Les thématiques de l’été : Marc Shuttleworth et Ubuntu

Mark Shuttleworth

Mark_Shuttleworth_NASAUbuntu est née de la volonté de Mark Shuttleworth un richissime sud-africain rendu célèbre en devenant le premier touriste de l’espace en avril 2002. Il lui en coûta 20 millions de dollars à l’époque. La réalisation d’un rêve d’enfant rendue possible grâce à la vente de la société Thawte qu’il vendit en 1995 à Verisign en 1999 pour la somme de 575 millions de dollars.

Que peut-il se passer dans la tête d’une personne alors âgée d’à peine 30 ans dont on peut considérer qu’elle pourrait finir sa vie sans avoir besoin de lever le moindre petit doigt et qui a probablement déjà réalisé le rêve de sa vie ?

Mark Shuttleworth connait le monde du logiciel libre. Dans les années 1990 il travailla alors sur le projet Debian. Au travers de la Shuttleworth Foundation il participe également au financement de logiciels libres comme Freedom Toaster mais aussi de projets à caractères éducatifs en Afrique du Sud.

En 2004, il fonde Canonical qui devient le sponsor officiel du projet Ubuntu. Canonical emploie aujourd’hui 280 personnes sur l’ensemble de la planète et s’appuie sur une communauté de 12 millions d’utilisateurs. Cependant, ces derniers chiffres sont difficiles à vérifier. Il n’y a pas si longtemps que cela une petite guerre des chiffres avait eu lieu lors de la sortie de Fedora 10. Cette distribution revendiquant 9 millions d’utilisateurs.

Cela va peut-être faire un peu « attendu » comme commentaire, mais je ne peux faire autrement que d’avoir une admiration certaine pour cet homme. Devenir cosmonaute a dû demander une volonté de fer et un sens aigu de la négociation pour vaincre tous les obstacles bureaucratiques, mais aussi techniques et physiques.

Je ne crois pas que son voyage puisse se résumer à un simple chèque. Ce genre d’expérience doit certainement influencer votre façon de voir notre planète sans parler des sept mois d’entrainement à la « russe ».

Je vous incite à lire ces interviews si vous désirez en savoir un peu plus sur cet homme :

Ubuntu

“Ubuntu : un ancien mot bantou, quelqu’un d’ubuntu désignant une personne sachant que ce qu’elle est intimement lié à ce que sont les autres, donc il est parfois traduit en l’appliquant au « je » : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous » (Source Wikipédia)”On ne présente donc plus Ubuntu, la distribution GNU/Linux qui est devenu en l’espace de quelques années une des plus populaires. Popularité qui a attiré vers les logiciels libres toute une catégorie de passionnés d’informatique formatés aux usages Windows : « Suivant, Suivant, Terminer » et une certaine forme de simplicité qui n’est pas en soit répréhensible. Cependant, elle ne facilite pas forcément la prise en main des distributions GNU/Linux qui ne vous imposent pas de choix. Vous avez toujours la possibilité de modifier, configurer autrement, voir de changer de distributions. Un choix auquel ne sont pas habitués les utilisateur de Windows et qui peut donc les dérouter.

Popularité qu’il faut donc gérer et ce n’est pas forcément simple de canaliser les centaines de personnes qui tout les jours s’essaient à Ubuntu.

Popularité qui semble aussi provoquer des phénomènes jubilatoires amenant à des propos difficilement compréhensibles visant semble-t-il (où alors je n’ai rien compris ce qui reste possible aussi) à créer une dichotomie entre les « contributeurs » et les « simples utilisateurs ». Ce qui est le contraire même de la signification du mot bantou Ubuntu : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ».

Par certains aspects, Ubuntu semble parfois s’écarter de l’éthique idéaliste des logiciels libres au travers de concessions ayant pour objectif initial de simplifier la vie de l’utilisateur novice. Considérons qu’il s’agit là de pragmatisme. N’oublions pas le Bug 1 déclaré par Marc Shuttleworth le 20 août 2004 : « Microsoft has a majority market share«  (Microsoft a un part de marché écrasante »). Un des but d’Ubuntu est de corriger ce « bug », c’est l’objectif N°1 que s’est donné son créateur.

Il n’en reste pas moins que malgré ce succès et les incontestables qualités d’Ubuntu qui reste à mon sens une des meilleures portes de « sorties » de Windows, les chiffres demeurent têtus et la progression globale des distributions GNU/Linux ne connaît pas d’amélioration significative.

Ubuntu détient-elle la clef du succès ?

Sa stratégie de conversion basée sur la simplicité et une certaine similarité d’usage avec son concurrent Windows est-elle suffisante pour créer la « rupture » attendue par les usagers ?

J’avoue en douter pour l’instant. Quand je constate le tremblement de terre que peut provoquer Google en annonçant un système d’exploitation open source encore à l’état de projet embryonnaire, je me demande si la vérité ne serait pas ailleurs. Si Ubuntu ne devrait pas plutôt proposer une rupture complète avec les usages en cours, avec une nouvelle approche de ce qu’est un système d’exploitation et son éco-système applicatif.

Cependant je me rend bien compte que cette dernière phrase décrit en grande partie les logiciels libres. Alors cette « rupture » ne serait pas liée à la liberté. Autrement dit, ce n’est pas l’argument de la liberté seul qui fera basculer les utilisateurs vers une alternative à Microsoft Windows.

Ce qui pourrait provoquer dans l’état actuel des choses le basculement massif des systèmes d’exploitation propriétaires vers leurs équivalents open source serait purement marketing comme l’a si bien démontré Google.

Ce qui ne m’étonne guère, je ne crois pas que notre monde soit en mesure aujourd’hui d’appréhender ce que peut représenter la philosophie de la contribution qui sous-tend le logiciel libre. Il est encore probablement trop imprégné de consumérisme pour cela. Mais qui sait, les événements pourraient se précipiter dans les années qui arrivent face aux conséquences de la dépression dans laquelle nous entrons, car il faudra bien trouver des solutions.

Cela veut-il dire que l’OS de demain sera open source mais pas forcément libre ? Une affaire à suivre…

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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 03/08/2009. | Lien direct vers cet article | © Philippe Scoffoni - 2009

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