GNOME pour les non-ordinateuriens

Ce qui suit est une étude de cas spéciale, à long-terme (longitudinale, comme on dirait en psy) d’un bureau GNOME adapté à un type d’utilisateur très particulier: un non-ordinateurien pur (plus hardcore que ce que décrivait Ploum).

Depuis des années, je fais le soutien technique pour les membres de la famille qui roulent Ubuntu/Linux (j’ai une politique, à la Alan Pope ou à la Ploum, de n’offrir aucun soutien si la machine roule sous Windows). Pour la majorité de ces utilisateurs, je ne personnalise que très peu le bureau GNOME standard, parce que, bien que nécessitant quelques explications, ces utilisateurs ont déjà une certaine affinité avec le monde de l’informatique, et comprennent les principes de base sous-tendant l’interaction dans une interface graphique WIMP.
Or, le cas que je vous présente aujourd’hui est une exception, que nous surnommerons ici Alex. Alex est âgée d’une soixantaine d’années et n’a jamais touché à un ordinateur de sa vie avant que je lui en fabrique un avec Ubuntu. C’est dans des situations comme ça que l’on s’étonne de voir combien de choses, prises pour acquis pour la majorité d’entre nous, ne peuvent tout simplement pas être laissées au hasard ici, parce que dangereuses ou trop complexes.
Caractéristiques:

  • Pas de conception mentale claire de fichiers/dossiers/etc. (ceci est commun à la majorité des utilisateurs “non-geeks/non-professionels”, pas juste aux non-ordinateuriens)
  • Sa coordination motrice et son acuité visuelle sont problématiques (l’usage de la souris est extrêmement imprécis)
  • Que ce soit le serveur X, les barres d’outils ou les tableaux de bord, si ça peut être détruit, ça va être détruit. Il faut que tout, absolument tout, soit verrouillé et cloué en place (utilisez le logiciel Pessuluspour arriver à cette fin). Exemples:
    • Alex fait ctrl+alt+backspace (ce qui tue le serveur X; j’ai été bouche bée de constater que les développeurs de Xorg avaient raison de désactiver cette fonction par défaut) parce qu’elle oublie de lâcher certaines touches du clavier. Ceci n’est plus activé par défaut.
    • Elle déplace des éléments des barres d’outils/panneaux sans le vouloir (puisqu’elle a du mal avec la souris; la moitié du temps, un “simple clic” se transforme en glisser-déposer)
  • Considérez que les menus contextuels (accessibles par le clic droit) n’existent tout simplement pas. Si vous voulez que ce soit accessible, il faut que ça se fasse par la barre d’outils ou les menus.
  • La liste des fenêtres est inutile. L’utilisateur ici ne sait pas et ne veut pas gérer des «fenêtres» (en ce sens, je comprends mieux le mot «Activités» de GNOME Shell). Le regard ne s’y porte même pas, c’est totalement périphérique. J’ai également constaté ce phénomène chez d’autres «non ordinateuriens»: je ne les ai pas encore vus une seule fois utiliser la liste des fenêtres.
  • Une impatience marquée envers le temps de démarrage de l’ordinateur (ce qui est relativement rare parmis les gens que je croise); en ce sens, je suis bien content que ce dernier ait chuté considérablement dans les dernières moutures d’Ubuntu
  • Lorsqu’un problème survient, ne vous attendez pas à avoir des explications claires ou des étapes pour les reproduire (qui plus est, le vocabulaire n’est pas assez complet pour pouvoir exprimer les idées).

Par dessus le marché, l’ordinateur en question n’a que 256 Mo de mémoire vive et doit nécessiter le moins de maintenance possible. Il faut qu’il soit blindé et léger. Dans cette optique:

  • Le moins de processus au login possible: on retire Gestionnaire Bluetooth, Gestionnaire de réseau (NetworkManager applet), Notificateur de mises à jour (update manager), bureau à distance (s’il n’est pas utilisé), Ubuntu One, vérification de pilotes matériel (jockey), Mise à jour des dossiers utilisateur (xdg-user-dirs-gtk-update), etc.
  • Un seul tableau de bord, avec le moins d’applets possible (en fait, rien sauf des lanceurs et un bouton pour éteindre l’ordinateur). Ceci contribue à réduire significativement la quantité de mémoire utilisée (et, indirectement, le temps de démarrage). C’est la différence entre 160 et 87 Mio de RAM utilisés au démarrage. Sur 256 Mo, c’est significatif, et ça implique moins d’utilisation du swap, donc de meilleures performances.
  • Pas d’effets spéciaux: ce n’est pas le genre d’utilisateur à apprécier Compiz si, après tout, il ne «gère» pas les fenêtres; qui plus est, Compiz est une source de bugs potentielle et consomme des ressources du système.
  • Barres d’outils simplifiées et personnalisées: il faut prendre le temps d’observer comment l’utilisateur interagit avec ses logiciels, et quelles tâches il veut réaliser courramment. Si c’est planqué dans un menu, ça risque d’être oublié. Ainsi, je suis bien content de pouvoir modifier la barre d’outils de Eye of GNOME pour y ajouter un bouton «Enregistrer», opération qui est nécessaire après que l’utilisateur ait utilisé l’outil de rotation d’image. Dans certains cas comme Epiphany, grâce à Pessulus, on peut simplifier encore plus l’interface en retirant la barre de menus, ce qui a également l’avantage de nous économiser une dizaine de pixels d’espace vertical (sérieusement, personne n’utilise les menus d’Epiphany sauf les geeks, et Alex n’a jamais utilisé les «Signets» dans les 4 dernières années).
  • Un panel énorme (48 pixels de hauteur!) pour compenser les problèmes oculomoteurs de Alex et rendre les icônes plus faciles à reconnaître. Sur ce panel se trouvent simplement des lanceurs d’applications et un gros bouton pour éteindre l’ordinateur.
  • Des barres de titre énormes: simplement changer la taille de la police de texte de Metacity permet d’avoir des boutons plus gros/accessibles (clé gconf: /apps/metacity/general/titlebar_font = Sans Bold 14)

Un autre constat: l’ordinateur ne sert, franchement, qu’à accéder au web et à deux ou trois autres choses. J’avais auparavant installé une multitude de logiciels, espérant susciter un intérêt, tels que Homebank, Contacts, Tasks, GThumb, etc.:

Des années plus tard, force m’est de constater qu’ils n’ont jamais été utilisés (l’ordinateur est un «moyen» pour accéder au net, pas une «fin» en soi). Conséquemment, je les ai retirés.
Le résultat final:

Epiphany 2.30 et GMail:

Temps de login total from cold metal (incluant le bios de 15 secondes) jusqu’au login avec bureau gnome: 45 secondes (25 secondes du démarrage du kernel jusqu’à GNOME chargé).

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Publié par Kiddo : 87