Trop d’informations tue l’information

2012. Je ne sais pas si c’est la fin du monde, mais ce que je vois, c’est que nous sommes submergés. Pas de météorites, de laves, de tsunamis ou je ne sais quoi d’autres. Nous sommes submergés d’informations. Il ne se passe pas une minute dans la journée sans que nous apprenions une information. Je parle de l’information sous n’importe quelle forme, de « il va pleuvoir demain » à « la BCE va prêter à la Grèce » en passant par « Gérard vous invite à passer le réveillon chez lui » ou encore « Le saucisson est 1 euro moins cher dans ce nouveau supermarché ». Que ce soit chez soi ou dans la rue, au travail ou durant les loisirs, il y a toujours quelque chose qui entre en interaction avec nous et cela a pris des proportions que nous n’imaginions même pas il y a 20 ans.

Cette situation peut être imputée à l’arrivée d’un nouvel acteur : le smartphone. Car je ne dis pas 20 ans au hasard. Il y a 20 ans, c’est la date de création du World Wide Web. Et avec l’apparition du smartphone, le web, il est constamment avec nous, dans notre poche (soit dit en passant, mettez-le plutôt dans votre sac, les ondes GSM, c’est vraiment pas terrible). Ce qui est au début une bonne nouvelle est en train de se transformer en un semi cauchemar, car il faut à présent apprendre à gérer l’information. En effet, même si on met de côté celle qui nous arrive sans que nous l’ayons demandé (comprendre, à 90 %, la publicité), nous recevons trop d’informations. Nous ne sommes aujourd’hui qu’à une requête sur un moteur de recherche de n’importe quelle information.

Peut-être ne voyez-vous pas encore le problème dont je parle. Peut-être pensez-vous « bah, s’il trouve qu’il reçoit trop d’informations, il n’a cas arrêter d’utiliser internet sur son téléphone. » Dans l’idée, oui, bien sûr. Rien ne nous empêche de couper Internet, il ne s’impose pas encore à nous à ce point. Mais ce qui fait que l’information est aujourd’hui à la limite du harcèlement, c’est que ce n’est pas une information brute. C’est une information exactement adaptée à son lecteur. L’information a sur Internet une dimension sociale et personnelle que l’on ne retrouve nul part ailleurs. Ce n’est pas une simple publicité affichée sur le site qu’on visite. C’est une publicité qui tient compte des sites que l’on a visité, des articles que l’on a lu, des produits que l’on a consulté, des pages que l’on a aimé ou approuvé. Tout comme ce n’est pas un simple article de journal. C’est un article qui a été sélectionné pour nous par le site du journal, comme pouvant nous intéresser. C’est un article qui nous a été recommandé par un ami. Par quelqu’un que l’on connaît. Ce qui n’était qu’un phénomène très marginal il y a encore dix ans (« Tu devrais regarder cette émission ce week-end, elle a l’air intéressante ») est devenu aujourd’hui une des plus grosses sources d’information. Réfléchissez au nombre de liens, articles, vidéos, images ou même pétitions que vous partagez et repartagez chaque jour. Le côté personnalisé de cette information qui nous arrive est impressionnant. Et si, techniquement, quitter internet est aussi facile que d’éteindre une télévision, un simple clic sur un bouton, il est en pratique nettement plus difficile d’ignorer un contenu qui nous est spécialement destiné.

Nous recevons trop d’informations. Il n’est pas rare aujourd’hui de consacrer plusieurs heures par jour à lire ses mails, ses flux RSS, et surtout, pour la majorité des gens, son (ses ?) réseaux sociaux. Cela nous prend du temps, beaucoup de temps, pour quelque chose qui n’est pas forcément intéressant, en tout cas pas plus que ce que nous étions en train de faire. J’ai été interrompu par 9 mails différents dans la demi heure qu’il m’a fallu pour écrire le début de cet article. Je suis obligé de me retenir de ne pas aller les consulter pour ne pas perdre le fil de mes idées. Je considère que ma tâche principale est plus importante dans l’instant que l’information que j’ai pu recevoir, mais je suis obligé de faire un effort pour ça. Alors je pense à ces cadres, de plus en plus nombreux, qui reçoivent les mails de leur boulot à n’importe quel instant sur leur ordinateur comme sur leur smartphone, à 8h comme à 23h, au travail comme en vacances, et qui ne peuvent pas faire semblant de ne rien avoir reçu. Ils ont réussi le miracle de ne jamais quitter le travail, ne jamais quitter leur responsabilité.

Alors je me pose la question, quelles conséquences cette overdose d’informations va avoir à l’avenir ? Ce dernier cas du travail qui s’insère dans la vie privée mériterait une étude à lui seul, mais ce n’est pas le sujet qui m’intéresse car, comme pour la publicité citée au début, je considère cette information comme imposée. Ce qui m’intéresse, c’est de voir le temps passé par jour à regarder des chatons alors que nous avions allumé l’ordinateur pour travailler. C’est de voir que même en vacances, on ne peut s’empêcher de passer une heure par jour sur Facebook à découvrir tout ce que les gens partagent. Finalement, à coup de mentions, cette information là ne nous est-elle pas imposée, elle aussi ? Qu’est ce qui fait que nous n’arrivons pas à « décrocher » ? Je note d’ailleurs ici l’utilisation du champ lexical propre à la drogue..

Je n’ai bien évidemment pas la réponse à toutes ces questions, mais je pense qu’en avoir conscience est déjà un premier pas.

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Publié par La bande des Geexxx : 34