La bureautique en 2011
La récente sortie de LibreOffice en version stable (3.3) est comme un énorme pavé dans la mare des suites bureautiques, donnant même un petit coup de frayeur à Oracle qui a accéléré la sortie de la version 3.3 de sa suite. Je me suis donc dit que c’était l’opportunité d’un petit débat informatif sur les suites bureautiques, ou qu’en tout cas ce serait toujours plus intéressant qu’un énième article sur la sortie de LibreOffice. J’étais parti au départ pour faire un point uniquement sur le traitement de texte, mais le fait est que la quasi totalité des solutions sont fournies dans des suites bureautiques incluant également les tableurs et les éditeurs de présentation.
Je ne prétends pas être un professionnel de la bureautique, mais j’ai suivi une formation Microsoft Office avancée et j’ai pas mal d’expérience sur différents logiciels, surtout les traitement de textes. Je vais essayer d’être le plus objectif possible dans cet article, sans but autre que de débattre autour des solutions bureautiques en 2011.
L’hégémonie de Microsoft Office prendrait-elle fin ?
Hégémonie, c’est bien le mot, car les noms des différents éléments de la suite désignent pour tout un chacun la fonctionnalité voulue : au même titre que Frigidaire, la marque de réfrigirateurs, en est venu à désigner le produit, le mot Powerpoint désigne une présentation, tandis qu’un « fichier Excel » est un fichier de tableur et un document Word concerne tout élément écrit avec un traitement de texte, peu importe si le fichier a été créé avec la suite Office ou non. Ça montre bien l’expérience que les gens ont d’Office, qui avait l’avantage d’être la première suite WYSIWYG sérieuse sur le marché, aussi loin que je me souvienne.
Mais le vent à tourné : ce sont d’abord les institutions publiques comme les écoles et les mairies qui, une fois informées de l’existence d’alternatives, se sont demandées si les fonctionnalités de Word, Excel ou PowerPoint nécessitaient vraiment leur coût parfois prohibitif. Chez les étudiants dont je fais partie, ce n’est pas les promos à 70€ de Microsoft qui nous dissuadent de pirater ou abandonner la suite. Reste chez les entreprises, où changer les habitudes est beaucoup moins facile et où payer des licences supplémentaires est parfois mieux que de payer une formation à tout le personnel. C’est aussi le seul milieu où les fonctionnalités avancées d’Excel sont nécessaires, fonctionnalités que n’ont pas toujours les équivalents.
On a donc 4 concurrents sérieux sur le marché : Office (109€), OpenOffice (libre), LibreOffice (libre) et IBM Lotus Symfony (registerware gratuit). J’aborderais le cas des suites en ligne plus tard. J'aurais pu compter également la suite iWork d'Apple, mais comme elle ne fonctionne que sous Mac, ça restreint les clients.
Office a quand même une grande longueur d’avance d’un point de vue fonctionnalité et user-friendlyness (ça se dit ça ?), mais son prix vaut-il ces avantages ? La réponse est non. Du moins pour la plupart des gens, qui ne connaissent ou n’utilisent pas les fonctionnalités avancées. L’interface en mode ruban, c’est une question de goût, moi je trouve ça plutôt utile même si la plupart du temps je replie ledit ruban pour éditer du texte.
IBM Lotus Symfony est la suite que j’utilise actuellement sur mon Linux et mon Windows. Elle a plus ou moins les mêmes fonctionnalités que LibreOffice, mais me convient plus pour des raisons d’interface et de préférences personnelles. C’est un peu un mix entre Office 2003 et LibreOffice, à essayer si vous n’êtes satisfait de rien pour l’instant. J’aime particulièrement son interface en onglets et ses menu de propriétés sur le bord.
LibreOffice n’est rien de plus qu’un fork d’OpenOffice qui a même conservé les icônes des différents composants de la suite bureautique. Remarquez, la Document Foundation avait raison : le code était libre. Mais j’espère pour l’avenir que les deux suites vont prendre des chemins très différents, comme semblent l’annoncer ces mockups de LibreOffice. J’attends énormément de ce projet en tout cas, et je suis content de le voir s’imposer dans la communauté libre.
.doc ? .docx ? décidez-vous !
Un truc qui m’a toujours énervé avec la suite Office – et où d’ailleurs le libre a trouvé la solution avec les formats ouverts – est la pluralité des formats depuis la sortie de Office 2007 : on a donc deux formats qui se bagarrent que ce soit pour Word, Excel ou PowerPoint, même si la logique veut qu’on évolue vers le plus récent, qui rajoute des fonctionnalités et est plus léger. Malheureusement il y a toujours des réfractaires au changement, et de surcroît les suites gratuites supportent mal le .docx et confrères. Je pense que Microsoft aurait dû imposer le .docx au moyen d’extensions.
Les suites « cloud »
Les suites en ligne, dont la plus connue reste Google Documents, s’imposent aussi dans l’utilisation quotidienne. La facilité de partager les documents, l’interopérabilité et la simplicité d’utilisation en font des adversaires redoutables malgré leur manque de fonctionnalités. Le fait est que beaucoup d’utilisateurs n’ont pas entièrement confiance dans la perspective de tout stocker en ligne, parfois avec raison. Microsoft a bien entendu proposé une version « online » de sa suite, mais les utilisateurs attendaient les mêmes fonctionnalités que la suite bureautique, et le problème de l’ouverture de certains fichiers (utilisant d’ailleurs les fonctionnalités restreintes) se pose. La suite Zoho était l’une des premières et semble la plus complète aujourd’hui, même si son interface n’est pas toujours pratique. Il en reste beaucoup d’autres que je n’ai pas eu le temps de tester.
Le paramètre important pour vraiment généraliser le traitement de texte online est l’interopérabilité : garantir au moyen d’extensions (comme il existe pour Word et Writer) l’upload de fichiers vers un service en ligne, ou au moins le copier-coller avec conservation de la mise en forme.
Par exemple, mon problème avec OpenOffice et LibreOffice arrive quand je copie du texte d’un fichier odt vers un document Google : des balises de code sont insérées et les paragraphes passent un sale quart d’heure. La solution est de passer vers un éditeur de code comme Gedit, mais là on a une perte de la mise en forme. Que font les développeurs ?
Chez les professionnels et au quotidien
Dans l’édition (papier) professionnelle, on sort de la bureautique. C’est pourquoi le traitement de texte est un outil à bannir : les documents sont souvent créés avec des outils beaucoup plus puissants comme InDesign ou QuarkXpress (un bon équivalent libre : Scribus). Quand on sait utiliser un tel logiciel, le résultat n’a rien à voir avec un document fait sous un logiciel de traitement de texte. Idem dans le monde scientifique et la recherche, où dès qu’on a besoin d’un document avec une mise en page professionnelle stricte on utilise des solutions comme LaTex. Bref retenez que pour un document assez sérieux, Word n’est pas la solution chez les pros.
Évidemment le traitement de texte est très utilisé au quotidien pour des rapports, documents non officiels ou même pour des notes perso, mais là on n’a pas vraiment besoin de toutes les fonctionnalités de Word : une mise en page simple, quelques titres et c’est fini. De toute façon, je persiste à penser que dès qu’on veut un document très travaillé, un logiciel de traitement de texte standard n’est pas une bonne solution, sauf si vous devez pondre un document très rapidement.
Pour le tableur, il y a deux écoles : ceux qui s’en servent juste pour faire des tableaux améliorés, avec des fonctions de calculs automatiques et tutti quanti. Ceux là ne feront pas la différence entre les différents tableurs, c’est juste une question de goût. Il y a ensuite ceux qui ont besoin des fonctionnalités avancées d’Excel (conditions, macros VBA avancées…) pour des tableurs très compliqués, là ils n’ont pas d’autres solutions d’opter pour Excel.
Pour les bases de données, je n’en parle même pas. D’ailleurs je n’ai mentionné ni Access ni ses équivalents libres, car évidemment pour gérer une BDD professionnelle des SGBD beaucoup plus adaptés existent.
C’est pour les présentations que le bas blesse : les logiciels comme Impress ne font que des slides rudimentaires, mais on a parfois besoin d’un truc plus classe ou de fonctionnalités indisponibles. Pour ma part je n’ai conservé Office que pour PowerPoint : c’est le seul qui m’offre des fonctionnalités suffisantes pour créer des présentations. Le travers est de partir dans le bling-bling alors qu’il faut au contraire rester sobre. Prenez exemple sur Steve Jobs : sobre mais classe.
Conclusion
Conclusion
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise suite, le tout est de savoir laquelle est la mieux adaptée à vos besoins. Et surtout de savoir si c’est la peine d’investir dans une suite payante.
Un conseil cependant : valorisez au maximum l’interopérabilité, surtout au sein d’une équipe, d’une famille ou d’une entreprise : imposez un format (.docx ou .odt pour les documents par exemple) et ayez les outils pour lire et convertir tout ce qu’on vous enverra. Ayez aussi à l’esprit qu’un document ouvert sous Word ou OpenOffice n’aura pas le même rendu, donc pour ça préférez le PDF !
Je suis par contre curieux des outils de bureautique sous Mac OS X (notamment Keynote). Si vous avez des infos dessus, éclairez moi !
Images tirées de The Office, une série américaine avec, vous l’aurez reconnu, Steve Carell. L’autre c’est la presse de Gutenberg.