L’abandon de ShipIt par Canonical marque-t-il un changement de stratégie pour diffuser Ubuntu ?

La nouvelle n’est pas passée inaperçue. Canonical met fin à la diffusion de sa distribution GNU/Linux Ubuntu par son service ShipIt. Il était possible de commander et de recevoir sans aucuns frais un CD d’installation d’Ubuntu.

Il est toujours difficile de refaire l’histoire, mais quelles sont les raisons qui avaient motivé le lancement de ce service en 2005 ? J’en vois deux :

  • Simplifier l’installation : n’oublions pas que la majorité des utilisateurs d’ordinateurs grand public ont été habitués à recevoir leur machine avec leur système d’exploitation favori Windows préinstallé. Alors, télécharger une image disque, la graver ensuite sur un CD et procéder à l’installation relève déjà du parcours du combattant. L’idée qui consistait à permettre à qui le souhaitait d’obtenir directement le CD partait d’un bon sentiment et évitait déjà quelques embûches. Mais il restait encore à l’installer…
  • Supprimer la barrière du téléchargement : ShipIt permettait aux personnes ne disposant pas d’une connexion haut débit de s’éviter le téléchargement de plus de 600 Mo à 5Ko par seconde. Je vous laisse faire le calcul. Nous sommes dans nos métropoles européennes habitués à disposer d’un accès ADSL performant et dont le volume de données téléchargées n’est à ce jour pas limité. Il suffit parfois de s’en éloigner de quelques dizaines de kilomètres pour que cela ne soit plus vrai et c’est sans parler du reste du monde ou il n’y a tout simplement pas d’accès internet du tout.

Nous sommes en 2011, qu’en est-il de ces deux facteurs ?

Côté installation, même s’il est vrai qu’Ubuntu s’installe de façon relativement simple et que le fait de devoir graver une image disque est peut-être plus abordable, il n’y a guère eu de changement en plus de 6 ans. Doit-on en conclure que Canonical renonce à tenter de diffuser largement sa distribution ? Je ne tirerais pas cette conclusion.

Côté bande passante les progrès sont notables, mais malheureusement toujours pour les mêmes et les déserts numériques continuent d’exister. Pour ceux-là, il semblerait que Canonical ait plus ou moins choisi de les abandonner à leur triste sort, même si les LoCo (Ubuntu Local Community) peuvent continuer à obtenir des CD. A charge pour elles d’en assurer la diffusion.

D’une certaine manière rien n’a changé alors pourquoi abandonner ce service ? Pour son coût ? Canonical est une société qui doit toujours dépendre du tas d’or acquis par le passé par son dirigeant Mark Shuttleworth pour exister. Canonical devra bien un jour atteindre au moins l’équilibre.

Pourtant je ne crois pas que ce soit la motivation première. Le mode de diffusion des distributions GNU/Linux a toujours été problématique. Non installées par défaut sur les machines du commerce, elles doivent compter sur d’autres moyens. Les tentatives par le passé de proposer des machines équipées par celles-ci ont échouées. On se souvient de l’échec des premiers Netbook sous GNU/Linux. ShipIt a eu son utilité à une époque pour le plus grand nombre, mais désormais elle n’apporte plus grand-chose.

Une petite phrase à la fin de l’annonce a retenu mon attention :

“Soon we will launch a free online trial for Ubuntu using the goodness of the cloud”

Ce qui donne approximativement :

“Bientôt nous lancerons une offre d’essai gratuite en ligne d’Ubuntu utilisant la magie de l’informatique dans les nuages.”

Va-t-on voir venir des offres d’essais en ligne ? En 2009, Canonical avait en effet mis en place avec IBM une offre de machines virtuelles préinstallées de type poste bureautique avec Ubuntu. Canonical travaille aussi avec Amazon, le plus gros fournisseur d’infrastructure virtualisée de la planète. On pourrait donc voir une offre de service en ligne apparaître proposant un ordinateur disponible sur Internet automatiquement mis à jour et sauvegardé.

Une approche qui aurait de quoi faire frémir en poussant encore plus les utilisateurs d’informatique et leurs données dans des nuages qu’ils ne contrôlent pas. Mais c’est la direction dans laquelle souffle le vent actuellement. Son autre gros avantage est qu’elle règle également la problématique de l’installation. Même si le concept du PC dans les nuages ne répond pas à tous les usages, il permet de toucher déjà énormément de monde. Mais cela sera-t-il suffisant ?

Un changement de stratégie à l’horizon ? Direction les nuages ? Qu’en pensez-vous ?


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 07/04/2011. | Lien direct vers cet article

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