Flattr, SARD des solutions pour rémunérer la création libre ?

J’ai découvert grâce à un article de Numerama le service en cours de construction Flattr. L’objectif est d’offrir un nouveau système de rémunération pour les créateurs d’oeuvre libre.

Choisir de donner ce que l’on créé est un choix difficile aujourd’hui, car c’est en grande partie hypothéquer toute chance d’obtenir des revenus immédiat ou substantiel. Si l’on fait une rapide liste des moyens d’obtenir cette rémunération, on trouve :

  1. La publicité : inciter les utilisateurs à cliquer sur des publicités en tout genre;
  2. Le modèle du Freemium : quelques-uns paient pour des services privilégiés et la grande majorité utilise le service de base gratuit;
  3. Trouver un mécène ou recevoir des dons.

J’en oublie sûrement, mais chacun de ces moyens présentent un inconvénient. Dans le cas de la publicité, je jette mes « clients » dans les griffes des publicistes et de leur soif de données comportementales. Pour le Freemium, je crée une asymétrie dans le service que j’offre, ce qui ne va pas dans le sens de l’éthique du libre (Fraternité, Egalité, Liberté). Quant à trouver un mécène, nous entrons dans un domaine qui relève du jeu de hasard.

Pour les dons, ce n’est pas vraiment gagné non plus, car le plus souvent ce sont de micro-dons que l’on souhaiterait obtenir et les systèmes de micro-paiements tels que PayPal prennent des commissions bien trop importantes pour des montants de l’ordre de quelques Euros. Par exemple sur un don de 1€, paypal ponctionne 0,28€ (les frais de transactions de Paypal pour la tranche de 0 à 2 500€ sont de 3,4%du montant + €0,25 EUR) soit 1/3 de la somme. Paypal est donc totalement inadapté aux micro-dons (moins de 1€).

Bien sûr il existe aujourd’hui des personnes, des sociétés, des groupes de musique qui parviennent à vivre malgré l’existence de ces barrières. Mais cela réclame beaucoup d’ingéniosité et d’énergie.

Flattr, comment ça marche ?

Revenons-en à Flattr et au service qu’il va proposer. Tout d’abord, il est amusant, mais pas surprenant de retrouver à l’initiative de ce site Peter Sunde, ancien porte-parole et co-fondateur présumé du site suédois.

L’idée est de permettre aux internautes qui le souhaitent de payer une somme mensuelle de leur choix qu’ils répartissent ensuite entre tous types de créateurs au fil de leur navigation sur Internet.

A la manière d’un bouton Digg ou du compteur Twitter que vous trouvez au dessus de chaque article de Numerama, un compteur Flattr pourra être incrémenté d’un clic par chaque abonné à Flattr. Plus l’abonné clique sur différents sites (de chanteurs, de blogueurs, de cinéastes…) pour remercier leurs auteurs, plus la part de son paiement mensuel reversée aux créateurs concernés diminue. Mais plus il y a d’abonnés à Flattr qui cliquent au bénéfice d’un même créateur, plus les petites sommes s’additionnent et forment un pécule intéressant.

Source : Flattr : la rémunération des créateurs par les fondateurs de The Pirate Bay

Déjà vu ?

Flattr reprend le concept du mécénat global imaginé par Francis Muguet chercheur français spécialiste des nouvelles technologies en coopération avec Richard Stallman.

Toujours dans la même lignée, en septembre dernier la SARD (Société d’Acceptation et de Répartition des Dons) avait vu le jour. Une initiative à la tête de laquelle on retrouvait bon nombre de personnalités de l’internet, du logiciel libre, ou du monde de la création libre. La dernière information en date sur l’initiative se trouve dans les commentaires du site en date de novembre et évoque le dépôt des statuts de l’association. Depuis plus rien. Il serait bien dommage que ce projet ait avorté.

Les obstacles

La mise en place d’un tel système n’est pas évidente. Elle nécessite de la part de l’internaute une action volontaire consistant à créditer un compte chez Flattr. Mais il faut ensuite qu’il trouve des boutons pour cliquer dessus. Autrement dit, il faut que la mise en place soit massive pour que le système soit crédible. Ce point ne devrait cependant pas poser de problèmes du moment que Flattr n’impose pas le paiement d’une redevance trop importante aux personnes qui voudraient recevoir des dons. Ce qui nous emmène directement à la question : de quoi va vivre Flattr ?

Cette redevance serait probablement une mauvaise idée, on pourrait alors voir se reproduire ce que l’on a connu en France avec une opération comme Moneo, le portefeuille électronique qui cherche toujours des commerçants pour l’accepter. Ce qui ne veut pas dire que je trouvais l’idée de Moneo bonne, enfin sauf pour les banquiers :-) !

Un pré-requis indispensable ?

Pour que cela marche, il faut un acteur économique le plus neutre possible. Je ne pense pas qu’une société commerciale puisse un jour inspirer suffisamment confiance. Son capital est souvent une tentation pour ces détenteurs de chercher à maximiser les profits au détriment de l’intérêt collectif. Il n’y a pas encore d’informations à ce sujet concernant Flattr.

Parmi les statuts qui pourraient inspirer cette confiance, je pense aux associations, coopératives ou encore aux fondations. Certes, là aussi l’histoire est jalonnée (jonchée ?) d’abus de biens sociaux et de malversations. Aucun système n’est parfait. Qu’adviendra-t-il si un tel système est victime de son succès et se met à brasser des millions d’euros de dons… Il faudra donc un système parfaitement transparent où chacun devra être à même de vérifier que les sommes qu’il a versées sont bien allées à leurs destinataires. Mais c’est une problématique commune à toutes les organisations collectant des dons.

Je ne peux pas m’empêcher aussi de faire un rapprochement entre ce système et celui bien concret des AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Les AMAP établissent un lien direct entre des producteurs et des consommateurs. La similitude vient dans ce lien de proximité qui s’établit entre les deux acteurs de cette relation. Dans le cas des AMAP, on joue sur la petite taille des différentes AMAP (50 à 70 membres), avec un fonctionnement en réseau et des flux financiers qui se font directement du consommateur au producteur. L’AMAP ne jouant que le rôle d’organisateur de la relation.

Un fonctionnement similaire est-il envisageable à l’échelle du web ? Cela parait difficile et l’idée de devoir se reposer sur un système centralisé, même basé sur un fonctionnement associatif me fait un peu peur. Cependant, il est clair qu’il faut tenter l’expérience, même si elle demeure potentiellement imparfaite. J’ai laissé mon mail sur le site pour participer au programme de tests.

Ce n’est pas un sujet simple, mais il semblerait que l’on se rapproche de plus en plus de solutions concrètes en ce domaine. 2010 verra-t-il l’arrivée des premières vraies plate-formes de ce type ? C’est à souhaiter, car pendant ce temps les textes de lois avancent bon train.

Mise à jour du 15/02/2010 : à lire également l’article de Stéphane LABORDE sur sa vision de Flattr et sur l’amélioration de ce modéle : Flattr un bon modèle, mais à compléter

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La liste des entrées complémentaires est établie par le module d’extension YARPP.


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 14/02/2010. | Lien direct vers cet article

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