#PJLrenseignement : censure et surveillance pour tous
Alors que le gouvernement français censure ses premiers sites, des propositions d'élargissement de la loi actuelle font leur apparition. Pire encore, avec un nouveau projet de loi ayant pour objectif de surveiller tout le trafic des internautes français, nous assistons à la naissance d'un Etat policier, avec l'application des mêmes méthodes de surveillance que la France vend à la Lybie. Quels sont les dangers pour nos libertés individuelles ? Est-ce la fin de la démocratie en France ? Ces méthodes sont-elles efficaces ?
Le Patriot Act est une loi américaine votée le 26 octobre 2001, en réaction aux attentats du 11 septembre 2001. Cette loi, permet aux agences fédérales de "détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste", de plus la loi autorise pour ces agences, le droit "d'accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable et sans en informer les utilisateurs". (wikipedia).
Puis avec Edward Snowden, en 2013 sont rendus publique des preuves de la surveillance massive du trafic Internet, par l'Agence National de la Sécurité (NSA).
Je vous renvoie à la page Wikipedia "Les Révélation d'Edward Snodew" pour en savoir plus.
Il est important de bien comprendre ces trois points :
- Aucune autorisation juridique n'est nécessaire (l'enquêteur accède directement à toutes les données qu'il souhaite)
- La surveillance est massive (tout le monde est espionné, même la famille Michu, et on fait le tri après)
- Personne ne contrôle les surveillants (ils peuvent faire ce qu'ils veulent)
"J'm'en fous j'ai rien à cacher"
Tout le monde à quelque chose à cacher ! Sinon pourquoi est-ce qu'on utiliserait des mots de passe ? Imaginez le facteur qui ouvre et lit votre courrier avant de vous le remettre, comme ce fut le cas pendant la Première Guerre Mondiale, où les lettres des poilus arrivaient censurées au feutre noir, pour que l'horreur de la guerre ne soit pas rendue publique.
Il faut bien comprendre que sans le respect de la vie privée, il n'y a pas de liberté d'expression. Comment peut-on s'exprimer librement si on se sait surveillé ? Oseriez-vous toujours chanter sous la douche, si vous vous savez écouté ?
Bien sûr l'usage de nos données privées peut aller bien plus loin, comme l'explique Korben dans un article traitant de la domotique :
- Korben, Samsung nous dévoile un futur technologique effrayant
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que nous avons tous une vie privée, une intimité, des opinions, que nous souhaitons partager (ou pas) avec les personnes de notre choix. Nous avons tous quelque chose à cacher et c'est normal, ça ne fait pas de nous des terroristes.
Internet censuré à la demande
En France, et plus largement en Europe, suite aux révélations de Snowden, la classe politique est stupéfaite, on découvre même que 35 chefs d'états sont écoutés, dont la chancelière allemande Angela Merkel, mais finalement tout ce bruit ne mènera nulle-part. Pire encore, des discussions entre les gouvernements français, allemand et américain vont avoir lieu sur la question du renseignement, dans l'objectif de mettre en œuvre des dispositifs conjoints de lutte contre le terrorisme, par le biais du renseignement.
C'est finalement à la suite des attentats du 7 janvier 2015, que le gouvernement français fait appliquer une nouvelle loi "anti-terrorisme". Celle-ci autorise le ministère de l'intérieur à demander aux principaux FAI français, de faire mentir leur DNS. Bien sûr sans aucune approbation juridique. Les FAI doivent, à partir d'une liste d'URL, modifier leur DNS pour que cette URL soit non pas redirigée vers l'adresse IP du site, mais redirigée vers une page statique. Si l'aspect technique vous intéresse, je vous conseille cet article.
Il s'agit bien de censure, ni plus, ni moins. Rendez-vous compte qu'avec cette loi le gouvernement peut ordonner, sans décision d'un juge, de bloquer l'accès à un site. Alors oui, on parle de site pédopornographique ou pro-terrorisme, mais des propositions ont déjà été faites pour étendre la censure aux sites diffusants des propos racistes, des insultes envers les élus et des services de prostitution.
Inutile de préciser que le gouvernement a connaissance des adresses IP qui sont redirigées vers ces pages...
Dernières proposition en date, par le ministre de l'intérieur M. CAZENEUVE : prévenir les mouvements sociaux. En d'autres termes, il est question de donner à la Police les moyens d'intervenir, grâce à la surveillance, avant que de vilaines personnes (qui ?) n'agissent (pour faire quoi ?). Un mouvement social, ça peut très bien être un groupe d'extrémistes qui agresse des personnes devant un lieu de culte (exemple donné par M. CAZENEUVE lui même), ou bien les manifestants opposés au barrage de Sivens. Oui la loi est aussi floue que ça. Quelle serra la prochaine étape ? Minority Report ?
En plus de mettre un terme à la liberté d'expression, vous comprendrez bien qu'une loi aussi floue sur les conditions d'application de la censure et avec l'absence de contre-pouvoir réel, les dérives vont se faire nombreuses. En fait c'est déjà le cas. Sa première application est le site islamic-news.info. En effet, dans un communiqué à Numerama, le propriétaire du site s'est exprimé en ces termes :
Après avoir été contacté par le journal Le Monde, le Ministère de l'Intérieur, c'est justifié en expliquant que la censure de ce site fut motivée par l'hébergement d'un enregistrement audio d'un discours de Al-Baghdadi, l'un des leader de l'Etat Islamic.
Admettons, mais plutôt que d'appliquer une censure bête et méchante, n'était-il pas préférable de contacter l'hébergeur du site, ou mieux son auteur ?
Tous les français sont-ils surveillez ?
La majorité des sites web et des services en lignes que nous visitons sont hébergés aux Etats-Unis. Google, Facebook, Twitter, Youtube, Twitch, Dropbox, Amazon, sont tous soumis au droit américain, et donc au Patriot Act ou aux programmes de surveillance de la NSA. Bien sûr, aucune différence n'est faite entre les citoyens américains et les autres. Ainsi, même si actuellement le gouvernement français ne surveille pas directement ses concitoyens (jusqu'à preuve du contraire...), mais puisqu'il collabore avec les Etats-Unis, nous sommes déjà tous surveillés.
Et les choses vont encore empirer. Deux jours après le blocage administratif de 5 sites web, un projet de loi sur le renseignement est déposé :
- Accès en temps réel aux données de connexion
- Identification automatique de comportement suspect sur Internet
- Accès aux e-mails et autres données privées
- Enregistreur des frappes au clavier (keyloggers)
- Mise sur écoute, installation de micros ou de caméras
- Intercepteurs de communications
Tout ceci sans autorisation préalable d'un juge, bien entendu.
Le GLINT, une boite noire pour les FAI, développée par la France pour la Libye de Kadhafi
Cette surveillance de tous les internautes sera possible grâce à la mise en place de "boites-noires" chez les principaux FAI français (Numericable-SFR, Orange, Bouygues, Free). Ces équipements analyseront tout le trafic Internet qui transite par le FAI, et devront à partir de modèles comportementaux, alerter le ministère de l'intérieur des comportements suspects.
La France un Etat policier ?
Imaginez ces outils entre les mains de Marine LE PEN, alors à la tête du gouvernement, suite aux élections présidentielles de 2017, et surveillant tous ses opposants, journalistes ou politiques, pour les réduire au silence. Ces méthodes de censures et de surveillance sont aujourd'hui employés par les "gouvernements" lybien, chinois ou coréen, est-ce un exemple à suivre pour la France ?
Mais plus proche de nous, comme le rappel reflets.info dans l'article Censure et surveillance administrative : l’essence de la tyrannie, les occidentaux ont déjà connu ces méthodes avec la Stasi :
- Reflet.info, Censure et surveillance administrative : l’essence de la tyrannie
Le parallèle, avec le nouveau projet de loi sur le renseignement, est évident. D'importants pouvoirs sont donnés aux acteurs du renseignement et personnes pas même la justice ne peut intervenir ou contrôler ces activités de surveillance. Il n'existe pas de réel contre-pouvoir, et l'Histoire a déjà démontré les conséquences que cela peut avoir. Le juge anti-terrorisme Marc Trévidic, contacté par le journal l'Express, exprime ses inquiétudes :
Par ailleurs, je vous conseille cette infographie, qui explique pourquoi la France n'est pas une réelle démocratie.
Ces méthodes sont-elles efficaces ?
Sans contrôle, impossible de le savoir. Ce qui est sûr, c'est que cette surveillance massive est paradoxale avec le besoin d'efficacité, recherché par les gouvernements, pour accélérer les enquêtes et agir vite avant un drame. Récolter des milliards de données, massivement et sans but, ne permet pas d'être efficace.
De plus, généraliser ainsi la surveillance et la censure ne fera que motiver les "potentiels suspects" à se diriger vers des solutions de contournement (DNS alternatif, VPN, réseau TOR, cryptage des communications, etc), leur permettant d'échapper à la censure (et d'accéder aux sites censurés), et d'échapper à la surveillance massive. Jolie publicité.
Et non, il n'est pas nécessaire d'aller à l'étranger pour accéder à un site censuré, puisqu'il suffit de changer un seul petit paramètre de votre Windows/Linux/Mac OS, pour y avoir accès.
Ajoutez à cela, la publication en ligne des sites censurés (que l'apprenti terroriste pourra alors visiter, comme on vient de le voir), l'Etat fait la promotion de ce qu'il souhaitait alors faire disparaître. C'est ce qu'on appelle l'effet Streisand.
Enfin, une étude de la New American Foundation, montre que sur 225 actes terroristes, la part que représente la NSA dans la résolution des enquêtes est extrêmement faibles (en bleu ci-dessous). Les méthodes traditionnelles sont les plus efficaces.
Agir contre le #PJLrenseignement et le #PJLsurveillance
Derrière ces deux hashtags, la colère des internautes gronde. Le projet de loi sur le renseignement sera voté à l'Assemblé Nationale le 13 avril et il faut agir rapidement. Une seule solution : convaincre nos députés de voter contre cette loi. Et pour ça il faut une mobilisation des citoyens.
La Quadrature du Net a mis en ligne le site : sous-surveillance.fr qui vous permet d'appeler les députés, gratuitement via votre ordinateur (à la manière de Skype). Ce site vous indique aussi les comptes Twitter de chaque député, vous permettant de les contacter par ce biais. Enfin, il est toujours possible d'envoyer un mail, en vous aidant de cette page.
Je vous invite à regarder la conférence de presse organisée par La Quadrature avec des intervenants de La Ligue des Droits de l'Homme, d'Amnesty Internationale, de Reporters sans Frontières et du Syndicat de la Magistrature.
L'OSCE (L'organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) à d'ailleurs dénoncé l'atteinte à la liberté d'expression que provoque ce projet de loi sur le renseignement.
Le 11 janvier 2015, journée historique, nos représentants politiques ont marché à nos cotés sur Paris, pour défendre la liberté d'expression, ce sont ces mêmes politiques qui aujourd'hui votent des lois liberticides et qui vont faire de la France cet Etat policier. C'est nous mentir que de dire aux citoyens que ces outils servent uniquement la sécurité nationale. Ca va plus loin que ça. Internet fait peur aux gouvernements. Imaginez un lieu où la liberté d'expression est la plus complète possible, où chacun peut dire ou écrire ce qu'il pense et critiquer ou dénoncer sans limites le pouvoir en place. Internet est un lieu de partage d'informations et de cultures. C'est pourquoi, les gouvernements quels qu'ils soient, n'ont de cesse que de mettre un terme à ces libertés. C'est ce qu'ont montré les projets de lois tel que SOPA ou ACTA, et tous les autres qui reviennent chaque année menacer et mettre à mal un peu plus nos libertés. Un Internet libre, c'est pour moi la meilleur preuve qu'on vit dans une démocratie.
Images : reflets.info, LoreeJoe
Un article à retrouver sur P3ter.fr