L'industrie du copyright a tout compris à Internet (et des veaux qui le peuplent)

Pendant que nous sommes tout occupés à paramétrer notre smartphones ou à répondre par un « poke » à un « poke » de nos amis Facebook, l’industrie du copyright fait pression et participe à mettre en place des lois qui dessinent les contours d’un monde assez terrifiant pour nos libertés.

Et ce n’est pas, comme on l’affirme souvent, qu’elle ne capte rien à Internet. C’est au contraire parce qu’elle a trop bien compris les dangers qui la menacent.

Un billet cinglant de Rick Falkvinge, que nous aimons beaucoup traduire par ici, et qui vient d’ouvrir une section française de son blog grâce au dynamisme de Paul Neitse et de Jean-Marc Manach. D’ailleurs, zut alors, je m’aperçois au moment de la mise en ligne que ce dernier a déjà traduit l’article en question ! Bon, tant pis, ça fera deux versions, c’est aussi cela les licences libres ;)

Thomas Leuthard - CC by

Comment l’industrie du copyright conduit à une dystopie du type Big Brother

How The Copyright Industry Drives A Big Brother Dystopia

Rick Falkvinge - 12 novembre 2012 - Blog personnel
(Traduction : Mnyo, ehsavoie, lgodard, @paul_playe, ordiclic, PostBlue)

Bien trop souvent, j’entends que l’industrie du copyright ne comprend pas Internet, ne comprend pas la génération du net, ne comprend pas à quel point la technologie a changé. Non seulement c’est faux, mais c’est dangereusement faux. Pour vaincre un adversaire, vous devez d’abord comprendre comment il pense plutôt que de le présenter comme le mal. L’industrie du copyright comprend exactement ce qu’est Internet, et qu’il doit être détruit pour que cette industrie garde un soupçon de pertinence.

Regardez les lois qui sont proposées en ce moment : écoutes téléphoniques généralisées. fichage des citoyens, exile par excommunication… Toutes ces lois poursuivent un dessein commun : elles ont pour but de recentraliser les autorisations pour publier idées, connaissances et culture, et punir avec une sévérité totalement disproportionnée quiconque se mettrait en travers du chemin des gardiens.

Être en position de gardien, ou avoir eu ce poste de gardien, apprend à quiconque ce qu’est le pouvoir, dans le pire sens du terme. Si vous pouvez décider quels seront la culture, le savoir et les idées dont pourront profiter les gens - si vous avez la position pour dire si oui ou non une idée sera publiée - alors cela va bien au-delà du pouvoir de la simple publication. Cela vous met en position de choisir. Cela vous met dans une position où vous décidez quel sera le cadre de référence pour tout le monde. Cela vous donne littéralement le pouvoir de décider ce que les gens diront, ressentiront et penseront.

La possibilité de partager idées, culture, et connaissance sans permission ou traçage est inscrite dans les fondements du net, comme c’était le cas pour le service postal lors de sa création. Quand nous envoyons une lettre par courrier, nous et nous seuls choisissons si nous nous identifions comme expéditeur sur l’enveloppe, dans le courrier pour le seul destinataire, ou pas du tout. De plus, personne n’ouvrira nos enveloppes scelées durant le voyage juste pour vérifier ce que nous envoyons.

L’internet reproduit cela. Il est parfaitement raisonnable que nos enfants y aient les même droits que ce qu’ont pu avoir leurs parents. Mais si nos enfants ont ces même droits, dans un milieu où ils communiquent, cela rend une partie de certaines industries obsolètes. C’est donc ce que l’industrie des ayant-droit essaie de détruire.

Ils font pression pour des lois qui introduisent l’identification et le traçage de nos logs de connexion. L’industrie du copyright a été l’un des plus forts soutien de la directive de rétention des données en Europe, qui impose l’enregistrement de nos communications, pas les contenus mais le journal et l’historique de nos sessions (qui avons-nous contacté ? quand ? pour quelle durée ? et ce pendant un temps significatif. Ce sont des données qu’il était absolument interdit de conserver auparavant pour des questions de vie privée. L’industrie du copyright s’est arrangée pour tourner cette interdiction en obligation.

Ils font pression pour introduire des lois impliquant la responsabilité (pénale) à tous les niveaux. Une famille de quatre personnes peut être traduite en justice par un cartel d’industries, dans un salle d’audience où la présomption d’innocence n’existe pas (en procédure au civil). Et ils militent pour que les transporteurs de courriers scellés soient responsables des messages qu’ils transportent. Cela va à l’encontre de siècles de pratique des services postaux en acceptant leurs desiderata extrajudiciaires, en dehors des salles d’audience où les gens ont encore des droits minimums à se défendre.

Ils font pression pour des lois qui introduisent les écoutes téléphoniques pour des populations entières et agissent en justice pour le droit de le faire avant que cela ne devienne la loi. Ils l’ont fait de toute façon sans le dire à personne.

Ils font pression pour des lois permettant d’envoyer des gens en exil (en leur supprimant l’accès au net), les empêchant d’exercer leur fonction dans la société, s’ils écrivent ce qu’il ne faut pas dans des lettres scellées.

Ils font pression pour des lois de censure active comme nous n’en avions plus connues depuis un siècle, utilisant la pédopornographie comme cheval de Troie (qui n’a aucun effet, bien au contraire, sur cette dernière).

Ils font pression pour des lois introduisant une traçabilité, même pour des délits mineurs, incluant spécifiquement le partage de la culture (qui ne devrait pas évidemment pas être un délit). Dans certains cas, lorsqu’il s’agit de violer la vie privée, ces lois donnent à l’industrie du copyright des droits plus forts qu’elle n’en donne aux forces de police.

Réunissons ces lois iniques et il va être enfin possible, enfin, de se de se débarrasser de notre liberté d’expression et de nos droits fondamentaux, tout ça pour soutenir une industrie non-nécessaire. Cela crée un Big Brother cauchemardesque, au delà de ce qu’auraient jamais pu imaginer les gens il y a à peine une décennie. Ma sempiternelle question est la suivante : pourquoi les gens préfèrent-ils s’accommoder de cela au lieu de fracasser la chaise la plus proche sur la tronche de ces bâtards ?

Par exemple, nous avons entendu dire que les FAI (Fournisseur d’Accès à Internet) des États-Unis d’Amérique vont commencer à se soumettre aux diktats de l’industrie du copyright dans le traitement de ses propres clients, jusqu’à les déposséder de leur citoyenneté et de leur droit à l’anonymat. Un jeu que l’on pourrait appeler : j’envoie mamie dans le box des accusés. Un cas d’école de mauvaises relations avec la clientèle dans les futurs manuels de marketing : faire en sorte que vos clients puissent être traduits en justice (et perdre) par des organisations industrielles dans un jeu truqué où ils ne sont mêmes pas présumés innocents. Sérieusement, à quoi pensent donc les FAI ?

Aujourd’hui, nous exerçons nos droits fondamentaux - le droit à la vie privée, le droit à l’expression, le droit à la correspondance, le droit de s’associer, le droit de se réunir, le droit à une presse indépendante, et bien d’autres droits - par le biais de l’Internet. Par conséquent, un accès anonyme et non censuré à Internet est devenu un droit aussi fondamental que les droits que nous exerçons à travers lui.

Si cela veut dire qu’une industrie stupide qui fait de fines galettes de plastique ne peut plus faire d’argent, peu me chaut qu’ils fassent faillite ou vendent de la mayonnaise à la place.

C’est leur problème.

Crédit photo : Thomas Leuthard (Creative Commons By)

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