Où va Framasoft

L’information positive de la semaine c’est probablement l’annonce de Framasoft avec près de 30 services alternatifs atteints. J’aime ce que Framasoft fait, je les soutiens, j’ai écrit un article dessus. Cependant je suis perplexe sur la tournure que prennent les choses. A la veille du lancement des CHATONS prévu le 12/10, faisons un tour du côté de chez Framasoft.

Gratuité

Framasoft propose donc 30 services alternatifs gratuits. Les GAFAM utilisent souvent la gratuité pour amener les utilisateurs à utiliser leurs services : « Si c’est gratuit, vous êtes le produit ». Pour amener du monde Framasoft fait aussi du gratuit. Pour la personne qui utilise les services de Framasoft, il n’y a rien à débourser. Ce qui fait vivre Framasoft c’est pourtant les dons, les bénévoles et les personnes embauchées par l’association. Évidemment Framasoft le répète sans cesse « ce n’est pas gratuit » mais au final c’est la même chose pour l’utilisateur, c’est du « faux » gratuit qu’il voit/utilise. Beaucoup de personnes utilisent ces services car ils sont gratuits. Si demain il faut payer, une majorité s’en iront. Il y a une culture malsaine mais bien réelle de la gratuité sur le net et il faut composer avec.

Autonomie

La vitrine Framasoft montre et démontre que les logiciels libres sont de vraies alternatives. L’association souhaite inviter le plus de monde possible à cultiver son jardin (installer les applications chez soi)… mais ça ne tient pas compte du fait que tout le monde n’a pas les connaissances/compétences, les moyens, le temps, l’envie ni même l’utilisation fréquente des services/applications. Cette semaine un service supplémentaire Framanotes est proposé mais pour le tuto c’est moins simple. J’ai les compétences pour mettre ce service en place en auto-hébergement, je ne le ferai pas. Pourquoi le mettre en place alors qu’il est disponible chez des personnes de confiance et gratuitement (confiance et gratuité) ? Pourquoi installer un service dont je me sers seulement de temps en temps (fréquence d’utilisation) ? Pourquoi compliquer les choses alors qu’il me suffit de me connecter sur Framanotes (simplicité) ? L’auto-hébergement a ses limites, tout le monde ne peut pas et ne veut pas en profiter. Je connais des personnes qui auto-hébergent leurs services, qui arrêtent de le faire et qui vont utiliser les services de Framasoft. Quels arguments opposer à ça ?

Confiance

Nous sommes nombreux à faire confiance à Framasoft. La confiance à l’ère numérique vaut de l’or. Les CHATONS ne vont pas magiquement et instantanément créer de la confiance. Ça prend du temps la confiance, ça se gagne, c’est ce que Framasoft a accumulé et continue d’accumuler. Je désire mettre mes données personnelles chez un partenaire en qui j’ai confiance, respectueux de l’utilisateur et de ses données. Framasoft ne le désire pas, ils seraient contraints de continuer à grossir, embaucher et se professionnaliser. Je devrais me tourner vers un CHATONS… naturellement je vais me tourner vers Framasoft. On va à présent me demander de payer alors que j’utilise des services gratuitement, que j’en suis satisfait et qui sont chez des gens de confiance. Bonne chance pour faire avaler la pilule.

Adéquation avec les besoins du grand public

Framasoft souhaite éviter de tomber dans le travers de la centralisation des services/données : Essaimer. Mais… le grand public veut de la centralisation et de la gratuité. C’est bien là tout le problème : cohérence/intégration/interconnexion des outils, plus de monde qui les utilisent et aller là où il y a du monde (visibilité et réseau), confort, simplicité, gratuité.

Coûts et professionnalisation

Je vous invite à aller lire la charte et le manifeste des CHATONS. Je vous invite ensuite à aller lire l’article de Philippe Scoffoni (publié en février 2016). Doit-on privilégier les critères d’adhésion ou le nombre de partenaires ? « le CHATON s’engage à faciliter la participation des hébergés au maintien des services. Une attention particulière sera apportée aux « non-techniciens » afin de leur permettre d’accroître leurs savoirs et leurs compétences et de pouvoir jouer ainsi pleinement leur rôle de contributeurs », « le CHATON s’engage à définir un modèle économique basé sur la solidarité. En cas de services payants, ceux-ci devront être raisonnables et en adéquation avec les coûts de mise en œuvre. Par ailleurs Le salaire – en équivalent temps plein, primes et dividendes compris – le plus faible de la structure ne saurait être inférieur à quatre fois le salaire – en équivalent temps plein, primes et dividendes compris – le plus élevé de la structure », « le CHATON s’engage à prévoir structurellement la possibilité de rencontrer physiquement, d’échanger, et faire participer les hébergés », « le CHATON s’engage à rendre publics ses comptes et rapports d’activités, au moins pour la partie concernant son activité de CHATON ». Je suis pragmatique, je pose la première marche à portée de ma jambe pas à 5m de haut. Ces critères ne sont-ils pas trop élitistes alors qu’ils devraient être accueillants en favorisant l’intérêt d’éventuels partenaires ? J’attendrais pour ma part de voir si des entreprises se mettent sur les rangs. Sans quoi, ça ne développera ni l’économie du logiciel libre ni sa nécessaire professionnalisation. On continuera à masquer aux utilisateurs les coûts réels des services prétendument gratuits.

Des idées et des hommes

Tout n’est pas réalisable : Gratuité, simplicité, décentralisation, confiance, transparence, auto-hébergement, solidarité, autonomie, etc. J’ai écrit cet article pour l’expliquer et le mettre en lumière.

Avoir un objectif adéquat et réalisable c’est plus sain qu’un objectif irréprochable mais inatteignable. Il faut faire des choix mais aussi des compromis au risque de déplaire car ne pas en faire condamne la démarche à l’impossible. Le projet CHATONS est irréprochable d’un point de vue théorique et éthique, il conviendra à la majorité des sympathisants du Libre simultanément il se coupera du grand public et d’une possible réussite.

Framasoft essaie de faire sa part et en appelle aux bonnes volontés pour faire le reste. Framasoft reste humble, Framasoft suit ses convictions, Framasoft ne prétend pas avoir toutes les solutions. Framasoft suit sa route qui ne sera désormais plus la mienne. Pas d’attaques, pas de reproches, des voies (libres) qui vont dans des directions différentes. Pour ma part je crois qu’il faut se construire sur des idées mais composer avec le monde tel qu’il est et faire des compromis. Nos démarches sont différentes mais pas opposées, le Libre est bien assez vaste pour participer à des projets qui nous ressemblent.

Je note suite à cette réflexion un problème qui revient souvent : L’élitisme des idées face aux besoins du grand public, faire passer les idées avant les hommes, être élitiste au lieu d’être accueillant.

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