Les licences Creative Commons valides en Belgique !

Un des grands contre-arguments présentés dans la désormais célèbre controverse Gallaire/Houellebecq, est l’évocation d’une éventuelle non-validité en droit français des licences Creative Commons. Argument péremptoire dont je n’ai d’ailleurs absolument jamais trouvé la moindre ébauche de justification juridique.

Voyons donc ce qu’en pensent nos voisins belges, dont le système judiciaire est si proche du nôtre, avec le jugement du 26 octobre 2010 du tribunal de Nivelles. L’affaire portait sur l’utilisation du morceau de musique Aabatchouk du groupe Lichodmapwa, fourni sous licence Creative Commons 2.5 BY-NC-ND, et librement téléchargeable sur le site dogmazic.net.

Les juges commencent par énumérer les obligations liées à la licence libre applicable en l’espèce :

Cette licence Creative Commons 2.5 autorise l’utilisation de leur musique moyennant le respect des conditions suivantes :

- indiquer la paternité de l’oeuvre
- ne pas en faire une utilisation commerciale
- ne pas créer d’oeuvres dérivées

Ce qui correspond aux trois clauses très clairement décrites par :

Puis ils continuent en constatant la violation de ces obligations :

En utilisant l’oeuvre des demandeurs sans leur autorisation préalable, la défenderesse a violé les conditions de cette licence, dont la validité est actuellement reconnue notamment par des tribunaux néerlandais, espagnols et même américains ( cfr. civ. Amsterdam (réf.) du 9.03.2006).

Au passage on apprend que les licences Creative Commons sont déjà reconnues aux Pays-Bas, en Espagne et aux États-Unis (des pays de non-droit bien connus  !). Puis les juges, se basant sur la doctrine, valident les licences Creative Commons en Belgique !

Le tribunal se réfère notamment au commentaire de doctrine de Me Ph. Laurent et confirme que la licence Creative Commons est valide et applicable au cas d’espèce.

Maintenant les remarques applicables à Flammarion, qui vont peut-être inciter son service juridique à plus de sérieux :

En sa qualité de professionnel de l’organisation de festivals, la défenderesse devait à tout le moins s’informer sur les conditions particulières de la licence.

Avec le coup de grâce :

La bonne foi de la défenderesse n’est pas élisive de la faute et la réparation est due.

L’incompétence ne constitue donc pas une excuse pour les juges ! Enfin on constatera avec plaisir que ces derniers ne font aucune confusion entre liberté et gratuité :

Sur le plan des principes, les demandeurs ont droit à une réparation de leur préjudice indépendamment d’une atteinte réelle et objective à leur marché et ce n’est pas parce que leur oeuvre est sous licence libre que le préjudice n’existe pas.

Au final, les juges ont condamné la défenderesse à verser 1 500 euros au groupe Lichodmapwa, et ce par clause non respectée de la licence Creative Commons, soit au total 4 500 euros, trois fois plus que la tarif SABAM (l’équivalent belge de la SACEM) en vigueur. Les licences libres, en plus, ça rapporte !

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