Voir Stallman, le père du logiciel libre et recevoir sa parole
J’ai eu la chance de pouvoir assister à la conférence donnée par Richard Matthew Stallman (RMS) mercredi soir à l’Université Lyon II. Cette conférence a été organisée par l’ALDIL (Association Lyonnaise pour le Développement de l’Informatique Libre). Ce fut de justesse que je parvins à rentrer, car le Grand Amphithéâtre de Lyon II était plein à craquer et certains ont du malheureusement rebrousser chemin.
Je n’avais encore jamais eu la possibilité de le voir en « vrai ». Je ne saurais que trop vous conseiller de le faire si vous en avez la possibilité. Lire ces écrits ou encore ce que d’autres ont écrit sur lui est une chose. Il y a les vidéos de ces conférences, mais rien ne remplace à mon sens le « Direct ».
L’entrée en scène du personnage est un instant particulier. La salle se tait spontanément et les applaudissements démarrent timidement comme pour ne pas déranger le personnage puis se renforcent crescendo.
Il réclame un PEPSI pour ne pas s’endormir. Je suis rassuré, RMS est bien un être humain . Il s’exprime dans un français excellent ce qui est remarquable et une chance pour nous.
Sa conférence portait sur le thème : « Logiciels Libres et Société Libre ». Elle se décomposait en trois parties :
- Présentation des quatre libertés fondamentales, de leur signification et de leur indissociabilité,
- Rappel de l‘histoire des logiciels libres, de leur genèse, des motivations de RMS pour lancer ce mouvement,
- Les obstacles au développement des logiciels libres et les nouveaux pièges de notre société de l’information.
Les explications sont claires, simples, vont droit au but, le discours est rodé c’est parfaitement évident. RMS n’hésite pas à égratigner au passage Georges Bush ou Nicolas Sarkozy, au travers de petites blagues qui lui valent un franc succès de la part de l’assistance.
Son discours est bien loin des préoccupations des Geek férus de technique et logiciels libres. Pas un mot sur la dernière distribution GNU/Linux, ni sur les récentes améliorations d’Xorg… Son propos est centré sur la philosophie du logiciel libre. Il égraine quelques rappels :
- L’open source a été inventé pour ne pas parler de liberté et n’a retenu que les aspects pratiques. Les valeurs de l’open source sont rentabilité, efficacité, fiabilité face à celles du logiciel libre : liberté, égalité, fraternité.
- GNU n’est pas Linux. On sent qu’il y a là une vraie « blessure ». La confusion et au final l’adoption du terme Linux par le grand public en lieu et place de GNU pour désigner le système d’exploitation le désole. Linux n’est que le noyau du système, pas le système, il le répétera à de nombreuses reprises appuyant la phrase d’une gestuelle très symbolique : GNU englobant Linux.
- Le refus du compromis. Si j’ai besoin d’une chose et qu’elle n’existe pas dans sa forme libre alors je ne l’utilise pas. Je contribue si je le peux à la création de la version libre de cette chose.
- Le monde de l’éducation doit utiliser des logiciels libres pour des raisons d’économie, mais aussi parce qu’ils contribuent à éduquer les jeunes générations au partage. De plus pour les jeunes programmeurs il est plus formateur de faire de petites modifications dans de grands programmes que de faire de petits programmes. Ils sont ainsi confrontés aux méthodes de programmation de développeurs expérimentés, l’enseignement n’en est donc que meilleur.
- Le cloud computing est pire que les logiciels propriétaires que l’on installe sur son poste, car l’exécutable n’est pas disponible.
- Il faut utiliser des systèmes d’exploitation libres, leur liste est disponible sur le site GNU Operating System.
RMS en profite également pour saluer le travail réalisé par l’APRIL ainsi que l’action de la Quadrature du Net.
L’impression qui me reste à l’issu de la conférence est assez étrange. Je ne suis ni pratiquant et encore moins croyant, pourtant j’ai cru percevoir dans son discours une forme de religiosité. Dans sa présentation des mots reviennent régulièrement : partage, ouverture, aider son voisin, esprit de bonne volonté, éducation morale…
Au primaire j’étais dans une école privée catholique et en entendant RMS j’ai cru retrouver comme un écho des prêches dispensés par les prêtres qui officiaient durant les cours de catéchisme.
L’analogie s’arrête là, RMS n’est pas un prêtre, mais il prêche et son discours est profondément empreint d’humanisme et d’une forme « d’amour de son prochain ». Je dérape peut-être, mais je ne trouve pas d’autre façon d’exprimer ce sentiment qu’il m’a laissé.
Nous avons eu droit à la fin de la conférence à son sketch de St IGNUcius qui tourne en dérision cette image (et ce look) de prédicateur qu’il peut donner. Je pense que ce n’est pas un hasard.
La conférence finit par la mise aux enchères d’un gnou en peluche dédicacé en faveur de la FSF qui sera adjugé pour la somme de 160€.
La presse traditionnelle ne retiendra que ce côté prédicateur, en s’attachant plus à la forme qu’au fond. Ce qui est bien regrettable et quelque peu habituel désormais. Vous pouvez lire aussi une interview de RMS sur cet article du Progrès de Lyon. Je ne comprends pas pourquoi le journaliste a jugé bon de mentionner de façon répétitive que RMS, qui semble avoir des problèmes d’audition, lui demandait de parler plus fort.
Des articles qui montrent combien la méconnaissance des logiciels libres est grande. Je passerais sur l’introduction faite par le Président de l’Université de Lyon II en début de conférence associant les logiciels libres à une utopie et qui relève de la même ignorance. Mais ne boudons pas trop notre plaisir, aussi imparfait soient ces articles, ils ont le mérite de porter à la connaissance du grand public qu’il existe une alternative aussi farfelue qu’elle puisse sembler.
En conclusion, cette conférence n’a pas changé ma compréhension ou ma perception du mouvement des logiciels libres, mais c’était une occasion qu’il ne fallait pas manquer. Que l’on aime ou pas RMS, il faut lui reconnaître l’ampleur de son oeuvre et les réels progrès apportés, même si le chemin est encore long.
J’espère ne pas avoir commis d’erreur dans ma transcription de ces propos, n’hésitez pas à signaler toute erreur en commentaire. Merci encore à l’ALDIL et à ses membres actifs d’avoir rendu possible cette rencontre.
Crédit photo : Glooze (Creative Commons By-Sa)
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La liste des entrées complémentaires est établie par le module d’extension YARPP.
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 15/01/2010. | Lien direct vers cet article
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