes au risque de fortement déplaire à Blogspirit.

Cette histoire beaucoup de Kevin et Kevina  (les enfants de Mme Michu) la connaîtront le jour où il voudront quitter leur Skyblog ou leur Facebook parce que ces services seront devenus « has been » (je ne suis pas sur que l’on dise comme cela en « jeuns »). Je sais que les techniciens me diront qu’ils pourront toujours « aspirer » le site avec un logiciel, mais de là à le réintégrer dans une autre plateforme de blogging il me semble qu’il s’agit là d’une autre paire de manche.

En fait c’est bien pour ces derniers que je me fais du souci. Cela démontre si c’était encore nécessaire l’importance des formats ouverts qui sous-tendent l’interopérabilité des logiciels et au delà des services. Les logiciels libres sont par essence des vecteurs de ces formats. Certes la définition et la maturation de ces formats est souvent longue. En l’occurrence je ne connais que les flux RSS qui permettent un export des articles et des commentaires d’un blog dans un format ouvert (type Atom ou RSS). Malheureusement on perd dans ce cas le lien entre les deux sans parler du classement qui avait pu être effectué dans des catégories ou tags.

Cependant une fois ce problème résolu, il en demeurera un autre qui sera celui des services et des clauses contractuelles que souvent nous ne lisons pas car  volontairement trop complexes et rébarbatives. Dans ce domaine je ne connais que les définitions données par la FFI (Foundation for a Free Information Infrastructure ) dont je vous avais parlé dans mon article sur le « home computing » (hébergement de ces données personnelles chez soi). Voici la traduction (approximative, mais je n’ai pas trouvé de version française) de ce qu’elle appelle un TIO  libre (Total Information Outsourcing) et qui pour moi correspond à ce que j’appellerais un « Service Libre ».

Cette définition se décompose en plusieurs “niveaux” basés sur les termes des conditions d’utilisation du service :

  • TIO Ouvert
    • Liberté des données : il doit être possible de migrer toutes les données de l’utilisateur ainsi que la configuration et les historiques vers une infrastructure hébergée par un autre tiers. Les données doivent être fournit dans un format totalement spécifié et documenté. Elles doivent pouvoir être analysées par l’utilisateur avec les logiciels les plus répandus  (ndlr : Merci à Eric pour la traduction).
  • TIO Libres :
    • Liberté des données : idem précédemment.
    • Liberté des logiciels : tous les logiciels requis pour qu’un client qui souhaite bénéficier du même service sur une infrastructure personnelle ou hébergée par un autre tiers doivent être distribués sous une Licence Libre,
    • Aucun verrous légal ne doit empêcher un concurrent de copier et tenter de fournir le même service,

Le TIO Libre garanti aux clients la possibilité de changer de fournisseur de service ou de devenir son propre fournisseur à n’importe quel moment.

  • TIO Loyalty : j’ai gardé ces termes anglais, je ne sais pas comment le traduire avec exactitude comme d’autres termes qui suivent.
    • Droit d’accès : le service doit pouvoir être utilisé par n’importe qui, n’importe où et sans discrimination.
    • Droits aux données privées : aucune donnée en relation avec l’usage du service ne peut être fourni à une tierce personne même rendues anonymes sans l’accord préalable du client sur les bases du cas par cas (Demande d’accord pour chaque diffusion)
    • Devoir d’information : le client du service doit être informé de chaque incident ou changement qui pourrait causer ou avoir causé un risque de sécurité pour le service ou de changement du service.
    • Disclosure Right : le fournisseur du service doit prendre les mesures appropriées pour s’assurer que les conditions d’utilisation du service soient respectées de son personnel ou de ces fournisseurs. Ces mesures doivent pouvoir être fournit à la demande du client.

Si d’autres sont tentés, il y aurait un peut-être un beau projet (et beaucoup de boulot ! ) à monter pour traduire correctement et éventuellement peaufiner ces définitions afin d’offrir un site où les internautes puissent avoir une idée précise de là où ils vont mettre les pieds.

En conclusion, on a donc à faire à une double problématique :

  • la définition et l’adoption des formats ouverts et leur utilisation par les acteurs des services en ligne. En cela les logiciels libres souvent massivement utilisés par ces derniers sont donc les chevaux de Troie idéaux,
  • La définition et l’adoption par les entreprises et par le grand public du principe des Services Libres qui seront la seule façon de pousser les fournisseurs de services à adopter les formats ouverts et à les proposer systématiquement dans leurs offres.

De la résolution de ces deux sujets peut dépendre notre capacité à gérer notre présence sur le Web et par la même peut représenter une limitation à son développement dans l’intérêt général et pas uniquement de quelques multi-nationales (syndrome Minitel 2.0). A moins que l’on ne parvienne à résoudre tous les écueils liés au Home Computing.

En résumé, il y a encore un peu de boulot !

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La liste des entrées complémentaires est établie par le module d’extension YARPP.


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 15/07/2009. | Lien direct vers cet article | © Philippe Scoffoni - 2009

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