De mauvaises raisons de préférer Photoshop à Gimp.

Après un premier article sur les raisons de préférer Gimp à Photoshop, en voici un dans lequel nous allons reprendre les arguments en faveur de Photoshop et les analyser. Je m'intéresse ici essentiellement à la retouche photo.

Tout le monde utilise Photoshop, c'est la référence !

Windows est aussi une référence et équipe plus de 90% des ordinateurs personnels dans le monde; pourquoi s'embêter avec OSX, Linux ou xBSD ? La suite bureautique Microsoft Office est aussi une référence; pourquoi s'embêter avec OpenOffice ? A ce compte là, je suggère que nous ayons tous les mêmes vêtements, la même voiture, la même maison, ...

On se moque de la gratuité de Gimp !

"Quand on est photographe pro ou passionné, si on a les moyens d'acheter des boitiers et des objectifs, on a les moyens de se payer une licence Photoshop !"
Sauf que les pros et passionnés que je connais sont tous désireux de faire des économies. Ils préfèrent mettre 1000 € dans un bon objectif qu'ils peuvent espérer garder plusieurs dizaines d'années (la monture F de Nikon a 50 ans, le système EOS de Canon a 20 ans). Le cas échéant, ils peuvent revendre cet objectif un bon prix alors que la licence d'un logiciel comme Photoshop sera obsolète et quasi invendable 2 ans après son achat.

De toute façon, on peu aussi avoir Photoshop gratuitement !

Cela s'appelle du piratage et c'est sans doute la plus mauvaise des raisons de préférer Photoshop à Gimp.

On se moque du poids du logiciel et des ressources utilisées !

"Quand on fait de la retouche d'image, on sait qu'on a besoin de ressources donc on achète la machine en conséquence !".
Si à chaque fois que je change d'appareil photo, je doit prendre en compte le coût de la licence plus le coût de l'ordinateur pour faire fonctionner le logiciel, l'addition risque d'être vraiment salée ! Encore une fois, les photographes que je connais préfèrent acheter du matériel pour prendre des photos plutôt qu'un nouvel ordinateur pour retoucher les photos.

Photoshop gère le CMYK nativement !

Oui ... et ? Mon appareil photo ne produit pas d'images en CMYK. A ma connaissance, aucun appareil photo n'en produit, pas même les moyens formats de plusieurs dizaines de milliers d'euros. Comme l'indique fort judicieusement Calcyum dans un article récent, le CMYK est indispensable lorsqu'on travaille avec un imprimeur, mais la perte des couleurs dû à la conversion est irrécupérable. Il est préférable de travailler et de conserver ses images en RVB et de ne les convertir vers le CMYK qu'au moment de l'envoie de l'image à l'imprimeur. Gimp possède un plugin qui se charge de cette conversion. Pour contrôler pendant le travail de retouche que nous ne dépassons pas les limites du CMYK, nous pouvons utiliser le soft-proofing

Photoshop gère le Lab nativement !

Le mode Lab est effectivement très utile pour la retouche d'image. Concrètement, à quoi sert-il ? A 2 choses :

  • corriger les contrastes de l'image sans altérer les couleurs, les résultats obtenus sont plus naturels qu'une correction de contraste en RVB
  • corriger la colorimétrie d'une image sans toucher aux contrastes
Pour le premier point, il existe le script Separate Luminance qui décompose l'image en 2/3 calques : un qui contient la luminance de l'image, les autres la chroma. Il ne reste plus qu'a travailler sur le calque de luminance pour obtenir des corrections de contraste naturelle.
Pour le second point, la colorimétrie de l'image devrait être corrigée en amont, soit au moment de la prise de vue en paramétrant correctement la balance des blancs dans l'appareil photo, soit dans le logiciels de traitement des fichiers RAW.
Ceux qui font du compositing et qui ont donc besoin d'ajuster les couleurs de plusieurs images différentes peuvent se servir de Krita ou Cinepaint qui gèrent le mode Lab. Cinepaint est utilisé par les studios d'Hollywood dans certaines productions (Harry Potter, Le seigneur des anneaux,...)

Photoshop gère les images sur 16 bits par canal !

Avoir 16 bits par canal est important lorsqu'on fait des corrections "musclées" sur une image. Cependant, il faut aussi que les données d'origine aient un nombre de bits par canal suffisant pour bénéficier pleinement de cette précision. Exit donc, les fichiers jpeg, tiff 8bits ou png 8bits.
Concrètement, quand a-t-on vraiment besoin de cette précision ? Essentiellement avec les outils comme "Courbe", "Niveau" et certains filtres comme les filtres de flou. Les corrections avec les outils "Courbe" et "Niveau" peuvent être faites en amont, dans le logiciel de traitement RAW qui travaille sur 16 bits par canal.
Pour ceux qui ont besoin d'avoir une grande précision pour corriger localement une image, ils peuvent utiliser Cinepaint. Il gère même les images sur 32 bits par canal. Il y a aussi Krita qui travaille sur 16 bits. Ce dernier est encore un peu lent à mon goût, la prochaine version devrait améliorer ce point ... et peut-être commencer à faire de l'ombre à Gimp.

Photoshop gère nativement les fichier RAW !

Oui ... et ? Quand je change d'appareil photo et qu'il n'est pas supporté par la version de Photoshop que j'ai, je suis obligé d'acheter la mise à jour ... pour pouvoir continuer à faire la même chose ! Avec Gimp sur Linux, je vais certes passer par un autre logiciel pour traiter mon fichier RAW mais mon système est à jour sans avoir à payer. Ensuite, je connais des photographes qui ne se passent pas de Capture NX, d'autres de DXO, d'autres encore de Aperture pour traiter leurs fichiers RAW et ensuite retoucher les images dans Photoshop.

Photoshop fait nativement du HDR !

Oui ... et ? Comment se fait-il que de nombreux photographes ne jurent que par Photomatix pour ce type de traitement et non Photoshop ? Dans le monde Libre, nous avons QTpfsgui et surtout Enfuse qui donne d'excellents résultats pour ce type de traitement.

Photoshop possède les styles de calques et les calques de réglage !

Ce sont effectivement des outils très pratiques pour pouvoir revenir sur un réglage trop poussé. Maintenant, je connais des photographes chevronnés qui retouchent leurs photos avec Photoshop sans utiliser ces outils car "ils savent ce qu'ils font". De plus, une fois qu'ils ont fini leur traitement, ils n'ont pas besoins d'y revenir.
A titre personnel, si Gimp pouvait avoir ce genre de fonction, j'en serais ravi. Cependant, j'ai appris à faire sans et je ne me sens pas limité pour autant.

Conclusion

Je pense que les utilisateurs de Gimp ne devraient pas se sentir complexés par rapport à Photoshop. Montrons de quoi il est capable ! Montrons à quel point ce logiciel est puissant quand on veut bien se donner la peine de l'utiliser ! Si aujourd'hui les gens sourient lorsque j'évoque les logiciels libres, personne ne m'a jamais dit que mes photos seraient meilleurs retouchées avec Photoshop sous Windows/OSX plutôt qu'avec Gimp sous Linux.

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