Le logiciel libre et la vente ne font pas bon ménage
La logique du don, essence constitutive de la philosophie du logiciel libre tel que partagé par une grande partie de la communauté libre mondiale, semble de plus en plus remise en cause par des acteurs majeurs. Sous couvert de "démocratisation" des produits et de rentabilisation des entreprises, certains vont jusqu'à envisager compromettre l'idée qui les a présidé et fondé. Je veux évidemment parler de canonical...
Canonical est une entreprise fondée et financée par Mark Shuttleworth qui sponsorise le développement d'Ubuntu, actuellement la plus célèbre des distributions linux.
Après 5 ans d'activité, canonical a accompagné la communauté libre d'ubuntu vers la construction d'un système d'exploitation extrêmement complet, stable et accessible à en faire pâlir de jalousie microsoft. Cette réussite est due d'une part au partenariat entreprise - communauté qui a plutôt bien fonctionné jusqu'à présent mais aussi à la largesse d'esprit de l'organisation qui a été capable de faire certains compromis pour rendre la distribution accessible au grand public (je pense par exemple à l'inclusion de certains pilotes propriétaire) sans oublier l'énergie déployé par la communauté pour proposer un support compréhensible aux novices. Canonical investissant dans le développement et vendant des services de supports aux entreprises, et la communauté participant bénévolement à son développement, au support pour les particuliers et à sa diffusion. Ce partenariat marche tellement bien qu'aujourd'hui certains non-initiés vont jusqu'à parler d'ubuntu pour parler de linux.
Mais voilà, après 5 ans d'existence canonical n'est toujours pas rentable. Mark Shuttleworth entrepreneur richissime et philanthrope semble commencer à atteindre les limites des limites. Le rapprochement de canonical et amazon ainsi que la probable apparition d'un music store dans la prochaine version d'ubuntu semble marquer une rupture dans la stratégie de l'entreprise. Qu'en pense la communauté ?
Tout le défis est là, en acceptant un système de "vente" canonical touche à un point nerveux extrêmement important pour la communauté du libre. Demander nécessairement une rétribution pour pouvoir écouter de la musique est-il compatible avec la culture libre ? A mon avis, non. La musique libre existe belle est bien, canonical n'aurait pas à priori l'idée de proposer un service complémentaire utile dans le respect dans les valeurs mais bien de mettre en branle une machine à fric afin de devenir rentable. Les plus dogmatiques critiqueront cette ambition de canonical, pour ma part je la trouve légitime et même indispensable pour la pérennité du sponsor.
Mais voilà, un music store tel que ITune ne risque-t-il pas d'ébranler le partenariat entre canonical et sa communauté ? N'ayant pas tous les détails de l'offre et tout ceci n'étant pas encore officiellement actée par canonical, je me garderais de pousser la critique.
La logique du logiciel libre aurait commandé que canonical trouve des partenaires d'une autre nature tel que jamendo ou dogmazic où la musique distribuée est libre (sous licence creative commons le plus souvent) et que l'utilisateur soit encouragé à adopter la philosophie du libre. L'utilisateur pourrait très bien donner un coup de pouce pour diffuser la musique de l'artiste, faire un don ou modifier l'œuvre pour faire un remix. Ce sont des formes de contributions au même titre que la production musicale de l'auteur.
Il faut donc rester vigilant face à ce changement stratégique et mieux détecter les bonnes pratiques qui permettraient à canonical de respecter l'esprit du libre et pérenniser le sponsor.