Marre des aquariums
Deux expériences récentes m'ont conforté dans l'importance de supporter le Libre et rappelé que la bataille ne se joue pas que dans la sphère professionnelle, bien au contraire.
Par confort (et la faiénantise n'est jamais loin), j'avais acheté un boitier multimédia il y a 3 ans à l'époque ou le Media Player de mon fournisseur Internet montrait ses limites à streamer certains formats vidéo du PC à la TV. Le boitier a bien rempli son rôle, on l'allume en même temps que la TV, il démarre en 3s et il décode quasiment tout. Simple comme un téléphone à compote ;-) Seulement deux ans plus tard, on est passé de "il décode quasiment tout" à "il décode pas mal de trucs". Confiant, je saute sur mon panda roux pour naviguer sur la toile, me disant qu'il existe probablement des mise à jour de firmware chez le constructeur ou mieux un firmwware alternatif développé par des passionnés qui rajoute des fonctionnalités. Et bien choux blanc ! Le constructeur préfère sortir des nouveaux modèles que rallonger la durée de vie des anciens. Rien d'étrange à cela, il s'agit d'une société commerciale dont l'objectif premier est de réaliser du chiffre d'affaire. Quant aux passionnés, ils existent certainement mais soit le boitier multimédia est très bien verrouillé, soit le challenge attire moins les foules que craquer la dernière console à la mode. Au final, je me retrouve avec un boitier multimédia en fin de vie car son logiciel n'a pas évolué depuis 2010. Sanction méritée ! J'ai clairement manqué de nez en choississant un constructeur qui ne déverrouille pas ses firmware, qui n'anime pas une communauté de passionnés de ses produits. A refaire aujourd'hui, je miserai sur un mini PC avec une GeeXboX ou un truc du genre, en tout cas une solution plus pérenne où le logiciel n'est pas fermé.
La deuxième expérience ou plutôt désillusion concerne la nouvelle console portable de Sony. C'est Noël et l'unique cadeau que désire mon fils c'est une Vita. C'est cher mais toute la famille met la main à la poche et on achète le fantasme. La console est offerte avec deux jeux. Première chose qui me fait tiquer, pas de jeu dans le carton mais deux coupons pour les télécharger sur le Store. Adieu donc la possibilité de les revendre à la boutique d'occasion du coin quand on en sera lassé afin d'acheter un autre titre. Etant moi-même un joueur occasionnel sur PC avec un compte Steam je digère l'info : on (et je m'inclus) a tué le marché de l'occasion PC, celui des consoles va suivre et nous crèverons avec nos identifiants en emportant nos téléchargements dans la tombe (je vous renvoie à la chanson 'Société Anonyme' d'Eddy Mitchell). En bon parent, nous suivons les règles établies : j'ai un compte principal car je suis majeur et je crée un compte secondaire pour un enfant de 10 ans qui est associé à la console. Et là, la blague commence. On peut autoriser de jouer un titre interdit aux -18 ans dont on a la cartouche par l'application contrôle parental de la console, mais on ne peut pas télécharger depuis le Store un des deux jeux offerts interdit aux -12 ans. Pour cela il n'y a aucun paramètre. On pourrait s'attendre à un système de notification du compte principal qui pourrait approuver ou non, après tout ils ont nos emails, en plus de nos âges et nos adresses :-( Mais visiblement, Sony s'est protégé à fond et a nivelé par le bas en mettant en place une politique de sécurité dure et identique pour tous les continents. Donc au final que fait-on ? Et bien on ment en conséquence de cause. On crée un autre compte secondaire en augmentant l'âge de son enfant afin qu'il puisse jouer à son jeu. Le constructeur de la console est tranquille, il a rempli son devoir de garde chiourme et c'est le parent qui prend la décision de tricher pour biaiser le système de protection mal pensé.
Que faut-il en conclure ? Et bien plusieurs choses je crois:
- Qu'il n'y a pas que des OS de la banquise chez moi. Par facilité, par manque d'alternative et parce que, comme le disait récemment Cyrille on ne peut pas imposer de force nos idées à nos proches, on fait entrer des objets connectés non libres du 21ème siècle dans la maison.
- Avec le sourire et en tendant la carte bleue nous sommes en train de nous enfermer volontairement dans des beaux aquariums multicolores, où nager est un plaisir des yeux jusqu'à ce qu'on s'écrase le nez sur la vitre. C'est le point le plus inquiétant pour moi : la multiplication des Store auquels on se soumet avec la satisfaction imbécile d'appartenir à son siècle et de participer au progrès.
- A chacun de balayer devant sa porte. Pour ma part, je vais engager l'année avec l'esprit des deux dernières années : en restreignant les besoins artificiels, en réfléchissant d'abord à l'adéquation entre le besoin et l'objet lors d'un achat ainsi qu'à la pérennité de la solution. La sphère familiale et ludique ne doit pas être sous-estimée c'est là que se jouent maintenant les batailles qui définiront nos libertés demain.