Les médias sociaux privateurs et centralisés sont en train de tuer les blogueurs indépendants
Les médias sociaux se développent mais la blogosphère plonge. Paradoxe.
De plus en plus nombreux sont les blogueurs qui s'interrogent sur l'intérêt de continuer à tenir un blog. Alimenter un blog régulièrement, c'est un gros boulot. Trouver l'idée de réflexion qui va plaire ou l'information rare qui a encore été peu diffusé, c'est épuisant. Rédiger, choisir l'illustration, faire attention aux licences, citer des blogueurs qui ont abordé le sujet pour construire des liens. Puis, relire son article pour traquer les fautes d'orthographe, formater son billet, ajouter les bons tags... Et enfin, appuyer sur publier.
Non, ce n'est pas fini. Après cela, deuxième étape, il faut le faire connaitre. Publier sur facebook, twitter, identica, commenter les blogs des copains, interpeller sur les réseaux sociaux dans les bonnes conversations aux bons moments... Las, la fin de journée arrive, on fonce voir nos stats pour savoir si notre billet a trouvé ses lecteurs. Parfois il arrive qu'on ait été bon, on est fier de nous, parfois il arrive que l'on ait été très mauvais, ça peut être décourageant. Quelque soit le résultat, vaillant, on remonte sur notre cheval en ayant l'espoir que celui du lendemain va tout déchirer.
Même quand le trafic est mauvais, il arrive que des discussions se créent et fassent échos à nos productions, ça c'est génial. On a l'impression d'avoir déclenché quelque chose. L'apothéose c'est quand un lecteur à une réaction intéressante et constructive. Ne m'en veuillez pas chers lecteurs, j'aime quand vous montrez votre contentement ou mécontentement, mais c'est encore mieux quand cela débouche sur une vraie réflexion.
Bref, les commentaires c'est un peu la dope du blogueur. Qu'il soit skyblogueur ou politico-blogueur influent, la recherche de l'attention et l'envie de partage domine l'échange. Les blogueurs professionnels sont aussi rares que les médias sociaux qui atteignent l'équilibre financier. La vocation de ceux qui écrivent sur leur propre média ne semble donc pas être de gagner l'argent mais d'avantage le plaisir de partager leur passion.
Pourtant, les commentaires sont moins nombreux sur nos blogs. Et on a l'impression que même notre trafic en prend un coup. Réalité ou fiction ?
Qu'est-ce qui a changé ?
Notre médiocrité a-t-elle augmenté ? La course au scoop tue-t-elle le blogging ? Le copinage inter-blogueur fait-il tourner la sphère sur elle même ? Les sites de journalistes professionnels se mettraient-ils à écrire des papiers intéressants sur internet ? Pendant ce temps, quelques médias sociaux atteignent héroïquement l'équilibre financier. Mais quel est leur secret ?
Je veux ici prendre un exemple de réussite. Lepost.fr, aujourd'hui sans doute le média social francophone le plus visité et commenté au monde. Lepost.fr a semble-t-il atteins l'équilibre financier. Comment a-t-il fait ? C'est assez simple, lepost.fr a mis en place une espèce d'industrie de l'information où chacun est invité à écrire. Pour accélérer le mouvement, lepost.fr a dépouillé son média de toute notion de contrôle qualitatif, explicite comme implicite. La rédaction a poussé le vice jusqu'à dégrader volontairement la qualité des images et de la rédaction des articles pour encourager les lecteurs à contribuer. Lepost.fr se contente de faire de la réécriture. Les scoops y sont rares, ce n'est pas le but de ce média. Une fois qu'une masse critique de lecteurs est arrivée, lepost.fr a invité les blogueurs influents sur ses pages afin de les déloger de leur blog. Les blogueurs semblent très satisfaits du très large nouveau public qu'ils touchent et se demandent même parfois si c'est bien utile de continuer à alimenter leur propre blog (Christophe Ginisty posait la question "Y-a-t-il encore un espace pour les blogs ?").
Voilà donc comment lepost.fr a fait pour atteindre la rentabilité, il a mis au boulot tout un tas de citoyens (blogueurs compris) comme si la visibilité offerte était une contre-partie suffisante. Tout comme facebook, lepost.fr se nourrit des contributions des internautes et tentent de s'imposer comme le média des médias individuels. Là où le bas blesse c'est que les contributeurs n'ont aucun moyen de récupérer la totalité des données produites pour les déménager. On ne peut pas non plus supprimer son compte dans les options de gestion. Le simple droit à l'information produite est bafoué. Tout comme facebook, la stratégie de lepost.fr est d'enfermer l'internaute contributeur dans son système et le dépossèder de ses contributions.
L'internaute contributeur participe au succès de lepost.fr mais n'a aucun droit sur la politique de l'entreprise. En effet, lepost.fr n'est pas une fondation comme agoravox et n'implique pas les contributeurs dans ses choix stratégiques, ceux ci répondant uniquement à une logique économique. Il ne peut donc pas défendre ses intérêts de contributeurs. Et si le contributeur de lepost.fr tentait de faire prendre conscience à sa communauté de la supercherie du média, lepost.fr ne le censurerait-il pas ? C'est une question que je pose sans présumer de la réponse mais il faut admettre que la liberté de ton des contributeurs se posent lorsqu'on écrit dans un média sur lequel on a aucun droit. Quitter son blog pour se consacrer à lepost.fr serait une grave erreur. Qu'est-ce qui vous garantit que vous ne serez jamais censuré sur lepost.fr ? Au moins, sur votre blog vous avez le contrôle de vos données, de votre ligne éditoriale et de son évolution technique. Le danger est que les blogueurs de talents se laissent séduire et arrête d'alimenter leur blog... Que ce passera-t-il le jour où leur publication entrera en un conflit d'intérêt avec lepost.fr ? Je crois qu'ils regretteront amèrement de ne plus posséder d'espace médiatique...
Le blogueur libre et indépendant a une mission d'alerte, de surveillance du pouvoir. Il est une plume citoyenne et son existence est vitale à la bonne santé démocratique. La liberté d'expression est fondatrice du régime démocratique et nous avons le devoir de l'utiliser. Ne la laissons pas prendre à nouveau la poussière comme ont pu le faire les journalistes des médias traditionnels qui ont perdu toute crédibilité aux yeux des citoyens. Ne préparons pas la prochaine crise des médias !
Bon, ceci étant, lepost.fr n'est qu'un exemple, je n'ai rien contre ce média mais son modèle de développement m' hérisse le poil. Cela me fait penser aux champs de grands propriétaires terriens dans lesquels travaillent des tas d'ouvriers payés quelques cacahuètes par jour.
Non chers amis, rien ne vaut un bon logiciel libre de blogging comme dotclear ou wordpress installé sur un serveur que vous contrôlé avec une base de donnée qui vous appartient et une ligne éditoriale qui ne dépend que de vous.
Et tant pis si votre audience est plus faible. Au moins, vous aurez le sentiment de liberté et d'indépendance. Et ça, ça n'a pas de prix.