Editeurs open source : modèle à double licence contre simple licence, lequel privilégier ?

Double licence : quel est l’apport réel de ce modèle d’un point de vue communautaire ? C’est la question que se pose Jonathan Le Lous dans son article Editeur open source: le modèle américain. Un article qui vient à point, car cela fait quelque temps que je ne sais plus trop quoi penser de ce modèle qui repose deux caractéristiques principales :

- Un logiciel en version communautaire considéré comme « dégradé », dans le sens où sa version n’offre aucune garantie aux utilisateurs et ne bénéficie d’aucun support de la part de l’éditeur voir dans une situation extrême il est nettement moins fonctionnel.

- Un logiciel en version privative, propriétaire qui se déploie, via des licences, et bénéficie de support au même titre qu’un logiciel classique.

Ce modèle américain est aussi analysé sous l’angle juridique par le « Dual licensing », le principe est le suivant: Vous mettez une version du logiciel en GPL dans le but de favoriser la diffusion de celui-ci et vous proposer un version classique, en terme de droit d’auteur, pour laquelle vous proposer un droit de licence d’utilisateur final.

Voilà donc pour moi l’occasion de tenter de mettre mes idées au clair sur le sujet.

Du côté de l’éditeur

Jonathan le dit dans son article c’est un modèle qui présente des avantages pour l’éditeur :

  • Technique avec l’apport potentiel d’une communauté de contributeurs extérieurs,
  • Commercial en bénéficiant d’une forme de publicité gratuite grâce à la possibilité offerte d’utiliser ou de tester une version du logiciel sans coût de licence.

C’est un modèle qui à mon sens a souvent été choisi, car il fait parti des stratégies de conquête d’un marché sur lequel existe déjà une concurrence bien installée. Il est rare que les éditeurs de niche adoptent ce modèle. En effet, dans ce cas, la peur d’être copié est un frein à l’adoption du modèle open source.

Si l’on observe les quelques exemples donnés par Jonathan : Red Hat, Zimbra, Alfresco, MySQL, ils sont chacun arrivés sur des marchés matures, avec une offre déjà existante et au parc de clients important. Respectivement :  les systèmes d’exploitation pour serveur d’entreprise, le groupware, la gestion de contenu, les bases de données.

L’absence de coût de licence constitue un avantage commercial indéniable pour « casser » le marché. Les éditeurs propriétaires ont bien saisis la tendance, car ils proposent de plus en plus souvent une version gratuite de leur logiciel, mais bridée ou appauvrie en fonctionnalité.

A partir de là on peut se demander si l’avantage commercial n’est pas la première voir la seule motivation de ces éditeurs. Il faut alors observer leur comportement vis-à-vis de la constitution d’une communauté autour de leur logiciel. De ce point de vu là la tentation de freiner l’entrée de contributeurs pour garder le contrôle total des évolutions du logiciel est grande. Une dérive qui peut mener ces éditeurs à un comportement quasi fermé vis-à-vis de l’extérieur. C’est ce que l’on qualifie de fauxpen source. Et là l’apport pour la communauté open source est quasiment nul.

Pourquoi la communauté est-elle importante pour l’entreprise utilisatrice ?

Rappelons-nous qu’un des avantages des logiciels open source est d’apporter une plus grande pérennité aux logiciels grâce à une communauté active et participant au développement du coeur du logiciel et pas seulement de modules périphériques. Or l’absence de communauté revient à se retrouver avec l’équivalent d’un logiciel propriétaire dont la survie sera conditionnée par le rachat de celui-ci en cas de faillite.

L’autre inconvénient et on peut le voir avec le rachat de Sun par ORACLE, est l’incertitude que cela peut créer lors d’un rachat par un concurrent. L’absorption pouvant aboutir soit à la disparition progressive du logiciel soit à la limitation de son développement technique et fonctionnel. Dans les deux cas, cela ne sera pas en faveur de l’utilisateur final.

Doit-on en conclure que ce modèle est à éviter, car souvent associé à un faible développement communautaire et donc à la perte d’un avantage significatif pour l’utilisateur ? On arrivera toujours à trouver des contre-exemples et cela mériterait une étude approfondie des pratiques de chacun des éditeurs.

La pratique de la licence simple, gage de pérennité ?

C’est un modèle qui rend plus difficile l’objectif de rentabilité recherché par tout éditeur de logiciel. En adoptant ce modèle, il se coupe d’une source de revenus que sont les licences. Ce qui explique que bien souvent ils connaissent une évolution plus lente que leur concurrent à double licence.

Mais ce sont des éditeurs qui ont souvent une approche plus communautaire du développement avec une ouverture à des contributeurs externes qui participent également au développement du coeur du logiciel. C’est une façon de compenser ces revenus qui peuvent faire défaut en tentant de maximiser cet avantage de l’éditeur.

Concernant ces bonnes pratiques,  Vincent Massol a mis en ligne une présentation (nécessite Flash) expliquant l’approche adoptée autour du développement du logiciel XWiki. Il est intéressant d’y apprendre qu’il y a 15 committers (pour moi cela signifie qu’ils peuvent transmettre des modifications sur le serveur central du projet) dans la communauté pour 12 employés par Xwiki SAS l’éditeur. Bien sût il faut relativiser et prendre aussi en compte le temps passé par ces comitters externes pour le comparer au 12 de l’éditeur qui travaillent probablement à plein temps sur le projet.

Pour finir, il va sans dire que le modèle à simple licence ne crée pas d’utilisateurs à deux vitesses. Tout le monde a accès aux mêmes fonctionnalités ce qui ne peut qu’élargir la base des contributeurs possible sur l’ensemble des fonctionnalités du logiciel. En tant qu’utilisateur, j’ai donc tout intérêt à privilégier ce type d’éditeur.

Encore une fois, je suis conscient qu’il existe des contre-exemples à chacun des cas que j’ai indiqués ici. Cependant, les éditeurs qui privilégient le développement d’une vraie communauté  contribuent à la pérennité du logiciel qu’ils éditent et donc en tant qu’utilisateur, j’ai intérêt à les privilégier.  C’est un point clé à étudier lorsque l’on doit choisir entre plusieurs solutions open source. Ce n’est pour l’instant qu’une impression générale qui reste à confirmer, mais je pense que ce sont les éditeurs pratiquant la simple licence qui sont le plus souvent dans ce cas.

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La liste des entrées complémentaires est établie par le module d’extension YARPP.

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Publié par Philippe Scoffoni : 544