Quand le logiciel propriétaire finance (un peu) le logiciel libre
Merethis éditeur du logiciel libre Centreon publie également des modules complémentaires sous licence propriétaire. C’est la solution qui a été trouvée par cette société pour améliorer ses revenus et se distinguer de ses concurrents. Faire du logiciel propriétaire pour financer du logiciel libre nous montre une des faiblesses de ce dernier dans le contexte de notre société et des modèles économiques usuellement mis en oeuvre.
Parmi les thèmes qui m’ont été donnés d’aborder lors des interviews du dernier salon Solution Linux, il y avait celui de l’open core. Une pratique consistant à diffuser les fonctionnalités du cœur d’un logiciel sous une licence libre ou open source. Ce cœur est alors encapsulé dans un logiciel propriétaire bien plus complet.
Une approche qui permet de mixer des revenus classiques d’éditeurs de logiciel propriétaire et de mutualiser éventuellement avec d’autres partenaires du code qui reste ouvert. Un modèle particulièrement apprécié dans le secteur des services en lignes. Facebook ou Twitter ont leur page de projets open source auxquels ils contribuent activement.
Pour défendre cette approche, Cédric Temple est venu répondre à mes questions et expliquer les raisons qui selon lui justifiaient le recours à cette pratique. Il est chef de projet à la société Merethis qui édite le logiciel libre de supervision Centreon. La vidéo est accessible sur Youtube (sans Flash si votre navigateur supporte HTML5).
Les prestataires “indignes”
Tout d’abord, il nous explique les raisons qui ont concouru à la création de modules propriétaires pour le logiciel Centreon. Merethis apporte aujourd’hui 80% des contributions au code de Centreon. Pour financer ce développement, la société a mis en place tout un panel d’offres de service.
S’agissant d’un logiciel libre sous licence GPL2, rien n’empêche qui que ce soit de proposer les mêmes services. Merethis doit donc faire face à des concurrents qui vont proposer des prestations identiques, mais à un tarif bien moindre. Dans l’absolu, il n’y aurait pas de problème, c’est la règle du marché.
Cependant dans le cas du logiciel libre, si ce prestataire n’apporte aucune contribution au logiciel en retour, le modèle vertueux du logiciel libre est cassé. Merethis et sa communauté financent le développement alors que d’autres en exploitent les fruits sans retour, voir en dégradant l’image du logiciel auprès des utilisateurs quand ce n’est pas l’image des logiciels libres tout court.
Ce manque à gagner pour le contributeur principal qu’est Merethis l’a donc poussé (à contre cœur précise Cédric Temple) à développer des modules complémentaires pour Centreon mis à disposition sous une licence propriétaire. Une façon d’améliorer les revenus de la société et de la distinguer de ses concurrents. On pourra cependant opposer à cela le fait que 20% du logiciel est développé “gracieusement” par les autres membres de la communauté.
Mais il est vrai que si ces prestataires “indignes” contribuaient ne serait-ce que financièrement au développement, la nécessité de recourir à du logiciel propriétaire pour financer du logiciel libre pourrait être inutile. Or il n’existe aucune possibilité légale de les y obliger, hormis créer une licence spécifique.
Faire du propriétaire pour faire du libre
Pour résumer et reprendre le titre de cet article, du logiciel propriétaire aide au financement d’un logiciel libre. Dans le cas présent, je pense que nous sommes loin du “vrai” open core. Considérer Centreon et toutes ses fonctionnalités comme un “cœur” de logiciel est pour le moins réducteur. La vraie approche open core consiste en un coeur dont on ne peut pour ainsi dire rien faire sans développement complémentaire. Du moins, c’est la définition que je m’en fais.
On voit ici toute la difficulté pour le logiciel libre à se financer et à se développer dans un environnement économique dont les principes ne lui sont pas favorables. Rien d’étonnant donc à ce que l’open source ait vu le jour et fonctionne parfois mieux que le logiciel libre. Ce qui ne veut pas dire que je m’en réjouisse.
D’autres modèles sont à explorer dans l’attente de l’avènement d’une société plus propice à leur développement naturel, mais tout en gardant à l’esprit certaines valeurs d’équité. Faire en sorte que ceux qui peuvent payer le fassent que ce soit en monnaie sonnante ou en contribution sous forme de code. Mais est-ce bien le rôle des entreprises de gérer cette problématique ?
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 07/06/2011. | Lien direct vers cet article
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