FRAND et logiciel libre / open source : pas de mariage à l'horizon
Bonjour,
Le 22 novembre dernier se tenait à la Commission Européenne une journée sur le thème de "Implementing FRAND standards in Open Source: business as usual or mission impossible ?" (Utiliser les standards FRAND dans l'open source: opportunité économique ou mission impossible ?).
J'ai assisté à cette commission à double titre: en tant que représentant d'Alter Way et de membre du CA de l'April ( j'accompagnais Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publics).
Je tiens à préciser que je ne suis pas juriste et n'est pas la prétention de l'être, l'article ci-dessous est une interprétation "éclairée" du travail préparatoire + la participation à cette conférence. Vos commentaires sont donc les bienvenus
Qu'est ce que FRAND ?
Pour faire simple, FRAND propose un certain nombre de bonnes pratiques qui visent à simplifier "l'innovation" et notamment l'accès aux standards dit "de faits". Concrêtement, FRAND offre la possibilité pour l'éditeur de proposer une licence associée à des royalties, non obligatoire, afin que d'autres entreprises puissent utiliser la technologie. Ces royalties peuvent prendre la forme d'une licence globale, un mécène achète les droits sur un standard pour l'ensemble du marché. Ils peuvent être aussi assortis d'une discrimination en fonction de la nature de l'utilisateur. Par exemple, si vous êtes un particulier l'utilisation est gratuite mais payante pour les entreprises. Les supporters de FRAND aujourd'hui sont notamment Microsoft et l'Office Européen des Brevets....
FRAND et le logiciel libre ?
L'idée derrière FRAND est de permettre l'accès au marché public à des logiciels qui ne respectent pas les principes des standards ouverts, comme c'est aujourd'hui la norme dans la plupart des pays européens, mais respectent les principes Frand. C'est déjà aujourd'hui le cas au niveau des marchés européens. Pour affirmer la pertinence de leur position, les défenseurs de FRAND souhaiteraient montrer la compatibilité de FRAND avec le logiciel libre et les standards ouverts. Le débat proposé dans le cadre de la Commission Européenne fait partie d'une série d'échange sur ce sujet (3 ont déjà eu lieu et un autre est en préparation).
En conclusion de ces échanges plusieurs points soulignent l’incompatibilité des deux approches:
- Pour des raisons purement juridiques
Les licences Frand sont incompatibles avec la licence GPL car ils s'opposent au principe de copyleft et proposent une discrimination sur l'utilisateur. Elle peut cependant être compatible avec des licences très permissives comme BSD.
- Pour des raisons économiques dues au tissu PME européen
Les standards FRAND et les licences associées sont avant tout des chevaux de troie de très grandes entreprises qui utilisent le logiciel libre comme un simple "faire valoir". Nous pouvons ainsi remarquer que les entreprises qui prônent l'approche FRAND sont les mêmes qui défendent depuis de nombreuses années les brevets logiciels. FRAND, dont les principes sont "vagues", favorise la surenchère juridique face à laquelle les entreprises pure players, comme Alter Way, ne peuvent pas faire face. En effet nous n'avons pas la structure adéquate, ni l'envie, pour embaucher une armée de juristes ou des lobbyistes à temps plein.
- Pour des raisons de transparence et de simplicité
FRAND n'apporte rien il réduite le champ des possible, il s'agit d'un outil pour une course au standard de "fait" avec l’opportunité de "royalties" à l'arrivée. D'un point de vue économique il augmente les coûts d'opportunités et les barrières à l'entrée. A l'opposé le standard ouvert a montré sa pertinence que ce soit vis-à-vis des utilisateurs et du grand public. Le format pdf est un exemple de la pertinence de ce standard en effet l'entreprise émettrice, Adobe, bénéficie d'un effet d'image important et de produits dérivés conséquents. Il est temps d'accepter que "la belle époque" de la rente à outrance dans le numérique est belle et bien finie, nous sommes aujourd'hui dans une économie basé sur le service et la création de valeur. Cette valeur ajoutée est possible que si l'on neutralise toutes les volontés de verrouiller technologiquement le marché.
Conclusions
Le logiciel libre porte le principe de standard ouvert qui favorise l’interopérabilité et l'indépendance technologique. C'est grâce à ces standards que les entreprises du logiciels libres ont créer plusieurs dizaine de milliers d'emplois ces dernières années en France avec un marché de 2,5 milliards d'euros en 2011 (PAC, 2011). Le Premier Ministre a soulevé l'importance des ces standards dans sa circulaire sur les logiciels libres, il a par ailleurs entériné l'idée que le logiciel libre était à la fois favorable à l'utilisateur, l'administration, et au tissu économique national dans une période particulièrement difficile.
"Les standards ouverts favorisent la compétitivité et la transparence, il n'est aujourd'hui pas nécessaire de mettre en avant FRAND." telle pourrait être la conclusion de cette journée d'échange.