La formidable aventure de l’amendement 138 (suite, mais sans doute pas fin)

Je vous en avais déjà parlé le 21 avril dernier. À l’époque, la commission ITRE (Industrie, Recherche et Énergie) du parlement européen approuvait l’amendement 46, ex-138, par 40 voix contre 4, sans en modifier l’énoncé, donnant ainsi une nouvelle claque à l’HADOPI. Cependant, quelques temps après, Catherine Trautmann a cédé aux pressions et a proposé un compromis mou sur cet amendement, beaucoup moins dangereux pour la riposte graduée française puisqu’il ne gênait plus la mise en œuvre de la HADOPI, qui n’était menacée qu’à long terme si elle ne respectait pas la présomption d’innocence. Seulement voilà, nos euro-députés ne sont absolument pas satisfaits d’un tel recul et ont re-déposé l’amendement 138 original !
Malgré la tendance, partagée par bon nombre d’eurodéputés, de voter le compromis plutôt que l’amendement re-déposé, et sans doute aussi en réaction aux sensibilisations d’associations telles que la Quadrature du Net, l’ex-138 a vite retrouvé une popularité inquiétante pour les défenseurs du compromis mous et les pro-HADOPI, si bien qu’on a assisté, lundi dernier, à ce qu’il faut bien appeler une basse manœuvre politicienne. En effet, sur les feuilles de votes, l’ordre des amendements soumis au scrutin (à l’origine, l’amendement Bono avant le compromis), a été inversé, sans doute à l’initiative de celle-la même qui jubilait le 21 avril dernier : Catherine Trautmann. Dans le même temps, on a apporté une précision importante : si le texte de consensus était voté, l’amendement Bono n’aurait même pas été soumis aux votes ! Comme l’a déclaré Jérémie Zimmerman, de la Quadrature du Net, « Cela ressemble à une manipulation politicienne pour éviter de porter l’amendement 138 au vote ». En tout cas, ce petit jeu politique n’a pas été du goût des Verts européens qui ont, en séance plénière cette après-midi, demandé lors d’un rappel au règlement que l’on vote immédiatement l’amendement 138, avant le compromis de Trautmann. La présidente du Parlement a alors accepté, et c’est ainsi qu’elle a ouvert la voie à un nouveau plébiscite pour ce texte anti-HADOPI : l’amendement original, le dur, le vrai, a été voté par 407 voix contre 57, et 171 absentions, contre toute attente. Ce vote intervient alors même que le projet de loi HADOPI est en seconde lecture, à l’Assemblée Nationale. Gageons donc que nous en entendrons encore beaucoup parler dans l’hémicycle…
Voilà en tout cas un signal fort envoyé par les eurodéputés au gouvernement français : les parlementaires européens ne veulent pas de la coupure. Le souci, c’est que notre gouvernement est autiste et que nos ministres sont sourds.
Prochaine étape, sans doute (quoiqu’avec toutes les surprises que nous a réservé cet amendement, on n’est sûrs de rien), le Conseil refusera l’amendement, l’ensemble du Paquet Télécom (qu’on nous présentait pourtant comme important, essentiel en cette période de crise économique) sera donc renvoyé en Conciliation, et donc en troisième lecture… en septembre prochain !
Cela confirme, une fois de plus, que cet amendement 138 est un véritable phénix. Le compromis mou, l’inversion de dernière minute de la liste des votes ; encore une fois, rien n’a su le mettre à terre. Espérons que cela continue, même si le combat est de plus en plus rude et l’issue plus qu’incertaine…

Écrans.fr recense les réactions, qui s’enchainent, dans l’article « Amendement 138 : « L’arrêt de mort du projet de loi Création et Internet » » (n’hésitez pas non plus à jeter un œil aux articles sur le même sujet, à la fin, il n’y en a pas qu’un).

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Publié par Nicoz : 28