Aimer le logiciel libre sans masochisme ni intégrisme, possible ?
Que leur prend-il en ce moment ? Un coup de fatigue ? La déprime à force de voir le logiciel libre reculer là où il avait réussi à s’implanter ? Il est vrai que Microsoft est toujours présent dans l’éducation avec son rouleau compresseur Office365 que Cyrille est contraint d’utiliser en remplacement de Zimbra.
Sur le blog-libre, Cyrille nous explique que le logiciel libre c’est souvent rugueux et difficile à utiliser. Faire le choix du libre relève donc d’une forme de masochisme. Je ne lui donne pas tort. Allez jusqu’au bout de la démarche, du système d’exploitation aux logiciels relève souvent du combat. Pourtant, le tableau n’est pas si noir et si on se restreint quelque peu, les problèmes ne sont pas si nombreux, du moins pas plus nombreux que sous Windows, on finit par l’oublier.
Et puis, il existe des positions intermédiaires entre le tout libre et le tout propriétaire où les logiciels libres peuvent proposer de belles alternatives sans être une source de soucis. Encore une fois, il s’agit de choix et de se limiter à ce qui marche. Les utilisateurs sous Windows ont une bonne marge de manœuvre pour libérer petit à petit leur informatique.
Le logiciel libre rugueux, ce n’est pas non plus une fatalité. C’est juste une question de moyens. Aucune distribution GNU/Linux n’a les moyens d’un Microsoft ou d’un Google. Le « vrai » logiciel libre n’est pas fait pour se développer dans notre économie de la rareté. Il est fait pour l’économie de l’abondance. Hélas, celle-ci n’existe pas à ce jour…
Ce qui m’inquiète un peu et que dénonce à sa manière le père Frédéric c’est une forme de « durcissement » des libristes. Un durcissement que je retrouve également dans les propos de Cyrille qui fait un appel à réveiller l’intégriste qui sommeillerait en chaque libriste… Un appel selon lequel, si un individu n’a pas compris ce message [NDLR : celui du libre] c’est que sur le papier il ne sert absolument à rien.
Je cite encore Cyrille :
Les gens doivent venir au libre pour les bonnes raisons, la compréhension en fait partie, mettre un système d’exploitation libre ou un logiciel libre à quelqu’un qui ne comprend rien ne le transformera pas en libriste donc en potentiel contributeur.
Même si les gens comprenaient, ils ne pourraient que difficilement contribuer. Nous vivons avec une monnaie dont le code est propriétaire et dont l’émission est contrôlée par une minorité toujours plus riche. Comment contribuer financièrement alors qu’il faut d’abord penser à manger…
S’ils n’ont plus d’argent, alors, il leur reste sûrement du temps ? Même pas… Ils sont trop occupés à alimenter la machine numérique de leurs données personnelles. Antistress, pourtant libriste convaincu en vient même à dire qu’il vaut mieux utiliser Bing plutôt que Google. Même le numérique selon Google, Apple, Facebook et Amazon se retourne contre le logiciel libre.
Le plus drôle c’est que cette machine numérique est elle-même construite avec des logiciels libres. Sans eux, elle n’aurait pas pu exister. C’est ce que l’on dit lorsque l’on veut convaincre quelqu’un de l’intérêt du logiciel libre. Au final, c’est tout sauf l’utilisateur qui est libéré. Monnaie privatrice, numérique privateur, nous voilà bien.
Mais un utilisateur qui ne « sert à rien », c’est un utilisateur de plus quand même. Si lui n’a pas conscience de s’être libéré, vous l’êtes pour lui. Une forme de « charité » envers son prochain. Cela fait partie de mes valeurs. Il ne peut pas y avoir « eux » et « nous ». Quant à tous ces mots en « isme » ou « iste », il faudrait commencer par les bannir de notre langage tout comme le mot « libriste ». Je ne suis pas un libriste.
Nous vivons entre deux mondes, il faut bâtir des ponts entre eux pour faire traverser un maximum de monde, même si ceux qui les empruntent ignorent là où ils les conduisent. La compréhension surgira lorsqu’ils se rendront compte qu’ils ont toujours leurs données grâce aux logiciels libres qu’ils ignoraient utiliser. Et parfois il nous faut faire le chemin inverse et aller dans leur monde pour les pousser un peu vers la lumière…
Finalement, je constate que je suis d’une belle constance dans mes valeurs et opinions en relisant ce billet d’il y a quatre ans (je me jette des fleurs, ça fait du bien). J’ai franchis un pont de plus depuis en étant désormais actif sur Facebook. D’ailleurs, ces réflexions sont issues d’un tchat hier soir sur ce dernier avec Patrick d’Emmabuntüs.
Rassurez-vous je suis aussi sur Diaspora. Mise à jour de mon thème prochainement avec le remplacement de l’icône de StatusNet par Diaspora. Comme quoi les réseaux sociaux, même libres ne sont que du flux appelé à disparaître. Mais ma petite maison numérique reste toujours debout
C’était la minute philosophie de comptoir. C’est vrai ça donne soif
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 03/06/2014. | Lien direct vers cet article
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