Pour une migration plus tendre vers GNU/Linux?
Je lisais récemment sur le blog de Philippe Scoffoni qu’UFC que Choisir a décidé d’intensifier son combat contre la vente liée. Derrière des airs rébarbatifs la situation peut se révéler favorable à l’adoption de GNU/Linux mais surement pas pour les raisons avancées par beaucoup.
Revenons donc plus en détails sur les démarches engagées par UFC que Choisir. Depuis 2008, l’association de consommateurs milite conte la vente liée. Le 5 Mai 2011, HP s’est vu condamné par la Cour d’appel de Versailles pour ce même motif. Fort de cette décision, UFC désire aller plus loin que ce que la loi impose actuellement aux marques (à savoir mentionner le prix des logiciels préinstallés et mettre en place une procédure remboursement de ces logiciels). L’association désire en effet l’approbation de deux propositions concrètes (je cite) :
- L’information : rendre obligatoire l’affichage séparé du prix des ordinateurs de ceux des logiciels pré-intégrés.
- L’optionalité : L’acquisition d’un logiciel doit être optionnelle. En l’occurrence, si un logiciel payant est préinstallé, son activation doit faire l’objet d’une transaction distincte. Cela permet également d’envisager l’installation de plusieurs systèmes d’exploitation : le consommateur paierait alors celui ou ceux qu’il envisage d’utiliser. Rappelons qu’un système similaire a été mis en place pour les navigateurs Internet à la demande de la Commission Européenne. Un tel système garantirait le libre choix des consommateurs tout en encourageant aussi la concurrence sur le marché des logiciels.
Pour plus d’information sur le sujet, je vous invite à consulter le billet d’UFC que choisir. Si le choix optionnel et distinct des logiciels est une chose aisée, il en est tout autrement pour les systèmes d’exploitations.
Le choix de l’OS, une solution techniquement envisageable?
La possibilité de choisir son OS via un système de ballot-screen, comme pour les navigateur, me faisait déjà rêver il y a plus d’un an avec Sckyzo. Mais peut-on techniquement l’envisager sans que ce soit un poid pour les professionnels de l’informatique? Oui! Les options sont même nombreuses. Par exemple, Phillipe, lui, a tendance à croire dans les possibilités de virtualisation. Mais si profiter d’un mini-système Xen qui exécute l’OS de son choix virtualisé est techniquement réalisable, je ne crois pas, pour ma part, à cette solution en raison de ses limitations. Bien qu’ un ordinateur de plus ou moins 500€ loge maintenant un processeur multi-core capable d’encaisser un système virtualisé, celui-ci, malgré les évolution réelles de la virtualisation, se trouverai castré. Envisageriez vous de faire fonctionner un jeu de type Sims3 dans un système virtualisé? Oubliez, vous seriez bien déçu…
Si 80% des usages informatiques actuels sont axés autour du web, il reste dommage de proposer une machine qui ne peut exploiter son plein potentiel.
Viens ensuite l’option de dual-boot qui proposerait au démarrage de choisir l’OS désiré. Le système est plus qu’éprouvé et l’immense majorité des utilisateurs de GNU/Linux garde sous le coude une partition Windows pour ce faire. Reste l’impossibilité d’une réelle optionalité telle que la désire UFC que Choisir : les systèmes sont figés, préinstallés.
Une des dernières solutions, que je trouve moi la plus viable, est celle très majoritairement utilisée actuellement : une partition de restauration, appuyé par des DVD de restauration. Un logiciel proposerait le déploiement de telle ou telle image système et donc un OS Microsoft et/ou GNU/Linux (ou autre). Ce système est déjà rodé et, les disques durs étant de plus en plus volumineux, agrandir la partition de réinstallation de 4/5Go pour y intégrer une distribution reste faisable. On peut même imaginer une installation qui va chercher ses sources sur Internet, à l’image de ce que propose Debian.
Pourtant, il est des obstacles d’un tout autre ordre à l’application de la proposition de UFC.
Le choix de l’OS, une solution bien compliquée à faire accepter.
Imaginez : vous, Mr Toutlemonde et votre épouse Mme Michu, décidez de faire l’acquisition d’un nouvel ordinateur. Vous avez vu sur un des nombreux prospectus qui polluent votre boite aux lettres une offre qui vous semble intéressante. Vous vous rendez donc dans votre grande surface où le vendeur affecté au rayon informatique (qui dans 1 semaine vendra sans doutes des aspirateurs, mais là je troll) vous demande quel système d’exploitation vous désirez utiliser avec votre ordinateur.
La situation laisse alors place à au moins 3 solutions :
- Vous savez ce qu’est une système d’exploitation, vous savez ce que vous désirez et optez en magasin pour la solution technique qui vous convient. Votre facture se retrouvera peut-être au final un peu plus lourde que prévue puisque le prospectus n’indiquait qu’un caractère illisible la notion de système en option dans le prix.
- Vous n’avez jamais connu que Windows et vous demandez donc quelle est la raison de ce choix bizarre qui vous est proposé. Le vendeur (qui peut-être saura très bien vendre un Dyson dernière génération) tente de vous expliquer tant bien que mal qu’il existe des alternatives à Windows, gratuites (oui, open-source et libre sont, actuellement, des notions encore peu connues du grand public). Au mieux, le choix de l’OS se révélera satisfaisant, au pire il sera catastrophique : tout le monde ne retrouve pas ses petits avec tous les OS du marchés.
- Vous désirez reporter votre décision (persuadé que dans une semaine le même vendeur essaiera de vous vendre des sacs avec un aspi-tornade Dyson, le vil gredin). Une fois chez vous, vous vous retrouvez avec une machine qui vous pose la même question que le vendeur et dans le meilleur des cas un système de validation de sa commande en ligne a été prévu (ce que je pense), ce qui vous obligera à quelques transaction financière supplémentaires.
Vous le comprenez : je désire mettre ici en évidence la complexification de la situation qui risquerait d’énerver plus d’un utilisateur ; lequel, en plus, se sentirait peu concerné par la vente liée et pour qui la solution impliquerait un enfermement plus grand que le mal qu’il est sensé guérir.
Arrive ensuite la notion de choix à proposer. S’il est bon de mettre un frein à la vente forcée, quel système sera alors proposé en sus de Windows? Il existe à l’heure actuelle un nombre particulièrement grand de distributions GNU/Linux et même si l’on ne conserve que les grandes distributions (Red Hat, Debian, Mageia, Ubuntu, Fedora, etc.) les possibilités restent très nombreuses. Il est impossible de réellement attendre d’un constructeur un support pour tous les OS et certains se retrouveront donc finalement lésé par le ballot-OS.
Malgré tout, si les objectif de UFC que choisir étaient atteint, il en adviendrait de bons points pour la popularisation de GNU/Linux et des logiciels libres/open-sources.
Pour une migration plus tendre vers GNU/Linux?
Je ne suis pas de ceux qui pensent que, d’entrée de jeu, la proposition d’un système GNU/Linux à l’installation augmenterait radicalement ses parts de marchés. En effet, les gens désirant un Windows – qui auront acheté un PC parce que vendus avec Windows et a qui le vendeur dira Windows c’est bien – choisiront Windows dans le ballot-screen. Au final, seulement quelques curieux tenteraient l’aventure ; je le crains, non sans nuits blanches et besoin d’assistance…
Toutefois, si les marques se voyaient dans l’obligation de proposer leurs machines compatibles avec des OS GNU/Linux, on peut-être sûr que celles-ci collaboreront d’avantages avec les développeurs de drivers Linux. On reproche souvent le manque de compatibilité des matériels avec Linux. Le savoir faire, et les deniers, des grandes marques sauraient faire largement avancer la situation. Il ne serait plus nécessaire, par exemple, d’attendre plusieurs mois avant de bénéficier du support d’une nouvelle technologie (comme l’optimus, par exemple).
Qui plus est, l’image de marque de GNU/Linux s’en trouverait grandie. Bien qu’il faille reconnaitre que Ubuntu a grandement fait évolué les mœurs, pour beaucoup GNU/Linux est un OS de geeks. Il en sera surement tout à fait autrement lorsque les PC destinés au grand public en seront équipés. Xandros, pour l’EeePC 701, alien qui a vu naitre l’engouement pour les netbooks, a déjà amorcé le phénomène. GNU/Linux peut-être utilisé facilement et sans encombres par presque tout le monde. Il ne reste plus qu’à le faire comprendre à tous. Vendre des PC fiables, labellisé GNU/Linux, ne fera donc que du bien à l’image de l’OS.
En ce sens, malgré l’aspect brut des propositions d’UFC, je pense sincèrement qu’elles pourraient nettement favoriser le support et l’image de Linux, pour à terme permettre une migration plus tendre vers GNU/Linux. Malheureusement, cela devra passer passer par une étape difficile durant laquelle les habitudes utilisateurs vont être bousculées.