Montrer n'est pas vouloir convaincre

Imaginez que vous ayez trouvé une pratique qui vous change la vie. Cela vous plaît vraiment, vous apporte plein de possibilités, vous permet d’apprendre, de pouvoir développer encore plus vos talents et passions ou simplement d’être un outil pratique pour une utilisation quotidienne simple et efficace.

Vous avez trouvé ? ‌‌

Bon maintenant, et comme vous êtes convaincus que ce que vous avez adopté est merveilleux et devrait être utilisé par tout le monde, vous n’avez plus qu’une idée en tête : prévenir la planète que vous avez trouvé le Graal et convaincre ses habitants qu’ils doivent faire comme vous. D’ailleurs, vous comencez déjà à trouver d’autres adeptes qui sont de cet avis et ont aussi pour objectif de convertir tout le monde.‌‌

Et il y a même d’autres groupes de gens qui ont à peu près le même but mais avec quelques variantes. Et c’est là que ça commence à se gâter. Sur deux plans : entre ces petits groupes et vis-à-vis du monde à conquérir.

  • par rapport à l’extérieur parce qu’il est difficile d’avoir un discours unanime, ou alors en admettant des compromis. Les seules organisations qui ont réussi à le faire étaient celles à structure pyramidale avec si possible un seul décideur tout puissant à sa tête. Une façon de faire qui n’est plus très en vogue.‌
  • en interne, c’est encore plus compliqué parce que lorsque quelqu’un présente quelque chose, certains adorent, d’autres apprécient avec certaines réserves mais quelques-uns trouvent cela contraire à l’idée de départ et font savoir leur mécontentement au maximum de membres pour les rallier à leur point de vue.‌

M’adressant ici sous une identité de libriste à un public en principe intéressé par le sujet, vous pensez sans doute que je parle des communautés du libre, du xscreensaver-gate, de Arch vs Debian, voire même des pro ou anti SystemD ? Et bien non, enfin pas en particulier car cela peut aussi bien s’appliquer au libre qu’à la pratique d’un art martial, un mouvement politique, une association écologiste, ou même une religion. Vous pourriez penser que cette dernière mention est déplacée dans une société de plus en plus laïque ? Mais j’y ai déjà fait allusion, ce n’est pas en mettant sous le tapis le moindre aspect religieux que ses influences historiques cessent d’agir sur nos comportements.‌

Et reprenez maintenant le début du billet en y mettant comme pratique formidable celle d’une religion, vous le comprendrez mieux. Et si vous remplacez maintenant la religion en question par l’activité que vous tentez de promouvoir (ce n’est pas pour rien que j’ai utilisé les termes comme adepte ou convertir, d’autres vont jusqu’à utiliser celui d’évangéliste en pensant que cela est totalement neutre), et vous vous rendez alors compte que votre façon de faire est proche du fanatisme, d’ailleurs le terme d’intégriste est souvent employé.‌

Personnellement, dans toutes les pratiques que j’ai adoptées et que je juge personnellement comme bien meilleure que celles des autres, je n’ai jamais essayé de convaincre qui que ce soit. Je ne cache pas mes choix et je peux en donner les raisons si on m’interroge dessus mais sans jamais dire que les autres ont tort de ne pas faire pareil. Je crois en la pédagogie par l’exemple. Si quelqu’un considère que je suis quelqu’un de bien, il tentera de faire comme moi et suivra mon exemple avec son approche personnelle. Si je fais cela, c’est aussi parce qu’aucun de mes choix n’a été fait parce que quelqu’un a essayé de m’en convaincre mais parce que j’ai décidé personnellement de le prendre sur un ou plusieurs exemples de personnes qui me donnaient envie de les suivre. Pourquoi devrais-je tenter de convaincre les autres alors que je ne supporte pas qu’on essaie de me convaincre ?‌

Cela n’empêche pas de rendre public les choses que l’on parvient à accomplir grâce à nos pratiques, mais on donne plus envie aux autres de nous rejoindre en disant ce que l’on peut faire mieux qu’en leur disant que leurs choix sont mauvais, d’autant qu’ils n’en ont peut-être pas pris conscience ou qu’ils ne connaissent pas d’alternative.‌

Alors, j’ai déjà prôné qu’il valait mieux être positif et encourager ce qu’on aime plutôt que de dénigrer ce que l’on n’aime pas. Quand je lis Cyrille qui me cite à ce propos, j’ai l’impression qu’il me décrit comme un positiviste adepte de la méthode Coué : "Je vais bien, tout va bien !"‌
Ce n’est pas du tout le cas. Relisez mes billets, au hasard sur Firefox OS : j’ai toujours été enthousiaste mais jamais aveugle. J’ai toujours fait une critique en donnant aussi bien les avancées que les manques ou les choix qui me semblaient peu judicieux.‌ ‌ Pour résumer, je n’essaie donc jamais de convaincre, j’essaie juste de donner des arguments sur mes choix. Si je trouve quelque chose de mauvais, je ne m’en occupe pas. Si je trouve quelque chose d’ameliorable, je fais part de mon avis à la personne concernée. Si je trouve quelque chose de bon, je l’utilise et je le dis publiquement sans omettre les éventuelles failles ou contre-indications. Parce que mes choix ne sont pas forcément bons pour tout le monde et parce que vous avez aussi à faire les votres selon vos besoins, vos envies, vos capacités.

Mon seul but est de mener un peu plus loin celui qui est déjà convaincu et de partager avec lui les pistes que j’ai trouvé pour qu’il en fasse l’usage de son choix.
Une vision du libre parmi d’autres... .

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