Parlons XMPP - épisode 3 - le cœur et les extensions (suite)

(pour lire les épisodes précédents, suivez l'étiquette correspondante).
 
En plus de cette partie centrale, des fonctionnalités peuvent être ajoutées, d'où le X de XMPP (pour eXtensible).
 
Les extensions sont rédigées sous la forme de « XEP » (XMPP Extension Protocol), idée héritée — si je ne m'abuse — de Python. C'est de cela qu'on parle quand on voit les cryptiques XEP-0XXX dans les fonctionnalités gérées d'un serveur ou d'un client. Pas besoin évidemment de savoir cela pour utiliser un client XMPP, mais il peut être utile de lire une extension (elles se trouvent sur https://xmpp.org/xmpp-protocols/xmpp-extensions/) pour bien comprendre à quoi sert une fonctionnalité. Deux parties sont particulièrement utiles sans avoir à entrer dans les détails d'implémentation : la partie « abstract » (résumé) tout en haut qui indique ce que la XEP fait, et la section « introduction » (la toute première section) qui explique un peu plus les raisons et les cas d'utilisations de l'extension.
 
résumé de la XEP-0045
 
Une XEP peut décrire une fonctionnalité, une procédure (par exemple la XEP-0001 explique le cycle de vie des XEPs elles-mêmes), un héritage historique (c'est à dire le fonctionnement de quelque chose créé avant la XMPP Standard Foundation), une information (comme des bonnes pratiques), voire une blague (si si, y'a des histoires de toto dans les XEPs aussi !). Elle peut avoir plusieurs statuts (expliqués dans la XEP-0001, je ne sais pas s'il existe une version traduite en français quelque part). Il est intéressant de noter que beaucoup de XEPs sont « experimentales », et donc techniquement pas (encore) des standards, mais souvent implémentées tout de même. De telles XEPs peuvent changer fortement avant le passage au statut de « brouillon » (« Draft »), puis de standard final.
 
Pourquoi je vous parle de tout ça ? Pour que vous compreniez bien une chose: XMPP ce n'est pas que de la messagerie instantanée !
 
Voici quelques exemples d'extensions intéressantes:
 
  • Extended Stanza Addressing (Adressage de « stanzas » étendue, XEP-0033): permet d'envoyer un message à plusieurs destinataires à la fois, ou de faire des copies carbones ou des copies carbones invisibles (comme le … oui oui vous voyez où je veux en venir)
  • Multi-User Chat (Discussions multi-utilisateurs, XEP-0045): les discussions de groupes, à la IRC.
  • Ad-Hoc Commands (commandes de circonstance, XEP-0050): un système générique pour gérer tout type de commandes. Lié aux permissions des utilisateurs, c'est un outil absolument génial !
  • vcard-temp (Cartes virtuelles, version temporaire, XEP-0054): la façon historique de gérer des cartes de visites, une sorte de profil public. Une nouvelle extension va la remplacer à terme (la XEP-0292)
  • Jabber Search (Recherche Jabber/XMPP, XEP-0055): pour chercher des jid, utilisé en général par les annuaires.
  • Publish/Subscribe (Publication/Abonnement, XEP-0060): un très gros morceau, qui permet la publication de tout type d'information, et sa récupération en fonction de permissions, avec un système de notification en temps réel.
  • XHTML-IM (XEP-0071): pour publier avec un sous-ensemble de XHTML, c'est à dire avec une mise en forme (écrire en gras ou mettre une image par exemple).
  • Gateway Interaction (Communication avec les passerelles, XEP-0100): permet de gérer les passerelles, c'est à dire des liens avec des réseaux extérieurs
  • Personal Eventing Protocol (protocole d'événements personnels, XEP-0163): une sorte de Publish/Subscribe simplifié
  • Jingle (XEP-0166): Négociation de session pair à pair (P2P), avec un grand nombre d'applications possibles, la plus connue étant la visioconférence.
  • Serverless Messaging (Communication sans server, XEP-0174): permet, comme indiqué, de se passer des serveurs
  • Message Archive Management (gestion des archives des messages, XEP-0313): permet de récupérer des messages ou autre (ça fonctionne aussi avec publish/subscribe) selon certains critères comme une date. Utilisé notamment pour avoir votre historique de conversations sur votre serveur (et ainsi y accéder depuis tous vos clients).
 
Et dites-vous bien qu'on ne vient que de gratter la surface.
 
Plusieurs de ces extensions seront expliquées dans de futurs articles.
À noter aussi qu'on utilise souvent des noms courts pour désigner les extensions par exemple « MAM » pour « Message Archive Management ». Ces noms sont normalement indiqués en fin de XEP, dans les appendices (« Document information »): c'est le « short name » (nom court).
 
Avec toutes ces extensions, on va se retrouver avec des clients ou serveurs qui gèrent l'une ou l'autre, comment se mettre d'accord ? Eh bien grâce à une autre extension (mais tellement indispensable et couramment implémentée qu'on peut presque la considérer comme standard de base): « Service Discovery » (découverte de services, XEP-0030, nom court : « disco »)).
 
Le principe est simple, chaque client ou serveur ou composant (un composant est un service qui vient se greffer à un serveur, voir plus bas) dit qui il est, ce qu'il sait faire, ou les éléments associés.
 

qui il est

Une adresse XMPP (le jid) peut être utilisée par beaucoup de monde: un serveur, un client, un « bot » (robot, nom qu'on utilise pour un programme qui automatise des tâches, agissant souvent comme un client), une passerelle, etc.
 
Quand un client (ou autre) en voit une, il est utile de savoir à quoi on parle, par exemple pour afficher de telle ou telle façon dans l'interface (c'est grâce à cela que votre client peut afficher une passerelle d'une autre façon que les clients normaux).
 
C'est l'identité de disco qui permet ça, et elle donne une catégorie (par exemple « client » ou « serveur »), un type (dans client par exemple ça peut être « bot », « web », « game » — jeu —), et un nom libre (par exemple « ejabberd »). Vous avez une liste des différentes catégories et les types associés ici : https://xmpp.org/registrar/disco-categories.html.
 

ce qu'il sait faire

 
XMPP grâce à son côté extensible, est très riche en fonctionnalités, aussi il est indispensable de savoir ce que le logiciel avec lequel on discute est capable de faire. Ce sont les « features » (fonctionnalités) indiquées par disco, c'est pour cette raison que parfois quand vous discutez avec quelqu'un une icône est grisée, par exemple la visioconférence: cela indique que le client en face indique qu'il ne sait pas la faire, ou plus exactement n'indique pas qu'il sait la faire.
 
Ces fonctionnalités sont liées à des espaces de nommage (namespaces) qui sont indiqués dans les XEPs concernées, vous avez aussi une liste qui permet de retrouver une partie des XEPs depuis un espace de nommage ici : https://xmpp.org/resources/schemas.
 

les éléments associés

 
En plus de l'identité et des fonctionnalités disponibles, une entité XMPP peut avoir des éléments associés. Ce peut être un serveur qui indique que des salons de discussions sont disponibles à telle adresse, ou une passerelle vers tel réseau.

 

essayons

Pour que cela soit plus clair, prenons un exemple. « jp », l'interface en ligne de commande de Salut à Toi, permet d'obtenir le disco d'une entité avec la commande « jp info disco », essayons avec le serveur jabber.fr :
 
 
% jp info disco jabber.fr
Features:
 
http://jabber.org/protocol/commands
http://jabber.org/protocol/disco#info
http://jabber.org/protocol/disco#items
http://jabber.org/protocol/stats
iq
jabber:iq:register
jabber:iq:time
jabber:iq:version
msgoffline
presence
presence-invisible
urn:xmpp:time
vcard-temp
--
Identities:
 
ejabberd (server/im)
--
Extensions:
 
http://jabber.org/network/serverinfo
 
--
Items:
 
[chat.jabberfr.org]
[irc.jabberfr.org]
[j2j]
[presence.jabberfr.org]
[proxy.jabberfr.org]
[users.jabberfr.org]
 
 
On voit ici que jabber.fr sait gérer la version historique des vcards (vcard-temp, XEP-0054) ou les commandes ad-hoc (http://jabber.org/protocol/commands, XEP-0050), qu'on discute avec un serveur (server/im) qui s'appelle « ejabberd ». On voit également que plusieurs services sont disponibles, par exemple chat.jabberfr.org. Regardons de plus près :
 
% jp info disco chat.jabberfr.org
Features:
 
http://jabber.org/protocol/disco
http://jabber.org/protocol/muc
http://jabber.org/protocol/muc#unique
jabber:iq:browse
jabber:iq:last
jabber:iq:register
jabber:iq:time
jabber:iq:version
urn:xmpp:ping
vcard-temp
--
Identities:
 
Public Chatrooms (conference/text)
--
Items:
 
[...]
JabberFR (13) [jabberfr@chat.jabberfr.org]
[...]
 
 
On voit qu'on a affaire à un service de salons de discussions (conference/text), qui utilise le protocole « Multi-User Chat » (discussions multi-utilisateurs, http://jabber.org/protocol/muc), qui est à ce jour le seul disponible pour les discussions de groupes (nous y reviendrons). Les éléments « Items » contiennent ici la liste des salons, avec le nom, le nombre d'occupants, et le jid correspondant, j'ai tronqué la liste qui était très longue.
 
Dans les informations de jabber.fr, vous avez peut-être remarqué la section « extensions », il s'agit d'une XEP (la XEP-0128) qui permet d'étendre disco pour tout type d'informations, dans le cas d'ejabberd ici, c'est pour indiquer les adresses de contact du serveur, mais elles ne sont pas renseignées pour jabber.fr.
 
Ci-dessous, la fenêtre disco de Gajim:
 
disco chez Gajim
La première fois que j'ai essayé XMPP, avec Psi au début des années 2000, j'ai été un peu intimidé par le menu « service discovery », qui permet d'afficher quasi directement les informations que nous venons de voir. Ce genre de menu est souvent, à mon sens, affiché un peu trop « brut » dans les clients XMPP : utiliser disco directement (c.-à-d. en dehors de ce qui est automatisé par le client) relève déjà de l'utilisation avancée.
 
 
En bonus, je vais rapidement évoquer l'extension « software version » (version logicielle, XEP-0092) qui permet, comme son nom l'indique, de savoir à quel logiciel on parle, et le système d'exploitation utilisé. jp permet d'afficher ces informations avec « jp info version », essayons sur jabber.fr :
 
% jp info version jabber.fr
Client name: ejabberd
Client version: 2.1.13
Operating System: unix/linux 3.2.0
 
On connaît désormais la version d'Ejabberd utilisée, pratique quand on veut savoir si une fonctionnalité est présente, ou un bogue corrigé. Et cela fonctionne avec toute entité qui implémente la XEP, pas uniquement les serveurs:
 
% jp info version chat.jabberfr.org
Client name: MU-Conference
Client version: 0.9-svn (Jan 27 2014)
Operating System: Linux 3.2.0-4-amd64
 
Voilà, connaître les extensions permet de vraiment savoir ce qu'on peut faire avec un client ou un serveur. La prochaine fois je pense m'attaquer aux discussions de groupes, et voir ce qui change par rapport à IRC.
Vus : 905
Publié par Goffi : 100