Internet, la guerre des médiacultures

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Une petite histoire

Il était une fois, dans un royaume lointain, un roi qui n’était pas aimé de son peuple. Ce dernier chantait une chanson dans tout le royaume dont le refrain était le suivant:

Longue vie au roi bouffon, le roi très con qu’est très très con!

Le roi lassé d’entendre cette chanson, convoqua ses ministres pour agir. Il fut décidé que le plus sage était d’interdire tout simplement à ces sujets de chanter cette chanson, et le texte fut mis à l’index. Toute personne surprise en train de chanter cette chanson serait immédiatement envoyée aux galères.

Les troubadours et chansonniers furent obligés de s’y plier. Mais dans les tavernes, les champs et les chaumières, la population continuait de fredonner.

Cela rendit le roi furieux, qui demanda aux gardes de patrouiller à la recherches des chanteurs et de les mettre aux fers immédiatement, mais cela ne changea rien, les gens continuaient, non plus à la chanter, mais à siffler la chanson, sous le nez des gardes qui ne pouvaient rien faire puisque le texte n’était pas prononcé! Mais personne n’était dupe, et le roi continuait de tourner en bourrique.

Le roi, qui se faisait vieux, dépensa son énergie dans ce combat, les finances de son royaume, et sa santé commença à se dégrader.

Le business Internet

Peut-on censurer ce qui circule sur internet? Oui bien sûr, tout contenu qui y est publié est sous la responsabilité d’une personne, morale ou physique. Après longtemps s’être demandé qui devait être cette personne responsable (l’hébergeur, le fournisseur d’accès), la LCEN a mis un peu d’ordre dans tout ça.

Aujourd’hui, il n’est pas possible de diffamer, calomnier, porter préjudice parce que l’on utilise le web pour clamer son fiel, et les avocats se font un plaisir d’envoyer des courriers de mise en demeure aux contrevenants — et c’est très bien comme ça.

Par contre, les entreprises savent que le droit à l’oubli n’existe pas sur le web, et ont bien compris qu’une critique bien acerbe en première page de google porte préjudice à l’image de marque. Des budgets sont dépensés pour que la marque soit correctement représentée sur le net; voyons par exemple comment nespresso transforme wikipédia en une brochure publicitaire

Que ce passe-t-il quand le business rencontre la loi? Généralement rien de très bon… Et c’est pareil ici: les lettres de mise en demeure servent de menaces, et l’actualité nous en a fourni un exemple très récemment.

Stratégie et tactiques

Heureusement, les internautes ne sont pas dupes, et face aux stratégies des entreprises pour asseoir leur image, disposent via le web d’un incroyable outil pour réponse. Non, internet ne sert pas qu’à regarder des chats qui jouent du piano! Michel de Certeau, dans L’invention du quotidien, fait la différence entre stratégie et tactiques. Là où la stratégie est planifiée, la tactique fait du coup par coup. Elle profite des «occasions» et en dépend. […] Il lui faut utiliser, vigilante, les failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire. Elle y braconne. Elle y crée des surprises. Il lui est possible d’êre là où l’on ne l’attend pas. Elle est ruse.

Les combats qui se jouent aujourd’hui sur internet donnent un sens très actuels à ces mots. Les internautes ne pourront jamais faire face à l’armada d’avocats prêts à dégainer au moindre signe d’ironie sur les forums. Mais ces avocats sont démunis face à un effet streisand, qu’ils ne peuvent pas contrôler. Le jeu de pouvoir entre les internautes et les régulateurs du web n’est pas fini, et les internautes savent mobiliser leurs ressources dès qu’ils sentent que l’on porte atteinte à leur réseau. Cela m’impressionne à chaque fois.

La loi est respectée, par contre le combat est perdu pour celui qui cherchait à faire plier un site, à donner à Internet la forme qu’il souhaitait: la réalité ne se laisse pas contrôler si simplement… L’information restera libre!

La fin de l’histoire

Après la mort du roi, le prince prit la couronne. Lors de la cérémonie, la foule cria:

Le roi est mort, vive le roi!

Et quelqu’un ajouta:

Vive le roi bouffon, le roi très con qu’est très très con!

Refrain qui fut repris sur toute la place par la population. C’est alors que le roi paru au balcon du palais, et il se mit à chanter:

Longue vie au roi bouffon, le roi très con qu’est très très con!

La foule chanta avec le roi, mais rapidement le malaise s’installa, et bientôt plus personne ne chantait. En chantant cette chanson, le roi venait de lui retirer son aspect contestataire: comment peut-on chanter cette chanson contre le roi, si le roi lui-même se met à la chanter? Par cette action, il venait de résoudre la crise qui se tramait dans le royaume. Les gens rentrèrent chez eux et l’on n’entendit plus jamais ce refrain.

Mais à part dans les contes de fées, existe-t-il des rois capable d’aller au balcon pour chanter haut et fort les critiques de la foules?

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Publié par Chimrod : 44