Le livre «Facebook, anatomie d’une chimère» : court et complet
Le livre «J’aime pas facebook» du groupe Ippolita convient parfaitement à celles et ceux déjà rôdés un tant soit peu par les multiples facettes de la question, et passablement motivés de se taper un ouvrage long et «cher».
Heureusement, les éditions du Collectif des Métiers De l’Édition (CMDE) nous livrent avec «Facebook, anatomie d’une chimère» un livre court, accessible au profane, (presque) complet et pas cher : voilà l’heureux élu que vous pourrez acquérir, prêter et offrir autour de vous.
L’ouvrage de Julien Azam traite de plusieurs points essentiels pour dessiner un contour complet de la chimère : le modèle économique basé sur la publicité et la collecte des données personnelles des utilisateurs (et sa vente, son échange ou sa «perte» au bénéfice de multiples acteurs), le modèle prôné de société hyper-capitaliste, l’apparence de l’amitié et le rapport au monde que l’on se forge à travers de l’usage de facebook, son pseudo-rôle dans les révolutions arabe, et enfin facebook comme outil de contrôle social.
Un point fort du livre est qu’il adopte une vision globale, étant donné que «une critique cohérente des réseaux dits sociaux ne peut pas faire l’économie de la critique plus globale de la société dans laquelle ils s’inscrivent». Nous croiserons donc de multiples références à «La société du spectacle» de Debord ou à Marx. Et le langage reste simple. L’auteur a également fait attention à rendre son ouvrage accessible aux «dépassés, déconnectés et inadaptés au monde actuel» par un utile rappel en début d’ouvrage, et en ne l’alourdissant jamais de termes abscons.
Néanmoins, l’auteur tombe de temps en temps dans des facilités et certaines parties auraient bénéficées d’être plus fournies. Nous avons été gênés par ce que nous qualifions de «tics de rédaction». Par exemple, dire que «les sites communautaires […] ont rendu familière jusqu’à la tendance de gérer sa vie sur Internet» (p.28) nous parait une affirmation d’abord trop généraliste, une phrase qu’on dirait formulée par des critiques n’ayant jamais utilisé de site communautaire, et elle nous parait trop alarmiste. Ce genre d’affirmation fait croire à une intelligence propre de la technologie et participe ainsi à la construction de la chimère (de chimère : vaines imaginations (dictionnaire É. Littré)). Autre exemple relevé page 43 : «les réseaux sociaux promettent un changement majeur dans le fonctionnement social des années à venir, obligeant à y adhérer,sous peine de se priver de vie sociale ou de ne pouvoir accéder que de manière marginale à internet». Si de nombreux arguments peuvent aller en ce sens, et nous lisons des nullités de ce genre sur lemonde.fr (de nombreuses affirmations de cet article sont tout bonnement fausses), cette phrase souffre des mêmes travers.
Quand l’auteur attaque très justement Suckerberg et sa croisade hyper-capitaliste, nous avons envie de lui faire lire la partie équivalente de «J’aime pas facebook», autrement plus complète. Ici, l’auteur s’en tient à Suckerberg et lui impute toutes les responsabilités, sans parler des investisseurs aux manettes qu’un article du Guardian a pourtant mis en lumière depuis longtemps. C’est néanmoins le seul manque que nous avons décelé.
Enfin, et vous ne serez pas surpris, nous regrettons plus sincèrement le manque de vision alternative et constructive. Le lecteur se sent bien démuni en sortant de sa lecture (et c’est pareil avec «J’aime pas Facebook»). La notion de réseau centralisé est très bien expliquée. Mais les mots «distribué» ou «décentralisé» n’apparaissent jamais ! Nous ne reprochons pas au texte de ne pas même évoquer des réseaux différents (libres et distribués) qui essaient de faire des choses différemment (n-1 de Loréa, Diaspora dont la notion d’amis n’est pas totalement binaire, …), bien au contraire (si nous aimons les réseaux libres et distribués, nous gagnerons également à lire ce livre). Bien que ce ne soit pas le but du livre, il manque quand même des pistes pour penser ces technologies (et Internet) autrement.
C’est pourquoi nous vous invitons à acheter ce livre (il vaut bel et bien le coup d’être lu, nous y apprendrons tous des choses), et à l’offrir en l’accompagnant… de notre brochure
«Facebook, anatomie d’une chimère», Julien Azam, éditions CMDE, 11€, 90 pages. Sorti le 7 février 2013, disponible dans toutes les bonnes librairies.
edit : si vous êtes une association, à plus forte raison un GUL, le CMDE peut vous envoyer gratuitement un service de presse du livre contre paiement des frais de port (1,70€ payables par l’envoi d’une vignette de La Poste). Ils peuvent ensuite vous le vendre avec une remise de 40% pour que vous le vendiez auprès de vos adhérents.
Alternatives à Facebook, libres et décentralisées
Penser internet autrement : «Sans médias libres, pas de liberté de penser», Eben Moglen
Classé dans:alternatives à facebook, analyse critique de facebook, critique de facebook, critique facebook, enjeux politiques, livre sur facebook, quitter facebook, réseaux sociaux Tagged: analyse critique de facebook, critique de facebook, livre, planet-libre