Debian et RMS, la montagne a accouché d’une souris

Suite au retour de Richard Stallman (RMS) au board de la Free Software Foundation (FSF), pas moins de neuf anciens Debian Project Leader (DPL) – Neil McGovern, Stefano Zacchiroli, Ian Jackson, Lucas Nussbaum, Martin Michlmayr, Mehdi Dogguy, Sam Hartman, Sam Hocevar et Steve McIntyre – ainsi que l’actuel DPL Jonathan Carter, ont signé une lettre ouverte initiée par Molly de Blanc et intitulée An open letter to remove Richard M. Stallman from all leadership positions.

Rappelons que Richard Stallman n’est rien de moins que l’inventeur des quatre libertés essentielles définissant le logiciel libre et du concept juridique de copyleft, ainsi que le fondateur de la Free Software Foundation et du projet GNU (Linux sans le noyau).

Richard Stallman à la Fête de l'Humanité 2014 (par Thesupermat)

Steve Langasek a ensuite soumis une General Resolution (GR) proposant que la personne morale Debian soutienne officiellement la prise de position de ses leaders. Mais rien ne s’est passé comme prévu, et ce qui devait être un référendum consensuel a tourné au pugilat sur la mailing list debian-vote en mars et en avril, ces discussions publiques n’étant bien sûr que la partie émergée de l’iceberg.

Huit options ont finalement été soumises au vote :

  1. « Call for the FSF board removal, as in rms-open-letter.github.io« 
  2. « Call for Stallman’s resignation from all FSF bodies »
  3. « Discourage collaboration with the FSF while Stallman is in a leading position »
  4. « Call on the FSF to further its governance processes »
  5. « Support Stallman’s reinstatement, as in rms-support-letter.github.io« 
  6. « Denounce the witch-hunt against RMS and the FSF »
  7. « Debian will not issue a public statement on this issue »
  8. « Further Discussion » (default option)

Pour faire court, c’est l’option 7 qui l’a emporté : Debian will not issue a public statement on this issue. Voici une représentation du résultat du scrutin qui utilise la méthode Condorcet :

Résultat du vote de la GR concernant Richard Stallman

En s’essayant à un peu de taxinomie politique, on constate que les options peuvent être classées en trois groupes. Les options explicites, anti et pro parlent d’elles-mêmes, mais comment connaître l’orientation d’une option implicite ? Sans la condamner, mais en refusant de participer à une chasse aux sorcières, l’option 7 constitue bien un soutien implicite à RMS. Le nombre de voix par rapport à l’option par défaut Further Discussion est le moyen le plus simple d’évaluer ce vote :

  • anti-RMS explicite (droite) : options 1, 2, 3 et 4 pour 203 + 222 + 219 + 221 = 216 voix de moyenne
  • pro-RMS implicite (centre) : option 7 pour 277 voix
  • pro-RMS explicite (gauche) : options 5 et 6 pour 52 + 84 = 68 voix de moyenne

Concernant les suffrages exprimés, il n’y a donc pas eu de vol de scrutin et la méthode Condorcet évite effectivement les problèmes de type Ballon d’or 2018, où l’éparpillement des voix d’un camp permet à une option minoritaire de l’emporter. En effet, une large majorité des votants voulait la peau de RMS, mais cette large majorité voulait aussi préserver le projet Debian d’une explosion probable, et a permis à l’option centriste de l’emporter de justesse.

Cependant, le système de vote de Debian a failli sur un point fondamental mais qui n’avait pourtant jamais semblé poser problème jusqu’ici. En effet, un vote concernant une General Resolution n’est pas secret, ce qui est une pratique totalitaire qui doit être changée. On peut ainsi consulter le détail des votes de chaque votant. S’agissant d’un sujet aussi controversé, la sincérité du scrutin a très probablement été altérée par un taux de participation inférieur à ce qu’il aurait pu être, avec seulement 420 votants sur 1018 Debian Developers.

 

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