Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath

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