La bureautique libre peine à séduire les entreprises
Une récente étude montre un recul de l’utilisation des suites bureautiques libres dans les entreprises. Un recul très marqué avec le passage de 13% à 5% seulement en l’espace de deux ans. Que s’est-il passé ces deux dernières années qui ait pu provoquer un tel recul ? La faute aux suites bureautiques ou la montée en puissance d’autres formes de bureautique plus adaptées aux besoins des utilisateurs ?
Panorama de la bureautique en entreprise
C’est le groupe Forrester qui publie quelques résultats issus de son étude sur l’adoption de la suite bureautique Microsoft Office 2013 et des alternatives existantes chez 148 de ses clients. Le panel est restreint et ne représente pas totalement le marché de l’aveu même de Forrester. Cependant, il permet de comparer l’évolution dans l’usage des suites bureautiques au sein du panel ce qui n’est pas dénué d’intérêts.
Sans grande surprise, c’est Office 2010 qui se taille la part du lion. Office 2013 la version qui lui succède a déjà pris une place significative et 36% des répondants ont prévu de migrer vers cette version. Cependant le rythme d’adoption est plus lent que pour Office 2010, car bien souvent le déploiement d’Office 2013 est concomitant à celui de Window 8. Une version que les entreprises ne sont pas pressées d’adopter.
Les suites bureautiques en ligne, Office 365 et Google Apps sont également bien représentées avec une préférence pour celle de Google. Ce dernier profite de la prime au premier. En la matière Microsoft a eu du mal à prendre le virage du web.
Quant aux suites bureautiques libres, elles pointent en quasi fin de classement à un petit 5%. OpenOffice devance légèrement LibreOffice, mais pour des raisons historiques je pense. On constate globalement un passage à LibreOffice. Une transition qui ne s’est d’ailleurs pas toujours faite sans douleur. Les premières versions de la série 3 de LibreOffice ayant laissé aux utilisateurs une impression de régression en terme de stabilité par rapport à OpenOffice .
Si l’étude s’arrête là, je dirais que cette présentation du paysage informatique de la bureautique est cohérente avec ce que je croise dans les entreprises. Mais l’étude Forrester signale qu’en 2011 les suites bureautiques libres représentaient 13% des réponses. Soit un recul plus que significatif en deux ans. Comment interpréter ce chiffre ?
Le recul des suites bureautiques libres
Si dans le secteur public, les suites bureautiques libres semblent progresser malgré quelques revers, les entreprises restent plus réfractaires au passage vers les suites bureautiques libres. Les freins y sont tout aussi puissants, surtout les habitudes des salariés à changer. Un changement perçu par beaucoup de dirigeants comme n’apportant pas une plus-value significative pour l’entreprise. Mais les choix d’ordre politique ou éthique ont bien moins de prises dans le secteur privé.
La montée en puissance de la demande d’applications en ligne est aussi un frein à la progression de la bureautique libre. Pourtant l’annonce de l’arrivée d’une version web de LibreOffice court depuis 2011 et a été réaffirmée il y a encore une an, mais depuis plus la moindre information sur l’avancée de ce projet. Il est probable qu’il s’agisse d’un important chantier qui nécessite beaucoup de développements et donc de moyens financiers.
Cependant au vu des usages et attentes des utilisateurs surtout en entreprise, c’est un manque important qui ne peut que freiner davantage l’adoption d’une bureautique libre surtout dans les petites structures. Il existe néanmoins des solutions comme les services proposés par DotRiver par exemple.
Fin de vie d’Office 2003
Il faut alors des contextes bien particuliers pour arriver à rendre acceptable une migration. A ce jour c’est le contexte de fin de vie d’Office 2003 qui est le plus favorable à une adoption des suites bureautiques libres. Le passage à Office 2013 implique un changement à la fois dans les habitudes de travail des utilisateurs à cause de l’évolution de l’interface, mais aussi dans les formats de documents.
Ce dernier point est en revanche moins générateur de freins que le premier. LibreOffice et son interface “traditionnelle” déroutent moins les utilisateurs qu’Office 2013. Mais c’est une opportunité de migration qui se referme à la vitesse “Grand V”.
Montée en puissance d’Office 365
L’offre Office 365 intègre à la fois une messagerie et les licences de tous les logiciels Microsoft. C’est une arme redoutable. Plusieurs de mes clients m’ont déjà sollicité pour étudier son utilisation. Il est vrai qu’à 12,30€HT par utilisateur et par mois, le pack est plus qu’intéressant : une boîte mail Exchange de 25Go, la possibilité d’installer la suite Office complète sur cinq postes différents pour un même utilisateur (celui de l’entreprise et de la maison par exemple) et l’accès aux autres outils de Microsoft comme Lync, Sharepoint ou encore Skydrive.
Une solution de bureautique collaborative très complète et qui répond en très grande partie aux besoins des petites structures en matière d’informatique collaborative. Il n’existe aucune offre équivalente à base de logiciel libre à ce jour.
Bien entendu, que se passe-t-il le jour où l’on ne peut plus payer son abonnement ? Probablement, une fin précipitée pour l’entreprise en question privée d’outil de travail. On opposera que le jour où l’entreprise ne peut plus payer ces 12,30€, la fin est de toute façon inéluctable.
Le secteur public, planche de salut ?
Dans ce contexte, le développement des suites bureautiques libres risque de demander encore pas mal d’efforts et de stagner dans le domaine des entreprises. Peut-être le salut viendra-t-il du secteur public et d’un investissement financier et humain significatif de ce dernier que ce soit en France ou à l’étranger.
On notera l’arrivée du groupement interministériel MIMO (Mutualisation interministérielle pour une bureautique ouverte) dans le comité consultatif de The Document Foundation. Ce groupement représente environ 500 000 utilisateurs de bureautique libre dans notre administration.
L’autre planche de salut passe aussi par l’innovation et la proposition de fonctionnalités “originales”. Si l’on pouvait disposer de fonction d’édition collaborative en mode pair à pair simple à mettre en œuvre, voilà qui apporterait une potentielle “killer feature”. Il existe déjà une fonctionnalité de ce type dans Calc du moment que les deux utilisateurs ont accès au même document sur un système de fichier partagé. Ce qui limite l’usage au travers d’internet qui reste le support universel pour le travail collaboratif.
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 04/11/2013. | Lien direct vers cet article
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