Navigateur web open source, monoculture ou mutualisation de la Recherche et Développement ?

Opera WebkitL’éditeur du navigateur Opera jette l’éponge et renonce à développer son propre moteur de rendu pour l’affichage des pages web. Un renoncement qui se fait au profit du moteur de rendu open source Webkit. Un abandon qui réduit à trois le nombre de moteurs dans le monde des navigateurs web. Faut-il y voir un risque pour l’innovation et la diversité ou un signe de maturité ?

Opéra abandonne son moteur de rendu Presto

L’annonce est tombée la semaine dernière. Opera, le navigateur web abandonne le développement de son moteur de rendu Presto pour passer à WebKit. Le moteur de rendu est la pierre angulaire de tout navigateur web. C’est lui qui se charge d’afficher la page web dans le navigateur en fonction du code HMTL et des fichiers de styles.

Mais voilà développer son propre moteur, cela coûte cher. D’autant plus cher quand les équivalents open source sont arrivés au même niveau que vous. C’est le constat qu’a fait Opera et qui l’a poussé à cette décision pragmatique.

Et pourquoi pas le moteur de Mozilla ?

Tout d’abord à cause de la licence sous laquelle est disponible Webkit : la licence BSD. La grande permissivité de la licence BSD était parfaitement adaptée :

  • Possibilité d’inclure Webkit dans le navigateur à code fermé que reste Opera ;
  • Pas d’obligation de reverser d’éventuelles modifications ;

Bref la liberté totale pour Opera.

Le moteur de rendu Gecko de Mozilla est lui aussi disponible sous une licence permissive : la licence MPL. Cependant cette permissivité est moins importante que celle de la licence BSD. En effet, les modifications éventuellement apportées à Gecko auraient du être rendues publiques.

Mais ce n’est probablement pas uniquement cet aspect qui a motivé les dirigeants d’Opera. C’est aussi une question de communauté. Avec WebKit, Opera rejoint un club d’entreprises et pas des moindres : Google, Apple, Nokia.

Mutualisation de l’offre

C’est une tendance forte du développement récent de l’open source. Par récent j’entends ces dix dernières années. Après le temps des geeks et des communautaires est arrivé celui des marchands. Ces derniers ont trouvé dans l’ouverture du code un formidable moyen de mutualiser leurs travaux de Recherche et Développement. Une approche qui va de pair bien souvent avec des licences fortement permissives.

Je n’hésite pas à militer régulièrement pour une forme de mutualisation et surtout d’arrêt de la tendance, semble-t-il sans fond du logiciel libre à se diviser, faire et refaire sans cesse les mêmes programmes pour les mêmes usages. A cela, on me répond toujours que c’est normal et sain et que c’est de là que naissent les grandes innovations.

Certes, il faut de la diversité, mais une diversité « raisonnée ». Assiste-t-on dans le domaine des navigateurs web sous la poussée des « marchands » à une saine mutualisation ? Le paysage se réduit effectivement à trois moteurs de rendu à ce jour : celui de Microsoft qui équipe Internet Explorer, Webkit et Gecko. Faut-il craindre une monoculture des navigateurs web néfaste à l’innovation ?

Monoculture ?

Si l’on fait abstraction du fait qu’Opera libérera peut-être le code de son moteur Presto, trois moteurs de rendu n’est-ce pas suffisant pour garantir la poursuite de l’innovation ? En l’état actuel et des parts de marché des navigateurs web relativement équilibrées, je pense que oui. Je vous laisse donner votre avis dans le sondage en fin d’article à ce sujet.

Mais il faut prendre en compte un point important. C’est que Gecko est porté par Mozilla dont l’essentiel du financement vient de Google. Résultat : l’argent qui sert aujourd’hui à financer les deux principaux moteurs de rendu open source sort des poches de Google.

C’est peut-être davantage dans cette dépendance financière que repose le risque de voir Google et d’autres tenter d’imposer la « norme ». Tout dépendra de la volonté de Mozilla de ne pas froisser son principal et unique sponsor. Une faiblesse dont il faudra bien un jour que Mozilla parvienne à s’extirper. Car c’est bien là que réside le risque aujourd’hui pour le web.

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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 18/02/2013. | Lien direct vers cet article

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