Ce que Debian doit apprendre d’Arch Linux
Il est une choses assez connue qu’en sciences, les grandes découvertes sont “dans l’air du temps”, qu’elles ont souvent lieu simultanément dans plusieurs endroits à la fois, et que si ce n’était pas l’Un qui avait fait telle découverte, c’est probablement l’Autre qui l’aurait faite.
Il me semble que nous sommes aujourd’hui sur le point d’arriver à ce stade de conscience collective sur un sujet majeur de l’ingénierie logicielles qui est la manière de releaser correctement une distribution GNU/Linux. C’est pour moi la décision la plus importante à prendre pour toute distribution GNU/Linux qui vise l’utilisateur final, un virage technologique fondamental pour la réussite des logiciels libres.
Je me dois donc d’enfoncer le clou après l’article de Carl, et donc d’exhumer l’un des miens qui attend depuis quatre mois d’être publié. La forme est un peu bizarre, je m’étais un peu laissé aller un soir très tard, mais bon, un peu de littérature ne fera pas de mal, pour ceux qui ne connaitraient pas l‘Enfer de Dante.
Posons d’abord les bases : oui je pense que Debian est LE système GNU/Linux universel et donc LE système d’exploitation universel. Si ce n’est pas forcément la distribution que l’on utilise, c’est au moins la distribution qui est la base des différentes distributions que l’on peut utiliser selon ses besoins.
C’est notamment une distribution qui :
- supporte 12 architectures matérielles (soit presque toutes celles existantes)
- fournit plus de 30 CD de packages binaires (25 000 paquets, soit presque la totalité des logiciels libres disponibles)
- est basée sur une communauté de plus de 1000 développeurs, organisée autour d’un contrat social (et non l’oeuvre une entreprise commerciale dont l’appât du gain est la seule motivation)
Mais Debian a des défauts, et ma curiosité m’a toujours poussé à tester d’autres distributions Linux. Après la bêtise du siècle de Kurt j’ai même considéré comme vital de trouver une alternative.
Je me suis intéressé à Arch Linux à la suite de diverse tribulations m’ayant amené à tester longuement la Slackware qui m’avait plu en particulier pour son système d’init “à la BSD”. Mais aux packages déjà pas à jour et sans gestion des dépendances, est venue s’ajouter la maladie de Patrick Volkerding prouvant qu’une communauté est plus puissante qu’un seul homme quel que soit son génie…
J’étais donc passé à la Minislack, une Slackware minimaliste avec des paquets à jour. Mais, renommée Zenwalk, elle s’est centrée sur Xfce alors que je veux une distribution qui me laisse choisir mon environnement de bureau à ma guise.
Et je suis donc enfin arrivé à Arch Linux ! Là j’ai trouvé une distribution organisée autour du principe KISS :
- système d’init “à la BSD” (et oui c’est vraiment plus simple, l’init System V style c’est juste HORRIBLE)
- fichiers de configurations remplis de commentaires permettant de tout configurer très simplement
- gestion des dépendances des paquets
- paquets à jour
- ROLLING RELEASE !!!
Je continuais à descendre lentement avec Dante, au fin fond du 9ème et dernier cercle de l’Enfer Informatique. Il faisait maintenant très froid, nous étions tout au bord du Cocyte. Au loin je voyais l’ignoble Bill Gates, traître à l’ensemble des utilisateurs de ses logiciels ; d’une taille imposante, il était bloqué dans les glaces et subissait les assauts de milliers de développeurs libres. On pouvait facilement les différentier grâce à leur T-shirts, marqués au logo de leur distribution respective. Ils étaient présents là eux aussi pour traîtrise envers leurs utilisateurs, pour avoir à maintes et maintes reprises explosé les installations de ces pauvres hères lors d’upgrades de leur distribution.
Moi : Maître, je vous ai suivi jusqu’au bout du chemin, au plus profond des Enfers, vous aviez promis que si nous y arrivions, vous répondriez à ma question : mais qu’est-ce que l’OS universel pourrait-il donc bien apprendre d’Arch Linux ?
Dante : La Rolling Release.
On peut dire qu’aujourd’hui Arch Linux est la plus populaire, la plus utilisée et la plus fonctionnelle des distributions GNU/Linux en rolling release. Si Debian doit aller vers la Rolling Release (et elle le doit !), alors c’est probablement du côté d’Arch Linux qu’il faudra regarder, pour s’inspirer des process qui font qu’une distribution fonctionne si bien sur ce modèle.
Quand je pense que lors d’une de nos discussions, il y a seulement quelques mois, Carl, qui est un très gros mainteneur de paquets Debian, semblait ne pas comprendre le concept même de Rolling Release, et qu’aujourd’hui il me double pour écrire un article sur le sujet, alors oui je me dis que le temps est bien venu !