Interview Cyrille Largillier sur le FramaDVD École
Suite à la sortie du FramaDVD École, nous avons pris contact avec Cyrille Largillier, enseignant et membre de Framasoft pour lui présenter notre projet et notre article sur le FramaDVD École. Il nous a proposé de répondre à une interview qui vient de paraître sur le site Framablog et nous en avons profité pour lui proposer de répondre également à quelques questions afin de mieux connaître Framasoft et l’initiative du FramaDVD École.
Bonjour Cyrille, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis professeur des écoles et directeur d’une petite école de 5 classes en Seine et Marne. Je participe également à divers projets libres principalement avec Framasoft.
Peux-tu nous présenter ce qu’est Framasoft et quels sont ses projets?
Framasoft est un réseau de projets autour de la culture libre en général et du logiciel libre en particulier. Les projets sont nombreux, certains très connus, d’autres plus confidentiels.
- Framakey : une compilation organisée d’applications portables libres et francisées.
- Framablog : lieu d’information, de réflexion et de débat, le Framablog traite de l’actualité du logiciel libre et du réseau Framasoft.
- Framabook : une collection de livres libres conçus à plusieurs mains et placés sous licence libre.
- FramaDVD : des DVD comportant à la fois une compilation de logiciels libres mais également des ressources libres.
- Framapack : un utilitaire conçu pour vous aider à installer sans effort un peu de liberté dans votre ordinateur.
- Framatube : une centaine de vidéos faisant partie intégrante de la culture du logiciel libre.
Et il y a encore beaucoup de projets qui dorment dans nos cartons faute de temps.
J’ai découvert les logiciels libres par leur aspect gratuit (même si un logiciel libre n’est pas forcément gratuit). Cela devait être en 2005, j’avais récupéré plusieurs ordinateurs pour ma classe. Je me suis donc demandé comment remettre en état ces machines à moindre coût tout en restant en règle avec la loi. C’est ainsi que j’ai découvert la notion de logiciel libre et que j’ai adopté cette philosophie.
Comme je viens de le dire, c’est quasiment par l’enseignement que je suis venu aux logiciels libres. Je suis convaincu que si on souhaite avoir une école qui donne les mêmes chances à tous les élèves, cela ne peut se faire qu’à travers les logiciels libres. En effet, si on veut que nos élèves puissent avoir à la maison les mêmes logiciels qu’à l’école, on ne peut pas utiliser de logiciels propriétaires. Ceux-ci sont soient payants, ce qui rend leur utilisation discriminatoire, soient des gratuiciels. Dans ce dernier cas, si on souhaite les utiliser en classe et chez les élèves, on viole souvent la licence d’utilisation qui impose parfois une utilisation dans un cadre exclusivement éducatif (ce qui n’est pas le cas d’une utilisation personnelle à la maison), ou parfois dans un cadre exclusivement personnel (ce qui n’est pas le cas d’une utilisation en classe). Par méconnaissance des licences d’utilisation, les enseignants sont souvent dans une situation illégale ou bien, mettent leurs élèves dans une situation illégale. L’utilisation de logiciels libres permet donc à la fois un usage légal et égalitaire de l’outil informatique.
Je dirai plutôt que les logiciels gratuits sont beaucoup utilisés par les enseignants et qu’en général, qu’ils soient libres ou pas, cela ne change pas grand chose pour eux. Souvent par ignorance, la différence entre un freeware et un logiciel libre n’est pas claire pour les collègues.
Sinon, les logiciels qu’on rencontre le plus fréquemment sont la suite bureautique OpenOffice (on commence à trouver la version pour enfant, OOo4Kids, dans les écoles) et le navigateur Internet Firefox. Dans les logiciels plus spécifiquement destinés aux enfants d’école primaire, GCompris, TuxMath et les logiciels du Terrier sont ceux qui sont le plus utilisés.
Il y a deux ans, j’ai fait fonction d’animateur informatique. Cela m’a permis de faire un état des lieux des équipements des écoles sur le secteur dont je dépendais. En milieu urbain, les écoles sont dans l’ensemble bien équipées, dans le milieu rural, on trouve beaucoup plus souvent du matériel de récupération (même si cela a un peu changé avec le plan École Numérique Rurale). Dans les deux cas, ce qui représentait un frein à une utilisation plus importante était le manque de ressources et de logiciels facilement accessibles et diffusables. L’idée d’un DVD regroupant des ressources et logiciels libres a donc commencé à faire son chemin.
Pour la partie windows, j’ai pris comme base le FramaDVD « standard » réalisé par des étudiants (c’est un des avantages des ressources libres, pouvoir les modifier et ensuite les redistribuer). Le choix des logiciels et des ressources est le fruit d’un travail de veille de plusieurs mois. Même si certains logiciels se sont évidemment imposés dès le départ, que ce soient les logiciels du Terrier d’AbulÉdu, de GCompris, des logiciels du Bipède ou encore d’OOo4Kids, l’adaptation pour les enfants d’OpenOffice.org, dont la version 1 est arrivée à temps pour la sortie du FramaDVD École.
Pour les ressources, j’ai utilisé les quelques sites d’enseignants sous licence libre, particulièrement ceux d’Arnaud Champollion et Marc Deloménie.
La version hors-ligne de l’encyclopédie pour enfants Vikidia a été réalisée par la société Linterweb avec leur logiciel Okawix.
La partie Linux est composée d’ASRI Éducation, une distribution particulièrement bien adaptée aux élèves d’école primaire. Cédric Guillou, un enseignant qui est à l’origine de ce projet, a été particulièrement réactif et attentif à nos demandes.
Comme je ne suis pas techniquement très bon, j’ai pu compter sur les compétences de Pierre-Yves Gosset, un des deux permanents de l’association Framasoft.
Pour résumé, la réalisation de ce DVD est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes que je tiens une nouvelle fois à remercier.
Comment utilises-tu les logiciels libres dans ta pratique professionnelle?
J’utilise l’outil informatique, et donc des logiciels libres, dans différentes matières. Sans tout détailler, je peux te donner les deux dernieres activités menées avec des élèves de CM1-CM2 avant les vacances.
En vocabulaire, nous avons utilisé Freemind afin de réaliser des cartes mentales et d’organiser les idées des élèves autour du vocabulaire des cinq sens. A partir de chacun de ces sens, les élèves ont classé, grâce à cet outil, les différents mots selon différentes classes grammaticales (verbe, nom, adjectif…).
En géographie, nous avons utilisé le module Impress d’OpenOffice.Org / OpenOffice4Kids, le navigateur Firefox et principalement les encyclopédies libres Vikidia et Wikipedia. L’objectif était pour chaque groupe de trouver des informations (monnaie, spécialités culinaires, musées, personnages célèbres…) sur une capitale de l’Union Européenne puis de créer un diaporama qu’ils ont ensuite présenter à leurs camarades qui avaient un tableau à remplir pour recueillir les données importantes.
As-tu déjà des retours sur l’accueil et l’utilisation du FramaDVD École par les enseignants, les parents ?
Pour l’instant, il n’y a que quelques de retours. Par contre, les retours que nous avons eu sont très positifs. La nouvelle de la sortie du FramaDVD École a également été bien relayée par les animateurs informatiques de plusieurs circonscriptions que je tiens à remercier. Des magazines (Les Cahiers Pédagogiques, La Classe, OpenSource Magazine) ont aussi publié des articles.
Quelles perspectives envisages-tu pour le FramaDVD École ?
Une mise à jour par an me parait tout à fait envisageable surtout que le plus gros du travail a été réalisé. Pour la fabrication d’une nouvelle fournée de DVD, tout dépendra de l’accueil qui lui sera fait. Nous avons eu beaucoup d’intentions d’achats ce qui est encourageant. Le DVD est réellement en vente depuis le début du mois de décembre. Si nous vendons suffisamment d’exemplaires, nous pourrons alors envisager de mettre en place notre projet Framaphonie qui sera une opération du style : « Un FramaDVD École acheté, un FramaDVD École envoyé dans un pays francophone en voie de développement ».
Comment as-tu connu le projet Contributions et Logiciels Libres en Orthophonie – Logopédie ?
Grâce au FramaDVD École ! Je recherchais des tutoriels libres sur les différents logiciels du DVD et j’ai trouvé l’excellent tutoriel sur le logiciel Anki.
Quel regard portes-tu sur ce projet ?
J’ai été très agréablement surpris de trouver des ressources réellement intéressantes et pas que pour les orthophonistes, le tout sous licence libre. En un mot, très heureux de voir un peu de libre chez les orthophonistes.
Travailler est peut-être un grand mot, mais échanger des regards sur un élève / patient qu’on avait en commun, cela m’est arrivé à plusieurs reprises. Il est toujours intéressant d’avoir un regard extérieur sur son élève, ce qui permet de l’aider plus facilement.
Comment envisages-tu le partenariat avec les orthophonistes ? Des outils libres pourraient-ils avoir une place dans ce partenariat ?
Je ne sais pas si un partenariat enseignant / orthophoniste est facile à mettre en place ni sous quelle forme. Mais les ressources libres chez les orthophonistes et chez les enseignants permettent à chaque partie de prendre plus facilement connaissance du travail de l’autre.
On peut participer à Framasoft de différentes manières, en testant les projets en cours (actuellement une clé USB pour l’école primaire), en ajoutant des notices dans l’annuaire, en aidant à la traduction d’articles étrangers sur la culture libre, en participant à la vie du forum….
Et puis, Framasoft est actuellement en pleine campagne de dons. L’opération 1000 10 1 (1000 donateurs à 10 euros par mois) doit permettre de pérenniser l’emploi des deux permanents de l’association et financer les prochains projets.
Plutôt qu’une question, un souhait pour cette nouvelle année. Je rêve qu’un jour les institutions publiques françaises adoptent et promeuvent les licences libres pour leurs travaux. Et j’aimerai que la majorité des enseignants choisissent également une licence libre pour leur site de ressources qui sont le plus souvent extrêmement intéressants, mais encore trop rarement libres.