Logiciel libre et analyse de la valeur
Le concept d’analyse de la valeur date d’après guerre. Appliqué au développement d’un logiciel, il offre une façon pertinente d’analyser les évolutions que l’on souhaite apporter à ce dernier. Mais son utilisation reste souvent marginale en informatique. Pourtant, c’est une bonne façon d’éviter les “faux besoins” et d’optimiser les coûts d’un projet. Une méthode qui appliquée aux logiciels libres permettrait peut-être de limiter les tentations de fork, développement de logiciels déjà existants, etc…
Analyse de la valeur
Née à la fin de la seconde guerre mondiale et formalisée par Lawrence Delos Miles, ingénieur à la General Electric, l’analyse de la valeur selon l’AFNOR se définit comme :
Une méthode de compétitivité, organisée et créative, visant à la satisfaction du besoin de l’utilisateur, par une démarche spécifique de conception, à la fois fonctionnelle, économique et pluridisciplinaire. La valeur d’un produit est une grandeur qui croit lorsque la satisfaction du besoin augmente et/ou que le coût du produit diminue. La valeur peut donc être considérée comme le rapport entre l’aptitude aux fonctions divisée par le coût des solutions.
Appliqué à l’informatique, cela nous donne une méthode de conception qui met en balance les services rendus par un produit, une application ou une prestation, avec ses coûts initiaux : la valeur étant mesurée au regard du niveau de satisfaction client ou en fonction de la réduction de l’investissement.
Il s’agit donc d’aller au-delà de la simple spécification des fonctionnalités et d’analyser pour chacune la valeur qu’elle apporte au projet au regard de son coût. Il ne s’agit d’ailleurs pas que de réduction de coût, mais bien aussi d’une logique d’amélioration des services fournis aux utilisateurs.
Application au domaine du logiciel libre
Il ne faut pas oublier non plus que l’analyse de la valeur est née d’une nécessité : résoudre un problème de pénurie de matériaux nobles. Le temps est une denrée rare et coûteuse. Le logiciel libre a réussi ce tour de force de créer des quantités de logiciels grâce au temps consacré par les contributeurs. Un temps et un travail parfois non rémunérés.
En reprenant le concept de l’analyse de la valeur et en l’appliquant systématiquement au développement des logiciels libres, je me demande s’il n’y aurait pas là un facteur d’amélioration de l’efficacité globale du système.
Prenons un exemple volontairement simpliste pour illustrer le principe. Je souhaite développer un nouveau webmail. Déjà on peut se poser la question de la valeur globale de ce projet. Ce type de logiciel n’existe-t-il pas déjà ? Si oui quelle est la valeur supplémentaire que vont apporter les fonctionnalités que j’ai imaginées et pour quel coût ? Sur un projet de ce type, il y a fort à parier qu’il n’y ait guère d’intérêt à se lancer dans un développement en partant de zéro.
C’est l’identification des fonctionnalités ayant une valeur significative qui va donner la réponse. Si ma valeur ajoutée se situe par exemple sur la gestion des emails et d’une fonction à la Gmail de tri “intelligent”, j’ai probablement intérêt à contribuer à un projet de webmail pour lui apporter cette nouvelle fonction. Reste à choisir le webmail en question et là ce sont probablement des considérations de proximité technique et de langage de développement qui vont guider le choix sans oublier l’ouverture de la communauté pour accepter la contribution…
Si ce type de raisonnement était plus souvent appliqué dans le monde du logiciel libre et si, il était considéré comme “honteux” de développer ce qui existe déjà, il est probable qu’il y aurait moins de doublons et dispersion. Mais voilà, cela implique aussi de laisser son ego de côté pour n’être qu’un “simple” contributeur et pas le leader solitaire d’un projet.
Alors, si je devais donner un conseil à des développeurs désireux de créer un logiciel libre, je leur dirais qu’ils se posent bien la question de la valeur de ce qu’ils s’apprêtent à faire. Le temps dans le monde du logiciel libre est un bien précieux, alors prenons le temps de réfléchir à ce que nous allons faire. Il est déjà possible de faire tant de choses avec ce qui existe et qui ne demande qu’à être amélioré et complété.
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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 16/01/2013. | Lien direct vers cet article
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