Lettre à mon député à propos d’HADOPI
Monsieur le député Xxx,
Si je vous contacte aujourd'hui, c'est parce qu'il s'agit d'un tournant important pour la liberté d'expression en France. Je veux parler d'Internet.
Internet constitue aujourd'hui le refuge de la liberté d'expression des citoyens. L'endroit où communiquer, échanger, publier est possible sans censure et avec de faibles moyens financiers et techniques. Une opportunité jamais acquise auparavant, un véritable bond en avant de la démocratie.
Au XXème siècle, le savoir était organisé de façon verticale. Les médias de masse (journaux, radios, tvs, maisons de disque) diffusaient et les citoyens écoutaient, ou pas, sans moyen de participer.
Avec Internet, chacun peut désormais participer. Wikipedia est une bible de savoir accessible à tous, les blogs permettent de s'informer en dehors de la ligne éditoriale des JTs, on peut même suivre les travaux de nos députés par http://www.nosdeputes.fr/
Or que voit-on fleurir à l'horizon? Une loi qui traquerait les actions de chaque internaute et pourrait l'éjecter de la sphère de liberté d'expression et d'information sur de faux prétextes !
Car convenons-en :
1. Il existe de multiples moyens pour communiquer de manière secrète (ex chiffrement des cartes bleues). Le secret des communications est nécessaire aux informations privées de multiples ordres si bien que les échanges de fichiers illégaux vont utiliser ces techniques et que la présente loi ne pourra rien contre ces échanges indétectables. Il n'y a donc pas de raisons que les jeunes qui téléchargent depuis 10 ans maintenant (arrivée de Napster) aillent acheter la discographie des Beatles pour un prix à 3 chiffres en euros...
2. Il n'y a pas de sites pédophiles sur Internet (du moins de manière visible). En 10 ans d'Internet je ne suis jamais tombé dessus par hasard et même en cherchant un peu, je vous met au défit d'en trouver. C'est un faux débat.
De plus, les parents peuvent très bien installer un filtre parental sur leur connexion si ils souhaitent restreindre l'internet pour les plus jeunes. (C'est contournable techniquement, c'est pour cela que ça ne marchera plus après 15 ans je pense)
3. La "loi HADOPI" pur Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (de quels droits s'agit-il içi....?) met en place une responsabilité du titulaire de l'abonnement Internet. Or vous le savez, Internet est accessible de partout : wifi dans la rue, dans les gares, dans les écoles, les restaurant, au bureau, sur son téléphone, chez des amis, etc... si bien que responsabiliser la personne qui offre l'accès internet est une ineptie car celui-ci aura bien du mal à contrôler "à priori" l'usage qui va être fait de sa connexion. De plus cela va contre l'esprit de partage et de vie privée car l'on se voit mal surveiller les communications privées de ses enfants ou ses proches utilisant l'accès Internet de la maison.
4. Car si une faute est commise, c'est la déconnexion pour plusieurs mois ! Cela fait bien rire les ados qui se connecteront à Internet par un autre relai wifi ou leur portable. Mais c'est bien plus grave pour une entreprise ou un accès familial.
5. Enfin, Internet mais l'informatique de manière sous-jacente, révolutionne le principe du partage. Autrefois lorsque vous donniez un livre, un CD, une vidéo, vous étiez dépossédé, ce n'est plus le cas avec l'informatique. Vous pouvez faire une copie parfaite et garder l'original pour un coût quasi nul. Toutes les approches allant contre la technique ont échouées. La loi DADVSI disait pouvoir reproduire la rareté du matériel dans l'économie du numérique (par des DRMs) mais ce fut un échec cuisant. Toutes les industries ont abandonné l'idée après l'avoir soutenue mordicus.
Il est temps de construire une économie qui se plie au règles de la technologie numérique et non de vouloir brider le numérique afin de la faire rentrer dans le moule de l'économie de la rareté matérielle. Des réflexions sur la taxe des fournisseurs d'accès sont en cours... mais cela doit s'accompagner du droit à la copie numérique, ce que combat la loi Création et Internet.
C'est pour toutes ces raisons que je vous conjure de voter contre cette loi demain. Les enfants d'aujourd'hui, nés dans l'ère numérique, attendent de nous de prendre des initiatives pour leur avenir. La loi Création et Internet avance vers un société de surveillance généralisée et ne résoud aucunement le problème posé à son fondement (quels revenus pour la culture à l'ère du numérique?). Le premier pays au monde à légaliser le partage des oeuvres numériques bénéficiera d'une aura culturelle retentissante dans le monde entier. J'espère que la France sera ce pays d'avant garde et qu'elle trouvera le moyen approprié d'accompagner la genèse de l'économie numérique et non la combattre tel un Don Quichotte.
Veuillez agréer, Monsieur le député, l'expression de mes respectueuses salutations.