La tontine : un penny bien placé

La tontine{.left} La tontine : pensez à votre avenir, faites des projets, placez bien vos pennys, qu’ils disaient. Ca fait quelques jours que je n’ai rien posté. Normal, rien de bien passionant ici bas. Hier, on m’a proposé une réunion Tupperware financier : me faire l’article sur les tontines. Alors qu’est-ce qu’une tontine ? Quels sont mes projets ? Ai-je signé un contrat ? On va voir tout ceci.

Késako la tontine ?

Déjà personnellement, me parler de tontine, de placement ou simplement de mettre des sous de côté, ça me fait tout de suite penser à Mary Poppins.

Ca, c’est fait, comme on dit. Mais késako une tontine, bande d’ignards ? Selon la page wikipedia, ça serait : la tontine est un contrat aléatoire correspondant au financement collectif de l’achat d’un actif financier ou d’un bien dont la propriété revient à une partie seulement des souscripteurs. Voici pour la définition. Pour les curieux, je vous laisse lire le document pour l’histoire et les informations complémentaires. A l’habitude, c’est votre banquier ou un courtier en assurance qui vous contacte pour vous faire souscrire à une assurance vie ou un placement à long terme. Ca se passe en privé. Ici, le Conservateur utilise la technique des réunions Tupperware pour faire sa pub et attirer les clients mutualistes.

Indigestion … de chiffres

Après s’être fait mettre à l’aise par l’hôte de maison avec les classiques plateaux charcuteries/fromages/vins, le courtier commence son show. On va nous vendre l’histoire de la mutuelle non régie par un actionnariat et donc indépendante, vieille de près de 170 ans, oeuvrant toujours à l’intérêt de ses mutualistes, et toujours meilleure que la concurrence. Alors, oui, les chiffres annoncent beaucoup de choses, la revue de presse chante leur louange, mais bon il faut que ça interpèle. Le but premier est de vous faire réaliser que le modèle de retraite partagée auquel on participe en France n’est pas à notre avantage et qu’on sera tous en faillite une fois arrivé à la retraite et qu’il y a aujourd’hui (selon les chiffres) un manque à gagner de 20% entre ce qu’on va toucher et ce dont on va avoir besoin. Enfin 20%, c’est pour les employés. Pour les cadres ou professions libérales, c’est bien pire et monte jusqu’à 45%. Mais la tontine est là pour réhausser le sacro-saint pouvoir d’achat

Bref, des chiffres alarmistes pour vous dire une chose : faites des projets et mettez de l’argent de côté … dans une tontine par exemple. Alors, pour ma part, d’autres points me choquent : l’idée du projet qui sera respecté et l’argent mis de côté.

C’était mieux avant

Le Conservateur s’appuie sur son expertise de 170 ans pour nous garantir qu’il sait ce qu’il dit et que le modèle mis en place en 1844 est toujours valable aujourd’hui. Reste que le monde a changé, les moeurs aussi, tout comme les habitudes liées à l’emploi. Et que dire de la capacité des jeunes couples à pouvoir faire des projets ? Oui en 1844 ou encore pour la génération du baby-boom, il était courant de rester fidèle à son employeur toute sa vie, comme le couple était fidèle l’un à l’autre. Mais aujourd’hui, les changements de boulot en cours de route sont réguliers avec une moyenne, en 2010, de 7 ans pour 58% des actifs et 3 ans pour 25%. On est loin du poste à vie de nos parents. Et de manière amusée, les durées de vie des couples sont assez proches, avec un nombre sans cesse croissant des divorces. Alors les projets … Et c’est bien sûr sans prendre en compte une vie qui semble tenir à un fil toujours plus fin. La partie financière n’est pas en reste avec une succession de crises au XXe siècle et en ce début de XXIe siècle, des marchés financiers qui régissent toujours plus notre vie quotidienne et des conséquences pesant sur les moyens pécuniers des jeunes couples. Avec les frais quotidiens en perpetuelle augmentation et de manière bien plus rapide que l’inflation annoncée par l’insee et des salaires en régression, le niveau de vie de ces couples est loin d’être idyllique et mettre de côté des 200€ mensuels recommandés par le courtier s’avère un calvère financier. Et justement, cela empêche tout projet autre que la retraite et encore plus de se préserver de toute situation d’urgence.

Round 1 : fight !

Avec ces éléments et bien d’autres dans les manches de mon t-shirt, je titille le courtier qui se rebiffe tel un chihuahua dans le coin d’une pièce : ça montre les crocs, ça grogne pour démontrer que les chiffres ont raison. Tout ça dans le but de contrer les arguments et pouvoir rassurer le reste de l’assistance. Mais bon, il cherche mais n’y arrive point. Il n’est jamais bon de s’exciter pour se justifier et soutenir sa position. Et les chiffres, on leur faire dire ce qu’on veut. Maintenant, dans l’absolu, il a raison : il faut, tant que possible prendre les devants et prévoir notre vieillesse, comme il faut prévoir demain. La tontine permet à moindre coup de se composer un capital honnête. Le dernier exemple était d’ailleurs intéressant.

Round 2 : K.O.

Un couple de jeunes de 25 ans commence à se pencher sur la question. Chacun va mettre mensuellement 100€ répartis en deux tontines par tête (pour des raisons fiscales). La tontine choisie est une tontine avec rente sur 20 ans. Donc arrivés à 45 ans, ils se retrouvent avec leur rente. Cette rente, vu qu’ils n’en ont pas besoin (bah oui, ils bossent encore), il la réinvestissent de nouveaux dans des tontines de 20 ans avec pour objectif un capital. Arrivés à la retraite (oui on espère qu’elle soit toujours à 65 ans), le capital se débloque avec un joli montant de 372.000 € pour 48.000€ investi. C’est magique. C’est le rêve. Sauf que l’évolution de notre civilisation montre qu’à 65 ans on ne sera toujours pas à la retraite. Qu’on vivra toujours plus vieux. Qu’on changera toujours plus de taff. Que mettre de côté 200€ à 25 ans, c’est déjà trop tard. Qu’on devrait mettre 800€ tous les mois à 45 ans pour compenser, chose qui ne se fera pas. Bref, les chiffres du courtier annoncent le miracle qui existerait si l’on vivait encore 30 ans plus tôt, ce qui n’est pas le cas.

And the winner is …

Le concept de reprendre les réunions Tupperware pour présenter des produits financiers fait son affaire puisque l’ambiance est plus détendue, et que l’échange avec le courtier est plus franc et plus intéressant. Une heure de show, c’est chaud. C’est épuisant pour lui, mais un régal pour une personne comme moi. On ne peut que réagir. On essaie alors d’imaginer, de prévoir. Mais la vie est faite de contre projets qui remettent toujours tout en question, de nos jours. Pour autant, rien n’empêche de tenter de sauver nos vieux jours. Pas de signature, mais un intérêt relevé. Pour clore, juste un phrase qui peut prendre son importance ici : faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore pas votre rêve.

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Publié par Francois Aichelbaum : 171