Logiciels libres et économie locale, le déni de bon sens…
La promotion des logiciels libres passe souvent par une approche technique ou philosophique. L’approche économique présente l’avantage d’aller au-delà de l’apparente gratuité de ces derniers. L’impact de l’usage des logiciels libres notamment sur l’économie locale est un point qu’oublient ou ignorent bien souvent nos élus. Ils se trouvent de fait assis sur un “gisement” en matière de “redressement productif”.
Des appels d’offres fermés
S’il fallait relever tous les appels d’offres de nos collectivités locales oubliant d’ouvrir la porte aux logiciels libres ou open source, il n’y aurait pas un mois sans que l’on en découvre un. En l’occurrence, le dernier repéré est celui de la mairie de Villeurbanne située en périphérie de Lyon.
L’objectif de l’appel d’offre est le suivant :
L’objectif du projet « Connexions ! » consiste à migrer les postes informatiques du parc de la ville de Villeurbanne vers Microsoft Windows 7 et MS Office 2010.
La demande est claire. Passons sur l’obligation légale qui n’est ici pas respectée et qui «interdit de faire mention d’une marque, d’un brevet ou d’un type, à moins que cela paraisse nécessaire pour l’intelligibilité du marché. Dans ce cas précis, une telle citation doit être accompagnée d’une mention « ou équivalent ». Mention absente dans le présent appel d’offre.
Il serait bien sûr envisageable de lancer une action juridique, mais le plaignant se devrait de répondre à l’appel d’offres pour ne pas être condamné pour absence “d’intérêt à agir“. Bref : difficile dans les faits sauf peut-être pour une association de défense des logiciels libres… Mais je ne suis pas juriste.
Il n’y a pas qu’en France que ce genre de comportement des pouvoirs publiques énerve. En Egypte aussi, on aimerait voir l’argent publique mieux utilisé.
Où est le bon sens ?
C’est souvent la question que l’on peut se poser. On peut en trouver une réponse argumentée dans la présentation de Pascal Flamand faite lors du Printemps du Libre 2011. Il part du chiffre d’affaires représenté par le marché de l’édition logicielle qui se monte en France à 10 milliards d’Euros. Un marché détenu à 80% par des éditeurs non européens.
Il se penche ensuite sur le bilan d’un éditeur américain bien connu où l’on peut relever deux points pour le moins contradictoires : un chiffre d’affaires de 493 millions d’euros alors que le montant total de licences (système d’exploitation et application) se monte à 1,7 à 2,5 milliards en France. La filiale française ne fait que toucher des commissions ce qui permet une “évasion fiscale” significative.
Ce n’est probablement pas pour rien que les services fiscaux français s’intéressent de près aux comptes de cette même société dont les locaux français ont fait l’objet récemment d’une perquisition. Mais ce genre de comportement ne choque pas nos dirigeants et élus qui trouvent normal de continuer à favoriser ce genre d’entreprises.
100€ dans le logiciel libre égale 100€ dans l’économie locale
Voilà un postulat intéressant et lié au fait que dans le monde du logiciel libre, c’est du service que l’on vend. J’introduirais tout de même un bémol, car certaines prestations comme le développement peuvent être réalisées hors de France. Une pratique de l’offshore que certains éditeurs de logiciel libre ou open source français ont mis en oeuvre pour réduire leurs coûts.
Quand bien même ce ration ne serait que de 100€ investi, 80€ dans l’économie locale, le potentiel en terme de création d’emplois est énorme. Quelques chiffres toujours tirés de la présentation de Pascal Flamand.
Le marché des licences propriétaires en France est de l’ordre de 10 milliards d’Euros dont 8 proviennent hors d’Europe. Imaginons que le logiciel libre puisse prétendre à 50% de ces 8 milliards, cela représente un marché potentiel de 4 milliards pour le logiciel libre. A 60K€ chargé par an l’ingénieur, cela représente 60000 équivalent temps plein par an en France.
Selon les études du cabinet Pierre Audoin Consultants, le chiffre d’affaires actuel du logiciel libre est de 2,5 milliards d’euros en France, soit environ 30 000 emplois locaux. On voit que la mage de progression est énorme en utilisant simplement l’argent existant.
Bien sûr, les logiciels libres et open source doivent faire leur preuve et convaincre encore plus les entreprises. Mais pour cela, il faudrait que l’état français et ses élus montrent au moins la voie et favorisent leur développement. Comme on le voit, on en est encore loin et il ne faudra probablement pas compter sur eux pour cela.
Encore une raison de chercher d’autres façons de créer des sources de revenus exploitant les moyens existants. Le mécénat et les associations, fonds de dotation, voire fondation, en sont une piste. La France dispose d’une législation très favorable en la matière. Mais cette source de revenus ne représente que 5% du financement du secteur associatif. Là encore un gisement inexploité pour faire Autrement.
En complément
- Le Communiqué de presse du PLOSS Rhône-Alpes concernant l’appel d’offres de la mairie de Villeurbanne à faire circuler et quelques liens sur le sujet.
- AVIS D’APPEL PUBLIC A LA CONCURRENCE de la Ville de Villeurbanne
- Directive du premier ministre sur les logiciels libres
- Analyses et CP associées
- http://www.village-justice.com/articles/logiciel-libre-logiciel-proprietaire,13240.html
- http://www.april.org/analyse-detaillee-circulaire-ayrault-sur-le-bon-usage-des-logiciels-libres-dans-les-administrations
- http://www.cnll.fr/news/le-cnll-se-rejouit-de-la-circulaire-ayrault-sur-les-logiciels-libres
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 02/01/2013. | Lien direct vers cet article
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