LibreOffice 5 : tout simplement la meilleure suite bureautique ?

Quelques lettres de l'alphabet sur un tableau

Il ne s'agit pas ici de s'extasier bêtement sur la nouvelle version majeure d'un logiciel quel qu'il soit, au motif que ses responsables ont décidé plus ou moins arbitrairement (coucou Linus) qu'ils allaient incrémenter plus fortement le numéro de la prochaine version, comme ici avec la récente version 5 de LibreOffice.

Il s'agit plutôt de constater la qualité, certes discrète, de cette dernière version, fruit d'un long et continu effort de développement communautaire entamé dès le lancement du projet.

Le visible et l'invisible

Parfois on peut lire des commentaires d'utilisateurs qui se plaignent – à juste titre ou non – qu'au lieu de développer des nouvelles fonctionnalités, les développeurs de tel projet feraient mieux de soigner et stabiliser l'existant.

Il se trouve que soigner l'existant n'est sans doute pas ce qu'il y a de plus gratifiant dans le processus de développement d'un logiciel, et que, lorsque celui-ci est réalisé par des volontaires, il est difficile d'exiger de ceux-ci qu'il s'occupent prioritairement des tâches ingrates.

Et lorsque effectivement des développeurs s'y attellent, leur travail ne se remarque pas forcément... « Le logiciel ne plante pas ? Encore heureux ! », pourrait-on caricaturer. Les changements en terme de consolidation ne sont pas les plus spectaculaires.

L'invisible travail de fourmi effectué depuis le lancement de LibreOffice

Pour rappel, le projet LibreOffice a été dévoilé fin septembre 2010.

Dès la première version du logiciel (LibreOffice 3.3, sortie en janvier 2011), Michael Meeks, un des développeurs, mettait en avant les côtés positifs, évidents pour lui, du projet : « Liberté, Logiciel Libre, et développement fun, ouvert et communautaire ».

De fait, depuis lors et jusqu'à cette dernière version 5 sortie début août, le caractère communautaire du développement de LibreOffice n'a jamais été démenti, bien au contraire. Et nous avons vu à quel point un développement massivement communautaire pouvait constituer un atout pour un projet.

Mais, de même qu'on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, on ne constitue pas une communauté de contributeurs sans un projet accueillant.

Voici quelques exemples d'initiatives qui ont été mises en œuvre pour concrétiser cette volonté originelle de faire entrer un maximum de développeurs dans le projet, et aussi quelques exemples du travail invisible mais essentiel qui a été réalisé pour améliorer le logiciel :

Travail sur la lisibilité du code

Dès le départ, un long et fastidieux travail a été entamé pour traduire en anglais les commentaires (initialement en allemand, pour des raisons historiques) qui accompagnent le code source du logiciel, ceci afin de rendre celui-ci accessible par le plus grand nombre (la langue anglaise étant très répandue dans le monde du développement logiciel) :

Proportion de commentaires en allemand à travers les versions
Proportion de commentaires en allemand à travers les versions

Les versions suivantes (3.4, 3.5 et 3.6, sorties respectivement en juin 2011, février 2012 et août 2012) ont concrétisé un grand nettoyage du code, avec le retrait de grandes parties caduques ou redondantes, rendant le tout plus facile à appréhender et à maintenir :

Proportion de code caduc à travers les versions
Proportion de code caduc sur un an de développement

Travail sur les outils de développement

Dès les premiers mois du projet, le processus de compilation du logiciel a été revu pour ne plus dépendre de coûteux logiciels privateurs et permettre à tout à chacun de participer (la facilité et la rapidité de compilation est d'ailleurs un point qui reçoit régulièrement des améliorations), et la transparence sur les contributions de chacun a été posée en règle.

Par ailleurs, à l'occasion de la version 3.4, le système de localisation a été modifié pour être plus facile d'utilisation par les contributeurs.

Travail sur la qualité du code

Les outils de test ont été multipliés au fil des versions afin d'éviter les régressions dans le code au fur et à mesure des développements, et aussi de débusquer les erreurs dans le code existant (la liste serait trop longue et technique pour entrer dans le détail ici).

Par ailleurs, un ensemble de tests automatisés, qui charge plus de 24 000 fichiers différents réputés comme étant problématiques, a été mis au point à l'occasion du développement de la version 4.1 sortie en juillet 2013. Avec la version 4.2 (sortie en janvier 2014), le corpus de documents problématiques a été porté à 45 000 (et les tests portent dorénavant également sur l'exportation), puis à 55 000 avec la version 4.3 (sortie en juillet 2014), et enfin à 76 000 avec la 4.4 (sortie en janvier 2015), permettant d'assurer une version 5.0 particulièrement fiable.

Travail sur les fondations du logiciel

Le moteur de Calc a été refondu à l'occasion de la version 4.2, la boite à outils graphiques a bénéficié d'une mise à niveau sur plusieurs cycles de développement, etc.

Le résultat ?

Le résultat ma foi, ne saute pas aux yeux. Au lancement, c'est toujours cette bonne vieille suite bureautique qui s'affiche devant nos yeux, avec son interface quasiment inchangée.

Et pourtant, tout a changé sans que l'on n'y prête attention : le logiciel se lance bien plus vite, est bien plus stable mais aussi plus performant, accepte sans sourciller les formats les plus exotiques et, sauf pour des exceptions de plus en plus rares, les restitue sans faute.

Quelle autre suite bureautique peut se targuer d'être aussi à l'aise avec la multitude de formats existant aujourd'hui ?

Alors certes, la déco reste familière, mais c'est bien une suite bureautique flambant neuve qui nous est présentée aux termes de ces cinq années de travail qui ont suivi le lancement de LibreOffice.

Pas de quoi s'extasier me direz-vous ? Et bien permettez-moi d'affirmer le contraire : voilà un travail de fond qui a permis de créer une large communauté, d'assainir les fondations et de travailler à rendre le logiciel plus stable, performant et polyvalent que jamais. Et pour cela, moi je dis : bravo !

(Pour plus de détail, voir les liens donnés en face des numéros de version sur la page Wikipédia, et le résumé des évolutions dressé ici à l'occasion de la sortie de la version 5).

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