Le jeu du chat et de la souris

À l'époque héroïque où j'ai découvert Internet (1994 ?) j'utilisais un modem 28Kbs et devais me connecter sur un BBS en Normandie (Calvacom) depuis ma Savoie natale. Au prix où France Télécom facturait la minute, le surf était plutôt limité. De ce fait les messages publicitaires étaient franchement mal vus. C'est tout juste si l'on admettait qu'une signature en bas de mail fasse référence à l'entreprise dans laquelle on travaillait. Le web était encore balbutiant et une pub sur Mosaic (l'ancêtre incestueux de Netscape dont une version devint Mozilla avant de se libérer et de donner naissance à Firefox...ouhhh), aurait vraiment paru incongrue.

Puis vint le RNIS qui permettait le surf à 64Kbs tout en laissant une ligne pour recevoir les appels téléphoniques. Mais comme FT facturait le double il n'y avait pas franchement d'économies. Aussi cette technologie ne trouvait preneur que dans les petites entreprises (dont le petit artisan que j'étais) pendant que les grosses utilisaient des lignes dédiées et les particuliers des modems 56Kbs. Toutefois les géants du commerce commençaient à entrevoir ce que le Web pouvait leur apporter et l'on vit fleurir les sites .com, pris de haut par les barbus de l'époque qui n'avaient que leur mépris à opposer à ceux qui allaient irrémédiablement briser leur rêve d'un Internet communautaire, éducatif et solidaire.

l'ADSL apparut en 1999, d'abord dans les grandes villes. C'était un progrès incontestable puisque pour la première fois la grande masse des utilisateurs n'avait plus à payer la connexion à la durée et il était possible de télécharger des fichiers important. Pour les linuxiens cela voulait dire les CD d'installation et les mise à jour de nos distributions, mais aussi les forums, les fanzines... Pour madame Michu il manquait encore un peu de contenu mais le monde du commerce comprit vite qu'il tenait là un filon inestimable. En dehors des épiphénomènes tel l'éclatement de la bulle Internet en 2000, on assista à une mainmise de nouveaux géants du web (Yahoo, Google, Amazon, Ebay....) sur Internet pendant que la publicité s'abattait sur le réseau comme la vérole sur le bas clergé.

Alors la souris internaute chercha tous moyens à se protéger des griffes de Raminagrobis.


En 2004 Mozilla s'attaqua de front à Internet Explorer... en s'offrant une pleine page de publicité dans le New York Times, grâce aux dons des internautes. Dans sa lutte contre le monopole de Microsoft la fondation fit valoir de nombreux arguments techniques, dont le respect des standards HTML et sa plus grandes sécurité... Mais d'autres trouvèrent écho bien au delà du microcosme libriste, et notamment la possibilité de bloquer facilement les popups puis, grâce à un module externe, de supprimer quasiment toutes les publicités. Adblock, devenu Adblock plus en 2004 à la suite d'un fork, est depuis l'extension la plus populaire et la plus téléchargée. Elle existe maintenant pour la plupart des navigateurs, dont Chrome (1), Opera... et même Internet Explorer !

Naturellement cette popularité dérangea et l'on entendit le chœur des pleureuses annoncer la disparition de l'Internet gratuit. Au sein même de l'équipe de développement on fit un subtile distinguo entre publicités "intrusives" et d'autres qui seraient "acceptables", en intégrants ces dernières dans une liste blanche activée par défaut (et que bien peu d'utilisateurs désactivent). Plus d'explications sur cette page. Mais lorsque Tim Shumacher, directeur des communications d'AdBlock Plus, admit que quelques grandes entreprises du Web (notamment Google) payaient pour figurer sur cette liste blanche, certains commencèrent à mettre en doute la crédibilité de la démarche. D'où un nouveau fork appelé Adblock Edge (voir les différences entre Adblock Plus et Adblock Edge).

Parallèlement certains sites tentèrent par divers moyens de dissuader leurs visiteurs de bloquer leurs petites rentes. En faisant appel aux bons sentiments (nous avons besoin de la pub pour vivre) ou même en interdisant l'entrée à ceux dont l'usage du module en question était détecté. Bah... à malin malin et demi. Puisqu'un script pouvait détecter l'usage d'Adblock, un autre pouvait tout aussi bien le cacher. Comme Anti-Adblock Killer par exemple (pour les anglophobes voir annexe ci-dessous).

Toutefois la publicité affichée n'est que de la face visible de l'iceberg : en "communication" le maître mot est ciblage. Et le champion en la matière est évidement Google, qui fort de sa position dominante enregistre le moindre de vos clics dans son moteur de recherche, lit votre courrier (que vous soyez auteur ou destinataire si l'un au moins des correspondant utilise gmail) et tente par tous moyens de vous faire renoncer à votre anonymat (Google +, Picasa, Youtube....). Ceci a été démontré depuis fort longtemps et je ne reviendrai pas dessus (2). Je ne m'attarderai pas non plus sur ces réseaux soit-disant sociaux ou notre société à l'imprudence et l'impudence de s'exhiber, et me contenterai de rappeler quelques outils permettant au moins de limiter la casse.

  • Startpage en lieu et place de Google : Startpage fait profession de foi de ne pas conserver votre ip et s'appuie (entre autres) sur Google comme moteur de recherche. En gros c'est Google sans ses mauvais cotés.
  • Noscript comme bloqueur de script : bloque tout par défaut, sauf ce qui est dans votre liste blanche. Il y a même une liste noire pour ce dont vous ne voulez plus entendre  parler. La page dédié sur Wikipédia.
  • Dans le même registre certains trouveront plus facile d'utiliser Ghostery qui bloque également certaines redirections et certains cookies, en se basant notamment sur leur origine et destination. Toutefois, et contrairement à Noscript, Ghostery est une application propriétaire, c'est à dire dont on ne dispose pas des sources et dont on ne peut affirmer avec certitude qu'elle ne fait que ce qu'elle prétend faire. Elle est d'ailleurs l'objet d'une polémique relatée sur la page anglaise de Wikipédia à propos d'un double jeu dont Evidon, la société propriétaire de Ghostery, serait l'acteur.

Coté e-mail, blog, photos et vidéos, les libristes purs et durs ne jurent que par l'auto-hébergement. Il n'en sera pas question ici. D'une part parce-qu'une connexion avec un upload décent n'est pas disponible partout, et pas bon marché. D'autre part parce qu'assurer une disponibilité de service 24h/24 7j/7 n'est pas l'objet d'un équipement informatique personnel. Enfin parce que la plupart des internautes rechigneront à installer et administrer un serveur web (Apache - PHP - MySQL), même si ce n'est pas très compliqué.

Pour le mail et le blog le plus simple est d'avoir son propre nom de domaine. Certes il faudra débourser entre 10 et 15€ par an, mais rappelez-vous : si vous ne payez pas pour un produit, c'est que c'est vous le produit. Personnellement j'utilise Gandi : avec mon domaine je dispose de 5 adresses mails, d'un blog (celui-ci) et d'un petit site web statique de 3 pages (que je n'utilise pas). 

Pour l'hébergement de mes photos j'ai choisi Piwigo. J'explique mon choix dans ce billet. Pour les vidéos je cherche encore... Mais dans ce domaine aussi je préférerais une petit chez moi qu'un grand chez les autres.


Annexe
: comment installer Anti-Adblock Killer

Anti-Adblock Killer est un script qui repose tout à la fois sur le gestionnaire de script Greasemonkey qu'il vous faudra préalablement installer (lien pour firefox) et sur une liste pour Adblock + à laquelle il faudra souscrire. Il ne restera plus qu'à installer le script lui-même en cliquant sur ce lien.

(1) une menace pèse sur Adblock pour Chrome : la volonté de Google de contrôler toutes les extensions de son navigateur. Voir ici et .

(2) si, quand même, pour les derniers sceptiques, s'il en reste. Si vous survolez un lien dans le moteur de recherche l'adresse indique dans la barre d'état de votre navigateur est bien la bonne. Mais si vous cliquez dessus (ou bouton droit -> copier le lien) elle devient comme par magie une bouillie infâme genre "http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&ved=0CDIQFjAA&url=http%3A%2F%2Fblog.vintherine.org%2F&ei=kXt_UvnWF-XP0QWVpYA4&usg=AFQjCNHJO3emT-v48BGQf9ro7tqsnd9viQ" avant de vous rediriger finalement au bon endroit. Vous devinez pourquoi ? Vous pouvez faire la même expérience avec Startpage sans mauvaise surprise et, du coup, copier / coller les liens directement depuis la page du moteur de recherche.

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Publié par Vincent Gay : 38