La cuvée 2012 des formats

Homme derrière des barreaux

Les plus attentifs auront noté que mon blogue s'appelle « Libre et ouvert » : une référence aux logiciels libres bien sûr, mais aussi aux formats ouverts.

Il y a un lien évident entre les deux : les formats ouverts facilitent le développement et l'utilisation des logiciels libres, tandis que les logiciels libres encouragent naturellement l'utilisation de formats ouverts.

S'il fallait convaincre les gens d'utiliser l'un ou l'autre, je n’hésiterai pas une seconde : je mettrai l'accent sur les formats ouverts qui permettent l’interopérabilité entre les logiciels, qu'ils soient libres ou privateurs.

Avec les formats ouverts, la vie des utilisateurs de logiciels libres devient plus facile ! Il n'y a pas de discrimination, chacun peut utiliser le logiciel libre sans entrave.

Bref si chacun, à titre individuel, est libre d'utiliser un logiciel libre ou privateur, le recours aux formats ouverts devrait être obligatoire : il n'en sortirait que des progrès.

L'État en revanche, de même que toute structure investissant l'argent public, devrait recourir obligatoirement au logiciel libre. C'est à la fois une question de souveraineté et une question de principe : que l'argent public permette de créer des biens publics. Ce que le logiciel libre est, justement.

Malheureusement les formats fermés sont largement répandus (aidés en cela par les brevets logiciels dans les pays qui reconnaissent leur validité – les fous !) et il faut faire avec.

Alors, 2012 a t-elle été une bonne année du point de vue des formats ouverts ?

J'ai recensé pour vous quelques pistes. N'hésitez pas à les compléter en commentaires !

Allez, je suis simpa, je vous file le plan :

  • Le Web
    • WebM vs H264
    • Flash vs le reste du monde
    • Opus : plein de promesses !
    • Le Web reloaded
  • La 3D temps réel

Le Web

Plusieurs batailles sont menées sur ce front essentiel :

WebM vs H264

La bataille du codec vidéo pour la vidéo native dans le navigateur (c'est à dire sans greffon tel l'infâme Flash d'Adobe) voit s'affronter deux prétendants : WebM (embarquant le codec vidéo VP8 libéré par Google) et H264 (dont l'usage est soumis à redevance dans les pays reconnaissant les brevets logiciels). J'ai bien peur que cette bataille ait été perdue. La fondation Mozilla à travers Firefox n'est pas parvenue, seule, à imposer le format ouvert contre le format fermé. Et le célèbre navigateur au panda roux s'apprête à jouer la musique empoisonnée du H264 sur smartphones Android, dans un premier temps (voir ce billet de Brendan Eich, directeur technique chez Mozilla).

Toutefois, comme le souligne ce commentaire :

Les smartphones Android ont une assez grande part de marché pour changer la façon dont les sites web sont faits, de la même façon que tous les sites ont laissé tomber Flash pour H264 lorsque l'iPhone a tourné le dos à Flash. Si les smartphones Android abandonnent Flash et H264 pour ne plus prendre en charge que WebM alors les sites web seraient vite mis à jour pour proposer ce format. Seul, Firefox n'a pas assez de poids pour provoquer ce changement.

Vous savez maintenant ce qu'il vous reste à demander au Père Noël à la fin de l'année. Aura t-on plus de chances avec la génération suivante de codecs ? Peut-être.

Flash vs le reste du monde

Que dire de Flash si ce n'est que sa mort lente devrait s'accélérer avec l'arrivée de Windows 8.

Quel dommage : on n'aura pas eu le temps d'avoir une implémentation libre qui marche... (d'où l’intérêt des formats ouverts !)

Opus : plein de promesses !

La défaite de WebM n'aura pas été vaine et les leçons ont été apprises. Le tout nouvel Opus devrait avoir de bonnes chances de s'imposer comme codec audio de référence pour les communications en temps réel.

Rappelons qu'opus est un codec audio libre de redevance et extrêmement performant, né de l'effort conjoint de Xiph.Org, Skype Technologies (à présent Microsoft) et Mozilla, et qui vient d'être adopté comme standard par l'IETF. Il est déjà implémenté dans Firefox 15 (où il peut d'ores et déjà être mis en œuvre au moyen de la balise audio HTML5) et sera utilisé prochainement par Opera, Chrome/Chromium et bien sûr Skype. La toute récente version 1.0 de FFmpeg l'embarque également.

Ce codec est le candidat idéal pour WebRTC, un standard de communication audio/vidéo en temps réel en cours d'intégration dans les 3 navigateurs sus-cités. Aux côtés de VP8 pour la vidéo ?

Lire à ce sujet le communiqué conjoint de Mozilla/Xiph.Org, celui de Skype Technologies et le billet de sebsauvage.

Le Web reloaded

Mozilla, dont le mantra est plus que jamais « T h e w e b i s t h e p l a t f o r m », est en train de donner un bon coup de pied dans la fourmilière en développant toutes les briques qui manquent pour développer en langage Web (le fameux trio HTML5, CSS3 et JavaScript) les applications que l'on trouve habituellement sur les smartphones. Il s'agit des WebAPI, ou encore de WebRTC que nous avons évoqué plus haut.

Concrètement, ces fameuses WebAPI permettent à des applications Web d’exploiter le hardware du téléphone : appareil photo, GPS, accéléromètre, vibreur etc.

D'où le double intérêt du projet Firefox OS qui a pour objectif de commercialiser des smartphones embarquant Firefox (et son moteur Gecko plutôt que le moteur WebKit qui a la fâcheuse tendance à être omniprésent sur les mobiles avec Chrome/Android et Safari/iOS/iPhone). Mais qui permet aussi de prendre conscience des briques qui manquent pour réaliser des applications indépendantes de la plateforme, écrites en langage Web... pour pouvoir ensuite les développer.

C'est tout le Web qui avance avec ce projet !

Dans le même ordre d'idée, on évoquera simplement le projet Mozilla Persona qui fait partie des initiatives devant permettre de restaurer notre vie privée sur le Web.

La 3D temps réel

Amateurs de jeux 3D, saluez la bonne nouvelle : les participants au standard libre OpenGL se sont enfin sortis les doigts du cul le temps de pondre une alternative au S3TC, un format de compression de textures omniprésent (il est intégré à DirectX) soumis à redevance dans les pays reconnaissant les brevets logiciels (sauf à utiliser une version légèrement dégradée).

En fait c'est un peu plus compliqué (mais j'aime bien les phrases choc) :

  1. Avec l'avènement des smartphones, vous avez dû remarquer que les lignes bougeaient (Microsoft très largement minoritaire sur ce marché, Flash évincé, WebKit omniprésent, généralisation du système de magasin d'applications monopolistique à chaque plateforme, etc.). Ainsi le succès des iPhones qui embarquent depuis l'origine des puces graphiques PowerVR a généralisé un autre format de compression de textures, également breveté : le PVRTC.
  2. Pondre un format de compression de textures libre de redevance dans le champ de mines actuel qu'est le système des brevets logiciels, implique presque à coup sûr que des acteurs acceptent de renoncer à demander une redevance sur des brevets qu'ils détiennent (comme Google l'a fait avec son codec vidéo VP8 par exemple).

C'est ce qui s'est passé en l'occurrence, Ericsson offrant à la communauté son format de compression de textures ETC2, capable de rivaliser en termes de qualité avec les formats existants S3TC et PVRTC.

Du coup, la voie étant à présent libre, la prise en charge d'ETC2 est rendue obligatoire à tout fabriquant de puces graphiques désirant proclamer la compatibilité de celles-ci avec OpenGL 4.3 ou OpenGL ES 3.0.

Encore plus fort : un successeur, également libre de redevance, des formats actuels ETC2/S3TC/PVRTC est déjà annoncé : il s'agit de l'ASTC, issue de la collaboration de ARM et Nvidia.

Lire à ce sujet : Khronos annonce les sorties d'OpenGL 4.3 et OpenGL ES 3.0, lesquelles se dotent enfin d'un format libre de compression des textures.

Je termine ce billet avec l'inévitable lien vers l'article dédié sur Wikipédia : Correspondance entre formats ouverts et formats fermés.

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